Couvre-feu à 18h : pour quoi faire ?

Paris, le vendredi 15 janvier 2021 – Le gouvernement a donc décidé d’avancer le couvre-feu à 18h sur l’ensemble du territoire à partir de ce vendredi. Une décision au fondement épidémiologique discuté. 

Ce jeudi soir lors de sa conférence de presse, le Premier Ministre Jean Castex a mis fin au (faux) suspens qui régnait depuis quelques jours : comme attendu, pour freiner la lente remontée épidémique actuelle et limiter la circulation du variant britannique, le couvre-feu national est avancé de 20 heures à 18 heures. La mesure en vigueur dans 15 départements depuis le 2 janvier et dans 25 départements depuis ce mardi est donc étendue à partir de ce vendredi à l’ensemble du territoire national.

On peut s’interroger sur la pertinence de renforcer les restrictions sanitaires alors que de l’aveu même du chef du gouvernement, la situation est « maitrisée », le nombre de contaminations quotidiennes (ou plutôt de tests positifs) stagnant entre 10 000 et 20 000 depuis près de deux mois. On peut s’étonner également de cet énième changement de stratégie du gouvernement, qui seulement deux semaines après avoir adopté une politique girondine, en faisant varier l’intensité des restrictions sanitaires selon les régions, revient à une optique plus jacobine et centralisée, avec une règle unique pour tous.

Mais ce qui pose question surtout, c’est la rationalité scientifique de cette décision consistant à avancer le début du couvre-feu de 2 heures. Selon le gouvernement, l’objectif est de contrer « l’effet apéro », c’est-à-dire d’empêcher les réunions privées, souvent en intérieur et sans masque, après la fin du travail, qui seraient l’un des principaux moteurs de l’épidémie. Olivier Véran a par ailleurs expliqué ce jeudi que cette mesure avait déjà fait ses preuves dans les 15 premiers départements concernés, où le taux d’incidence n’aurait augmenté que de 16 %, contre 43 % dans le reste du territoire.

Un fondement scientifique cependant très contestable selon la plupart des épidémiologistes. En effet, en raison d’un décalage « liée à la remontée des données et à leur lissage » selon Guillaume Rozier, créateur du site CovidTracker, le taux d’incidence n’est calculé qu’à partir des tests réalisés jusqu’au 7 janvier, soit 5 jours seulement après la mise en place du couvre-feu avancé. Un délai bien trop court pour évaluer l’efficacité de la mesure. Selon Mircea Sofonea, épidémiologiste à l’université de Montpellier, qui s’appuie également sur le nombre d’hospitalisations dans ces départements tests « on commence à voir la tendance, mais il faut encore attendre plusieurs jours, c’est assez hétérogène selon les départements ». Même son de cloche chez Renaud Piarroux, épidémiologiste à Paris : « on manque encore de données pour savoir s’il y a une vraie différence entre un couvre-feu à 20h et un à 18h ».

En réalité, le gouvernement navigue à vue et l’assume. « Est-ce que ça marche ou pas ? On verra » aurait déclaré Olivier Véran ce jeudi. Si le renforcement de la mesure est discuté, le couvre-feu en lui-même fait en revanche l’unanimité chez les épidémiologistes. Ainsi, selon Santé Publique France, le couvre-feu à 21 heures mis en place le 17 octobre dernier « pourrait avoir joué un rôle considérable » dans la baisse de l’épidémie en novembre. Les experts soulignent notamment un effet indirect, le couvre-feu permettant aux Français de prendre conscience de la gravité de l’épidémie, les incitant à changer de comportement et à être plus prudent.

Enfin, dernière question sur ce couvre-feu à 18 heures, cette mesure est-elle l’antichambre d’un troisième confinement, que certains considèrent comme inéluctable ? Renaud Piarroux et Mircea Sofonea critiquent ainsi ce qu’ils considèrent comme une demi-mesure. « C’est mieux de prendre l’épidémie de court en édictant des mesures strictes mais très localisées » estime le jeune chercheur montpelliérain.

Nicolas Barbet

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Vos réactions (1)

  • La France, un pays de poivrots ?

    Le 17 janvier 2021

    L'effet "apéro" comme raison pour un couvre-feu à 18h? A Marseille ou Nice peut-être en cette saison, mais la réalité est très différente : le couvre-feu impacte les actifs, surtout quand les 2 travaillent, complique leur vie et créée des embouteillages bien mal venus sur le chemin du retour à domicile à marche forcée pour respecter le couvre-feu. Une très mauvaise idée, le couvre-feu à 20h, c'était bien, à 18h c'est une contrainte dont les actifs se passeraient bien! Peu de gens ont le temps de s'installer avec amis ou collègues pour un apéro en semaine!

    Dr Astrid Wilk

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