Vers une immunité augmentée contre le SARS-CoV-2 ?
Si on leur posait la question, de nombreux médecins et chercheurs
seraient en accord avec l'affirmation suivante : la maladie
contractée de façon naturelle induit une meilleure immunité que la
vaccination. En effet, il est certain que de nombreux agents
pathogènes entraînent chez les patients qui en ont été infectés une
immunité plus importante et de plus longue durée que les vaccins.
La rougeole en est un bon exemple : alors qu'elle peut se
compliquer de pneumonie parfois sévère par surinfection
bactérienne, qu'elle comporte un risque d'encéphalite voire même un
risque de décès, l’infection entraîne cependant une immunité pour
la vie entière chez les sujets guéris. Au contraire, la vaccination
qui nécessite deux injections, entraîne une immunité dont l'effet
protecteur peut ne pas être complet pendant toute la vie mais qui
néanmoins est suffisant pour contrôler la maladie en cas de
propagation à grande échelle.
Parfois, l’immunité vaccinale est plus forte qu’avec
l’infection naturelle
Contrastant avec le cas du virus de la rougeole, il existe d'autres
agents pathogènes contre lesquels les vaccins développés par
l'homme induisent une immunité plus forte que celle induite par
l'infection naturelle ainsi que consécutivement une meilleure
protection. Un très bon exemple de cette situation est le cas du
tétanos. La bactérie responsable de cette affection libère chez le
patient une toxine qui même à faibles concentrations est
responsable des signes souvent sévères de l’affection : néanmoins
la réponse immune développée au décours de l'affection reste
modérée en particulier en ce qui concerne l'immunité humorale. Par
contraste, la vaccination qui repose sur l'injection de la toxine
du tétanos sous une forme inactivée induit une réponse immune plus
intense en particulier s'agissant de la production d'anticorps qui
persistent au moins dix ans et probablement plus longtemps. Ainsi
la vaccination est-elle conseillée chez les sujets qui ont pu être
exposés au bacille du tétanos de même qu'aux patients qui ont
présenté de façon certaine des signes cliniques de cette
affection.
Un autre exemple issu du monde bactérien est le cas de
l'Hemophilus influenza de type b ou Hib. Cette bactérie peut
entraîner une affection avec différentes manifestations dont
certaines sévères pouvant être létales ou s’accompagner d’une forte
morbidité : ainsi en est-il de la survenue de méningites, de
pneumonies ou de septicémies. Or cette bactérie possède à sa
surface une couche de sucres qui typiquement induisent une très
faible réponse immune. C'est la raison pour laquelle, dans le
vaccin il a été procédé à une liaison de ces sucres à une protéine
dite glycoconjuguée afin d'augmenter la réponse immune. De fait les
réponses immunes obtenues après vaccination sont très augmentées
par rapport à celles induites par l'affection naturelle. Et
actuellement dans les pays développés, le vaccin est préconisé
avant l'âge de 2 ans, ce qui a eu pour conséquence une diminution
drastique de l'incidence des méningites.
Qu’en sera-t-il pour la Covid-19 ?
Où se situe le SARS-CoV-2, en terme d'induction de réponse
immune s'agissant de l'infection naturelle par rapport aux
différents types de vaccins ? Telle est la question qui se pose
aujourd'hui. Les résultats récents d'analyses intermédiaires
concernant les vaccins de Pfizer-BioNTech d'une part, le vaccin
Moderna d'autre part utilisant un ARN messager de la protéine spike
pour induire une réponse immune, montrent que ces vaccins sont
efficaces à 95 % pour prévenir une infection par la Covid-19. La
prévention de l'infection et de la maladie a pu être associée pour
ces deux vaccins à la production d'anticorps neutralisants.
D'autres vaccins également objet de protocoles cliniques et
reposant sur une technologie différente sont également capables
d'induire la production d'anticorps neutralisants suggérant d'après
les résultats des études chez l'animal un effet protecteur vis à
vis de l'affection. En outre de tels anticorps semblent actifs en
traitement curatif chez des patients déjà atteints de Covid-19
arguant aussi pour un effet protecteur. Le rôle de l'immunité
cellulaire demande également à être précisé.
