
Paris, le mardi 10 novembre 2020-Hier, la diffusion par Pfizer et Biontech des premiers résultats de l’essai de phase 3 de leur candidat vaccin contre la Covid-19 a soulevé un vent d’espoir inédit depuis le début de la pandémie. Retour en quelques questions sur cette information peut-être capitale et sur les inconnues qui persistent.
Qu’est-ce que le vaccin Pfizer/Biontech ?
Le projet de vaccin porté par Pfizer et Biotech est connu sous le nom de BNT162b2 mRNA.
Il se base sur une technique de vaccination jusqu’à aujourd’hui jamais mise en œuvre : l’introduction dans l’organisme d’un ARN messager afin de provoquer la production, de façon transitoire, et par transcription inverse, d’une des protéines de SARS-CoV-2, la protéine S (protéine de spicule). Il s’agit selon Pfizer du « candidat-vaccin à ARNm à nucléoside modifié (ARNmod ou modRNA) – qui encode la plus grande séquence optimisée de la protéine « spike » du SARS-CoV-2 ».
Où en sont les essais ?
Un essai clinique de phase 3 a débuté le 27 juillet et a inclus 43 538 personnes, dont 38 985 ont reçu une seconde dose du candidat vaccin. « Les principaux critères d'évaluation de l'essai sont la prévention de la Covid-19 chez les personnes qui n'ont pas été infectées par le SARS-CoV-2 avant la vaccination, ainsi que la prévention de la COVID-19 chez les personnes avec ou sans infection préalable par SARSs-CoV-2 », indiquent Pfizer et Biontech.
Le critère principal d’évaluation de cet essai repose sur l’évaluation des cas confirmés de Covid-19 sept jours après la deuxième dose, tandis que les critères d’évaluation secondaire reposent sur une analyse quatorze jours après. La prévention des formes sévères sera également appréciée. L’essai randomisé et en aveugle contre placebo doit enfin permettre « d’obtenir les données de tolérance, d’immunogénicité et d'efficacité nécessaires à l'évaluation réglementaire » précisent les deux laboratoires
Quels sont les résultats présentés hier ?
Le vaccin candidat s'est avéré efficace à plus de 90 % dans la prévention de la Covid-19 chez les participants sans preuve d'infection antérieure par SARS-CoV-2 lors de la première analyse intermédiaire.
L'analyse a inclus 94 cas confirmés de Covid-19 chez des participants à l'essai. La répartition de ces cas entre les sujets vaccinés et ceux ayant reçu un placebo révèle un taux d'efficacité vaccinale supérieur à 90 %, 7 jours après la deuxième dose. « Cela signifie que la protection est obtenue 28 jours après le début de la vaccination, qui consiste en un schéma à 2 doses », signalent les deux laboratoires.
Quels étaient les précédentes données concernant ce vaccin ?
Les études conduites chez différentes espèces animales, ont mis en évidence que le candidat vaccin permettait d’obtenir la production de lymphocytes T CD4+ et CD8+ spécifiques de l'antigène viral et des niveaux élevés d'anticorps neutralisants, ainsi que des effets protecteurs face à SARS-CoV-2 chez le primate.
Les phases 1 et 2 ont par ailleurs mis en évidence le fait que chez les sujets les plus âgés (65-85 ans), deux doses de 30 μg, espacées de trois semaines, ont « induit un titre moyen géométrique d’anticorps neutralisants supérieur à celui obtenu dans un échantillon de 38 personnes ayant précédemment été infectés par SARS-Cov-2 ».
Quelles sont les prochaines étapes ?
L’essai clinique doit se poursuivre. Une publication est également attendue dans une revue à comité de lecture, puisque pour l’heure les communiqués des deux firmes sont les seuls éléments disponibles.
Pfizer et Biontech indiquent par ailleurs que doit être poursuivie l’analyse clinique de 164 cas confirmés, afin de pouvoir préciser les premiers résultats.
Ils soulignent qu’ « au fur et à mesure que l'étude se poursuit, le pourcentage d'efficacité final du vaccin peut varier ».
Si ces bons résultats préliminaires étaient confirmés, le processus réglementaire pourrait être initié rapidement. Les deux laboratoires assurent qu’ils pourraient déposer leurs demandes pour une autorisation d’utilisation en urgence auprès de la Food and Drug Administration dès la troisième semaine de novembre.
