
Paris, le samedi 28 novembre 2020 - Il faut parfois prendre quelques minutes pour mesurer l’incroyable victoire remportée par la science sur le nouveau coronavirus. Moins d’un an après l’apparition du Sars-Cov-2, les plus grands laboratoires pharmaceutiques du monde sont d’ores et déjà presque en mesure de proposer à la population un vaccin qui permettra de contrôler, voire d’éradiquer, l’épidémie de Covid-19.
Reste à savoir comment les Etats vont-ils conduire leur politique de vaccination dans un contexte où la défiance et les discours complotistes ont considérablement amoindri la couverture vaccinale. En France, comme dans d’autres nations européennes, le débat semble d’ores et déjà tranché. Au cours de son adresse aux français le 24 novembre dernier, le président de la République a clairement indiqué que la vaccination au Covid-19 ne sera pas obligatoire.
En Europe, seule la région de Galice en Espagne envisage l’option inverse. Au Danemark, une proposition visant à rendre obligatoire la vaccination pour les populations à risque a suscité un tollé politique majeur.
Mais comme souvent, le secteur privé risque d’avoir son mot à dire. Lundi 23 novembre, la compagnie aérienne australienne Quantas a annoncé qu’elle rendra obligatoire la vaccination de tous les passagers sur ses vols internationaux (et donc très probablement aussi pour ses personnels). D’autres compagnies aériennes ont annoncé envisager une solution similaire, encouragent la mise en place d’un carnet de vaccination dématérialisé.
Une prise de position qui pose débat : dans quelle mesure les sociétés privées peuvent rendre obligatoire la vaccination contre le Covid-19 ?
Peut-on rendre la vaccination obligatoire pour les soignants ?
Le droit français permet dans certains cas de rendre obligatoire la vaccination contre certaines affections. Tout d’abord, s’agissant des professionnels de santé, le Code de la Santé Publique fixe un principe clair : les sujets exerçant une profession les exposant à des personnes « à risque » doivent être immunisés contre l’hépatite B, la diphtérie, la poliomyélite et la grippe.
Une obligation qui s’étend également aux étudiants devant accomplir une partie de leurs études dans un établissement ou organisme public ou privé de soins ou de prévention. A l’heure actuelle (et pour cause !), cette obligation n’a pas été étendue à la vaccination contre la Covid-19 (même s’il est clair que les personnels soignants figureront parmi les premiers bénéficiaires de la vaccination).
On note au passage qu’en dépit du principe fixé par l’article L.3111-4 du Code de la Santé Publique, la couverture vaccinale des professionnels de santé reste insuffisante.
En 2019, seulement 35 % des professionnels de santé étaient vaccinés contre la grippe saisonnière. Un taux qui cache des disparités importantes entre les médecins (68 %) et les aides-soignants (21%).
La médecine du travail en renfort
Qu’en est-il des autres professions exposées au public ? En effet, le Code du Travail fait peser sur l’employeur une obligation de protection de la santé des travailleurs, qui doit passer notamment par la mise en place d’actions de prévention.
Or, on imagine aisément que de nombreux salariés se retrouveront dans leurs fonctions naturellement exposés à un fort risque de contamination (restaurateurs, salariés au sein de salle de sport, serveurs en boite de nuit, lorsqu’elle seront ouvertes…).
Sur ce point, l’article R.4426-6 du Code de Travail permet aux employeurs de mettre en place, en coordination avec la médecine du travail, des plans de vaccinations spécifiques pour assurer la protection des salariés. Ce qui pose la question suivante : un salarié peut-il refuser une vaccination proposée à l’initiative de la médecine du travail ?
La Cour de Cassation a eu l’occasion de considérer comme justifié le licenciement d’un salarié (en l’espèce, un employé des pompes funèbres) qui avait refusé la vaccination contre l’hépatite B imposé par l’employeur et la médecine du travail. Dans son arrêt de la Chambre Sociale en date du 11 juillet 2012, la Cour de Cassation avait estimé que les salariés qui craignent les effets nuisibles de certains vaccins devaient tout simplement s’abstenir de postuler aux emplois où ces injections sont indispensables.
Une solution qui pourrait inciter les employeurs à mettre en place des plans de vaccination contre la Covid-19. La mise en place d’une vaccination des salariés étant en général moins couteuse qu’une mesure de fermeture administrative.
Charles Haroche