Manaus, une expérience immunologique à ciel ouvert

Manaus, le vendredi 15 janvier 2021 – Bien que 76 % des habitants de Manaus seraient porteurs d’anticorps contre la Covid-19, la ville n’est pas épargnée par le rebond épidémique actuel.

Depuis le début de l’épidémie, une question taraude certains dirigeants: pourquoi ne pas laisser le virus circuler afin d’atteindre plus rapidement la fameuse immunité collective qui mettrait fin à l’épidémie ?

Cette solution alternative, qui aurait le mérite d’éviter de devoir mettre en œuvre des restrictions sanitaires drastiques, a été rejetée par la plupart des gouvernements du monde, en raison de son coût humain majeur probable. Dans son discours du 28 octobre dernier, le Président de la République Emmanuel Macron avait ainsi affirmé que la France n’adopterait jamais cette stratégie.

Une ville cependant a opté pour cette solution : Manaus, métropole brésilienne de 2,2 millions d’habitants au milieu de la jungle amazonienne. Une stratégie plus subie que véritablement voulue, les autorités locales estimant simplement que la ville et ses habitants ne survivraient pas économiquement et socialement à un confinement. Rien ou presque n’a donc été fait pour stopper la circulation du virus. Les transports en commun, les écoles, les commerces, les lieux culturels de la ville sont restés ouvert tout au long de la crise.

Manaus, ville martyr mais ville sauvée ?

Sans surprise, le bilan humain de cette politique a été lourd. Les hôpitaux vétustes de la ville se sont rapidement retrouvés saturés de malades et à court d’équipement et de personnel. Les cadavres se sont entassés dans les morgues et ont été enterrés à la va-vite dans des cimetières de fortune.

Malgré la jeunesse de sa population, Manaus a déploré 3 100 décès lors de la première vague, entre mai et août, soit un taux de mortalité deux fois supérieur à la moyenne nationale.

La contrepartie de ce sacrifice humain important serait donc l’immunité collective, qui permettrait (en théorie) à Manaus d’être épargnée par toute résurgence épidémique. En apparence, l’objectif est atteint.

Selon une étude publiée dans la revue américaine Science le 8 décembre dernier et réalisée par des chercheurs brésiliens, américains et britanniques, d’après des prélèvements réalisés chez des donneurs de sang 76 % des habitants de Manaus ont des anticorps contre la Covid-19. Un taux de contamination supérieur au seuil de 60 % généralement fixé par les chercheurs comme le seuil permettant d’atteindre l’immunité collective. Par comparaison, seulement 29 % des habitants de Sao Paulo possèdent des anticorps.

Une immunité collective en trompe l’œil

A partir du début de l’été, le nombre de contaminations a diminué à Manaus, passant de 4 500 hebdomadaires en mai à 1 380 en septembre, tout comme le nombre de décès (292 en mai, 33 en septembre).

Pourtant, Manaus ne semble pas tiré d’affaires et ce malgré le taux de séropositivité de ses habitants. La courbe des contaminations à Manaus n’a en réalité fait que suivre celle du Brésil, qui a connu un reflux épidémique à partir du mois de septembre. Car malgré son important niveau d’immunité collective, Manaus n’a pas épargnée par la seconde vague qui touche le pays depuis la fin novembre. Elle compte désormais environ 2 000 cas et 50 morts par semaine.

Plusieurs hypothèses sont avancées pour expliquer pourquoi Manaus n’est pas protégée de ce rebond épidémique malgré un taux de contamination apparent important. D’abord, le taux élevé de séropositivité pour le SARS-CoV-2 à Manaus qui a été mesuré chez les donneurs de sang, plus jeunes que la population générale, ne refléterait pas nécessairement celui de l’ensemble des habitants de la ville. Ensuite, le taux d’immunisation naturelle pourrait être très différent selon les quartiers de la ville et les milieux sociaux. Enfin et surtout, « on ignore encore largement les capacités protectrices réelles des anticorps, on ne sait pas si cette protection est de longue ou de courte durée » explique Guilherme Werneck, épidémiologiste à Rio de Janeiro.

La recherche d’une immunité collective naturelle ne semble donc pas une solution viable à long terme pour sortir de l’épidémie. Reste la vaccination, qui n’a toujours pas commencé au Brésil.

Quentin Haroche

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Vos réactions (1)

  • Covid n'est pas Ebola

    Le 18 janvier 2021

    Franchement c'est à mourir de rire :
    "cette solution alternative a été rejetée par la plupart des gouvernements du monde, en raison de son coût humain majeur probable. Dans son discours du 28 octobre dernier, le Président de la République Emmanuel Macron avait ainsi affirmé que la France n’adopterait jamais cette stratégie."
    Conclusion : ne reste que la VACCINATION (ou THERAPIE GENIQUE) car AUCUN TRAITEMENT N'EXISTE (n'est ce pas ? hormis les macrolides, les supplémentations, l'Ivermectine...etc...).
    Soit nous sommes dans la 4ème dimension, soit le monde devient fou car les conséquences de la politique actuelle seront lourdes et l'effet domino concernera plus de monde que vous ne le pensez !

    Zahia Chardin

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