Toutefois la durée de l'immunisation sur le long terme tant pour
l'infection naturelle que pour les différents vaccins déjà utilisés
en phase 3 n'est pas connue, du fait du faible recul par rapport à
cette affection. Des études longitudinales examinant l'immunité
humorale et cellulaire sur le long terme semblent d'autant plus
nécessaires que des premiers résultats très préliminaires
paraissent montrer une grande variabilité des données entre
individus. Un dernier paramètre à prendre en considération
concernant les vaccins en cours d'études cliniques, est non
seulement leur effet protecteur vis à vis de l'infection et de la
maladie d'une part mais aussi leur effet sur l'inhibition de la
transmission d'autre part. Certains vaccins en effet, selon
certains résultats préliminaires, semblent protéger contre la
survenue de l'infection ou de la maladie mais sans diminuer
notablement l'infection au niveau des voies aériennes hautes, ne
permettant pas dans ce cas une réduction de la transmission
inter-individus.
Une fois les études de tolérance et d'efficacité effectuées,
qualité de la réponse immune sur le long terme et efficacité sur
l'inhibition de la transmission virale sont les points principaux
qui doivent guider le développement et les indications des vaccins
vis à vis de cette affection nouvelle.
Néanmoins, il faut différencier les formes de réactions immunitaires en fonction des "'agresseurs " : un VIRUS n'est pas une TOXINE ; et l'un et l'autre sont encore moins une BACTERIE !
Dr Philippe Nameche
Exemple de la rage
Le 16 décembre 2020
Merci pour cette excellente contribution. Un autre exemple particulier est celui de la Rage. L'intérêt de ce vaccin est de provoquer une réponse immunitaire plus rapide que le temps mis par le virus pour atteindre le système nerveux central et donner la mort inéluctablement. On parle alors de "vaccin thérapeutique" car le vaccin est injecté après l'infection (morsure habituellement par animal enragé) et va pouvoir neutraliser le virus. Par contre l'immunité donnée par le vaccin est de courte durée.
Pr Dominique Baudon
Vaccinations SARS-CoV-2 et dynamique de transmission
Le 19 décembre 2020
Analogies et extrapolations nous ont bien souvent induit en erreur. Efficacité et innocuité cliniques sont probables et seront crédibilisés par l’épreuve du temps et du nombre même si la multiplicité prévisible des plateformes vaccinales à venir ne sera pas facilitant. La pérennité de l’immunité naturelle ou vaccinale dans le cas de SARS-CoV-2 est inconnue, les comparer reste pour longtemps illusoire :
• Son approche in vitro exclusivement humorale est aisée mais très réductrice.
• Elle se heurte à la cinétique maintenant connue et très transitoire discréditant le « passeport sanitaire » et limitant la portée des enquêtes de séro-prévalence, aux résultats décevants de l’utilisation thérapeutique de sérum de convalescents
Chai KL, Valk SJ, Piechotta V et coll . Convalescent plasma or hyperimmune immunoglobulin for people with COVID‐19: a living systematic review. Cochrane Database of Systematic Reviews 2020, Issue 10. Art. No.: CD013600 DOI: 10.1002/14651858.CD013600.pub3
• L’approche cellulaire in vitro est balbutiante en pratique courante
• Les constats CLINIQUES A VENIR répondront à la question de la pérénnité
Le Dr Sylvia Bellucci souligne à TRES juste titre une question dont la réponse se fera très probablement attendre de manière durable : Quel sera l’impact EPIDEMIOLOGIQUE et non plus sanitaire de la vaccination sur la DYNAMIQUE de TRANSMISSION virale puis la voie de l’IMMUNITE COLLECTIVE ? Ce sujet est évoqué, de manière pessimiste, par deux épidémiologistes Hongkongais dés 21/9 et donc AVANT l'annonce Pfizer / Biontech :
Peiris M, Leung GM. What can we expect from first-generation COVID-19 vaccines? Lancet. 2020 Sept21 Nov7; 396 (10261):1467-1469 doi: 10.1016/S0140-6736(20)31976-0
Ils soulignent que la contribution vaccinale, certes protectrice, première génération risque d'avoir un effet MODESTE sur la voie de l'immunité collective, que l'impact sur la transmission n'a pas été évalué à leur connaissance car non prioritaire en regard de l’évaluation efficacité - tolérance : Moins de malades cliniques mais autant de charge virale ?