Que sait-on des effets secondaires ?
Dans leur communiqué, Pfizer et Biontech notent qu’aucun « problème d’innocuité sérieux » n’a été repéré et que le comité indépendant a donné son feu vert pour la poursuite de l’étude.
Par ailleurs, les résultats préliminaires des phases 1 et 2 de l’essai ont confirmé un profil de tolérance favorable, « avec des événements indésirables légers à modérés et transitoires (1-2 jours), tels que de la fièvre, de la fatigue et des frissons. Aucun événement indésirable grave n’a été rapporté ».
Quelles sont les incertitudes majeures ?
C’est la première fois qu’une telle technique vaccinale basée sur l’ARNm est utilisée et l’on ne dispose donc d’aucune expérience comparable pour évaluer les risques potentiels associés à ce type de vaccin et le recul est évidemment insuffisant pour juger des risques d’effets secondaires.
On ignore par ailleurs la durée de protection qui pourrait être conférée par cette vaccination.
Enfin, nous ne savons rien pour l’instant de la protection éventuelle des sujets les plus à risque de formes graves de la maladie et notamment des personnes âgées ou très âgées.
Ce vaccin pourrait-il être produit rapidement ?
La presse assure que les deux laboratoires seront en mesure de produire 1,3 milliard de doses d'ici la fin de l'année 2021.
Les deux laboratoires ont par ailleurs précisé au mois de mai qu’ « En prévision de la réussite du programme de développement clinique, Pfizer et BioNTech s’efforcent d’augmenter la capacité de production en vue d’un approvisionnement mondial. Pfizer prévoit d’activer son vaste réseau de fabrication et d’investir à risque afin d’accélérer la production d’un vaccin approuvé contre le COVID-19 pour ceux qui en ont le plus besoin dans le monde. L’ampleur de ce programme devrait permettre la production de millions de doses de vaccin en 2020, puis de centaines de millions de doses en 2021. Certains sites appartenant à Pfizer, situés dans trois États américains (Massachusetts, Michigan et Missouri) ainsi qu’à Puurs, en Belgique, ont été désignés pour la fabrication du vaccin », tandis que d’autres sites ont également été sélectionnés.
De plus il faut souligner que ce vaccin devrait être conservé à – 80° C avant utilisation ce qui impliquera des difficultés logistiques difficilement surmontables dans certains pays.
Quel serait l’accès de l’Europe à ce vaccin ?
La Commission européenne, qui négocie avec les laboratoires au nom des Etats membres, a annoncé en septembre avoir conclu des discussions préliminaires avec les deux laboratoires en prévision de la fourniture de 100 millions de doses. « D’après mes informations, ce contrat est sur le point d’être signé » a indiqué hier Peter Liese, député européen, chargé de ses questions. En ce début d’après-midi, la Commission européenne indique qu’un accord sera présenté demain.
Les Français se vaccineront-ils ?
Une enquête suggère déjà que quel que soit le vaccin qui remportera finalement la course, la défiance pourrait être forte avec seulement 54 % des Français envisageant de se faire vacciner contre la Covid.
Quelles ont été les principales réactions aux annonces de Pfizer et Biontech ?
Prudence et enthousiasme ont salué les annonces qualifiées d’historiques par les représentants des deux firmes. Outre la flambée de la bourse et sans revenir sur la déception courroucée des équipes de Donald Trump (qui avait promis un vaccin le 3 novembre), on retiendra qu’Anthony Fauci (directeur des NIH et coordonnateur de la lutte contre l’épidémie aux Etats-Unis avant d’être boudé par D. Trump) se montre très optimiste en rappelant qu’il avait auparavant considéré qu’un vaccin pourrait être considéré avec attention dès lors qu’il présenterait une efficacité de 50/60 %.
Il faut sans doute insister pour finir sur le fait que d’autres candidats vaccins sont actuellement aussi en phase 3 avec des résultats favorables en termes d’immunité humorale dont, notamment, le vaccin Moderna basé également sur l’ARNm, un vaccin chinois inactivé, un vaccin russe, Spoutnik V, utilisant des adénovirus recombinants porteurs du gène de la glycoprotéine de pointe du SARS-CoV-2 et le vaccin recombinant développé par l’université d’Oxford et Astra-Zeneca.
Nous reviendrons sur ce BNT162b2 mRNA dès que ces résultats seront publiés.
Aurélie Haroche