Exclusif : les professionnels estiment que les tests RT-PCR devraient être pratiqués sur ordonnance

Paris, le mardi 13 octobre 2020 – Souffrant de la comparaison avec ses voisins et critiquée en raison des limites de ses capacités de dépistage, la France (ou plutôt son gouvernement) se félicite d’avoir pu rattraper son retard et dépasser ses voisins en réalisant chaque semaine plus d’un million de RT-PCR à la recherche du SARS-CoV-2. Las, cet exploit quantitatif masque, nous l’avons déjà évoqué à plusieurs reprises, des écueils qualitatifs. Ouvert à tous, le dépistage ne cible en effet pas les personnes les plus à risque d’être contaminées et plus encore contagieuses, tandis que l’augmentation très soudaine des prélèvements n’a pas pu être couplée à une progression parallèle des analyses. Aussi, les délais d'obtention des résultats atteignent des records en Ile-de-France, tandis que d’une manière générale ils grèvent significativement l’efficacité de la politique de traçage et d’isolement.

Plébiscite pour que RT-PCR rime avec ordonnance

Face à cette situation, le gouvernement a émis des recommandations de priorisation, afin que les personnes présentant des symptômes et les cas contacts des sujets réellement diagnostiqués puissent avoir accès plus facilement à la RT-PCR. Cette priorisation ainsi que le déploiement de centres destinés à répondre à ces populations ont contribué à modifier quelque peu l’organisation. Pour les professionnels de santé, il serait cependant pertinent d’aller encore plus loin en réservant les tests de dépistage de la Covid-19 par RT-PCR aux patients munis d’une ordonnance (qui n’est pas nécessairement délivrée par un médecin, mais peut l’être également par l’Assurance maladie, dans le cas par exemple des cas contacts). Tel est l’enseignement d’un sondage réalisé sur notre site du 20 septembre au 5 octobre. Ainsi, 81% des professionnels de santé plébiscitent une telle simplification et clarification, tandis que 17 % y sont hostiles et 2 % ne se prononcent pas (756 répondeurs). Une telle majorité écrasante suggère sans ambiguïté que les professionnels de santé attendent que la dimension médicale soit clairement remise au centre de la politique de dépistage.

Sondage réalisé sur JIM du 20 septembre au 6 octobre 2020

Les Académies de pharmacie et de médecine appellent les pouvoirs publics à d’avantage d’audace

Cette position fait écho à celle des Académies de médecine et de pharmacie qui ont signé la semaine dernière un communiqué commun où elles préconisent de « réserver les tests RT-PCR aux seules personnes disposant d’une prescription médicale » (soit les patients symptomatiques et les personnes en contact avec des patients confirmés). Cependant, conscientes qu’une telle restriction pourrait ne pas assurer totalement la garantie de résultats rapides (moins de 24 heures), les Académies notent que pour les patients symptomatiques et les cas contacts, le test RT-PCR (sur prélèvement nasopharyngé ou salive) peut être complété par un test rapide d’orientation diagnostique antigénique, si le résultat de la PCR ne peut être obtenu dans les 24 heures. Il s’agit d’une recommandation qui est plus audacieuse que celle de la Haute autorité de santé (HAS) qui suggère le recours à ces tests antigéniques quand les résultats risquent de se faire attendre plus de 48 heures et uniquement pour les personnes symptomatiques. Concernant les cas contacts, elle note « En l’état actuel des connaissances, la HAS ne dispose pas encore des données nécessaires pour recommander l’utilisation de tests antigéniques pour les personnes-contacts (sans symptôme) et qui sont identifiées isolément ou au sein d’un cluster. Le test virologique RT-PCR reste le test à utiliser dans cette situation ».

Les tests antigéniques doivent s’imposer largement pour les opérations de dépistage

Pour toutes les autres situations (utilisation des tests dans un cadre de dépistage et non de diagnostic) les Académies recommandent de recourir aux TROD antigène, dont les performances permettent en effet de pouvoir déterminer le risque de contagiosité du sujet. Les Académies insistent pour qu’ils soient largement déployés « en médecine de ville, dans les EHPAD, les établissements de santé, les écoles, lycées et universités, les entreprises, les prisons et les aéroports ». La philosophie de la HAS est semblable, même si encore une fois elle paraît moins ambitieuse : « La HAS reconnaît l’intérêt de l’utilisation des tests antigéniques dans le cadre d’opérations de dépistage à large échelle ciblant des populations au sein desquelles le risque d'infection est plus important qu’en population générale. Cela peut recouvrir des populations qui vivent, étudient ou travaillent dans des lieux confinés qui favorisent la transmission du virus à un grand nombre de personnes (universités, abattoirs, ...). L’objectif est de débusquer les clusters ».

Des nouveaux outils prometteurs

Ainsi, les Académies pressent le gouvernement d’utiliser de façon plus large l’ensemble des outils disponibles. Ainsi, évoquent-elles également les tests reposant sur une « PCR isotherme par la méthode LAMP (Loop-Mediated Isothermal Amplification) », présentée comme « une alternative qui présente certains avantages : amplification à température constante, sans thermocycleur et sans étape préalable d’extraction. Plusieurs tests sont disponibles mais moins sensibles que la RT-PCR. Ils peuvent être facilement utilisés pour des dépistages « hors les murs » comme les TRODs antigène », notent les Académies. On sait également que des innovations intéressantes sont à surveiller concernant la mise à disposition d’un test sérologique plus performant (COViDiag développé par Innobiochips et GD Biotech) car s’appuyant sur cinq antigènes au lieu d’un seul. Un tel outil permettrait d’affiner la connaissance de l’épidémie.

Délais de prélèvement et de résultats : bientôt le frémissement ?

Le gouvernement acceptera-t-il de prendre en considération ces recommandations ? Peut-être considérera-t-il comme suffisantes les améliorations constatées ces dernières semaines. Depuis les recommandations de priorisation des tests, qui semblent avoir conduit à une diminution de leur nombre et grâce à cette dernière, l’accès aux prélèvement paraît facilité. Ainsi, Le Parisien relève à partir d’une observation du site Doctolib que le 24 septembre, seuls cinq établissements (sur 636) proposaient des créneaux de rendez-vous le jour même, contre 155 le 8 octobre. Cependant, le dernier rapport de Santé publique France ne signale pas encore d’embellie significative tant en ce qui concerne le moment du prélèvement que le rendu des résultats. « En semaine 40, parmi les cas symptomatiques avec des dates de début des signes cliniques et une date de prélèvement pour dépistage par RT-PCR renseignés (n=41 378), le délai moyen de dépistage était à 3,0 jours, délai stable sur les dernières semaines (Figure 12). Ce délai ne comprend pas le temps de la remise du résultat au patient. Les disparités entre les régions persistent, avec une étendue de 2,6 à 5,6 jours ».

Aurélie Haroche

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Vos réactions (1)

  • Toujours trop …ou pas assez

    Le 14 octobre 2020

    Il faudrait réfléchir quelques fois avant d'agir, et peut-être aussi se fier un tout petit peu aux professionnels avant de prendre une décision comme passer de pas assez de tests à "tests pour tout le monde" et gratos...au mépris des conditions médicales élémentaires et aussi grave, des possibilités des labos.

    Faire un test pour avoir le résultat une semaine après, c'est une aberration.

    Dr Astrid Wilk

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