Ces considérations ne sont PAS un détail , elles sont rarement évoquées et alors éludées quand il s’agit de répondre à deux questions légitimes mais anxiogênes : • Tous les sujets ayant eu une PCR positive , vaccinés in vivo, sont t’ils candidats au(x) vaccin(s) ?
• Ayant été vacciné, que deviennent pour moi et mon entourage les "mesures physiques" ?
Un certain nombre de points RASSURANTS AVANT toute action vaccinale :
• Pour SARS-CoV-2 : la RARETE des RE-INFECTIONS symptomatiques documentées publiées 1an et 18jours plus tard en regard du volume des primo-infectés déclarés : 4 géographiquement très dispersés / ????
Arafkas M et coll . Current meta-analysis does NOT support the possibility of COVID-19 REinfections . J Med Virol. 2020 Sep 8 doi: 10.1002/jmv.26496 Iwasaki A. What REinfections mean for COVID-19. Lancet Infect Dis. 2020 Oct 12:S1473-3099(20)30783-0 doi: 10.1016/S1473-3099(20)30783-0 Tillett RL, Sevinsky JR, Hartley PD et coll . Genomic evidence for REinfection with SARS-CoV-2: a case study. Lancet Infect Dis. 2020 Oct 12:S1473-3099(20)30764-7 doi: 10.1016/S1473-3099(20)30764-7
Il ne fait aucun doute que de nouvelles observations apparaitront, sans interférer avec leur rareté en l’absence de variant pathogène cliniquement ou épidémiologiquement significatif :
Sharma R, Sardar S, Mohammad Arshad A et coll . A Patient with Asymptomatic SARS-CoV-2 Infection Who Presented 86 Days Later with COVID-19 Pneumonia Possibly Due to Reinfection with SARS-CoV-2. Am J Case Rep. 2020 Dec 1;21:e927154 doi: 10.12659/AJCR.927154
Si ces case-reports devaient être pris en compte, devra t’il en être de même pour la durée de l'isolement théorique qui passerait de 9j à .... 70j sur la base d'un case-report aussi :
Muge Cevik, Matthew Tate, Ollie Lloyd et coll. SARS-CoV-2, SARS-CoV, and MERS-CoV viral load dynamics, duration of viral shedding, and infectiousness: a systematic review and meta-analysis . Lancet Microbe Nov19, 2020 DOI:https://doi.org/10.1016/S2666-5247(20)30172-5
• SARS-CoV-1 semble éteint depuis 2004 • MERS-CoV est très sporadique depuis 2013 , il semblait être le coronavirus humain ayant la plus longue persistance d'anticorps neutralisants : A mettre en miroir avec sa plus grande sévérité ? • PAR CONTRE les ré-infections par les 4 coronaroviroses SAISONNIERES sont bien établies, avec un impact sanitaire et logistique bien moindre. L’absence d’immunité HUMORALE croisée de ces derniers vis-a-vis de SARS-CoV-2 (Jim7/7) aux deux extrémités du spectre clinique a été suggérée :
Sermet I, Temmam S, Huon C et coll . Prior infection by seasonal coronaviruses does NOT prevent SARS-CoV-2 infection and associated Multisystem Inflammatory Syndrome in children (Toujours preprint à ce jour). Medrxiv, 30 juin 2020 (Non revu) Cette approche exclusivement humorale est plus aisée, pédagogique MAIS très réductrice.
Un travail complémentaire de celui analysé par le Dr S Bellucci nous rappelle le spectre des constats variables issus des autres immunisations naturelles ou vaccinales anti-virales ou anti-bactériennes. La VARIOLE reste la seule affection humaine pour laquelle seule la vaccination, et non l’immunité naturelle , a permi l’éradication (1980); Spellberg B, Nielsen TB et coll . Antibodies, Immunity, and COVID-19. JAMA Intern Med. November 24, 2020 doi:10.1001/jamainternmed.2020.7986