
Médecins procureurs
L’histoire est en train de se répéter
En octobre, de tels chiffres auraient justifié un nouveau confinement
Si l’on s’en tient aux critères présentés cet automne et qui avaient décidé les pouvoirs publics à prendre différentes mesures (jusqu’au confinement fin octobre) : le taux d’incidence dépassant 200 pour 100 000 (mais pas 250 qui était le niveau d’alerte maximum) et les niveaux d’occupation en réanimation flirtant avec les 60 %, un précautionnisme ne peut pas être reproché aux médecins qui aspirent à des restrictions plus dures. Les indicateurs sont en effet suffisamment mauvais pour justifier ces recommandations fortes. Cependant, et c’est probablement un des torts majeur de l’exécutif, les indicateurs utilisés par le gouvernement pour décider de telle ou telle mesure n’ont jamais été parfaitement lisibles et les changements opérés n’ont jamais été clairement expliqués et justifiés. Ils sont modifiés au grès des rebonds et sont donc difficilement opposables, ce qui nécessairement favorise la confusion, voire la colère.Gare aux modélisations apocalyptiques
Puisque les chiffres sont constamment remis en question et puisque même s’ils sont en légère hausse le nombre de décès et de personnes en réanimation ne dessinent pas le portrait d’un pays dans une situation catastrophique (ce qui était le cas quand la Grande-Bretagne a décidé d’un nouveau confinement il y a quelques semaines), les spécialistes mettent en avant les modélisations qui annoncent un déferlement du variant B.1.1.7. Ce type d’arguments serait contesté par l’Elysée qui déplore la trop grande importance accordée par certains aux projections apocalyptiques. D’autres, tel le docteur Martin Blachier (qui connaît par expérience la fragilité des projections) rappelle que les estimations de l’INSERM ne sont que des estimations qui reposent elles-mêmes sur des projections non consolidées de la London School of Hygiene concernant la plus grande contagiosité du variant dit « britannique ». Il notait lundi, invité de RMC, que pour décider de mesures aussi violentes et attentatoires aux libertés, des justifications plus robustes sont indispensables. Beaucoup dans son sillage font remarquer qu’il existera toujours un variant menaçant pouvant légitimer de préconiser des mesures strictes préventives, mais que la défense des libertés et de la vie sociale et économique ne peut se satisfaire d’un tel poids du principe de précaution. Le caractère si souvent trop catastrophiste des différentes projections invite de fait à une certaine prudence et de bien mesurer le rapport bénéfice/risques du confinement.Une position confortable ?
Soutien indéfectible des sociétés françaises de pédiatrie
Dans ces discussions, l’un des points d’achoppement majeur entre les tenants de mesures strictes immédiates et ceux qui préconisent un attentisme et/ou des dispositions plus modérées concerne la fermeture des écoles. Jean Castex a répété depuis le début de la semaine que la France mettrait un point d’honneur à éviter le plus possible une nouvelle interruption de la vie scolaire, y voyant la « french touch » de l’épidémie. Cependant, pour de nombreux praticiens, en limitant considérablement les déplacements d’adultes, d’adolescents et d’enfants et les différents contacts, la fermeture des écoles est un levier d’action indéniable. Mais encore et toujours, le gouvernement bénéficie du soutien des sociétés françaises de pédiatrie. Dans un avis commun publié hier, elles développent une nouvelle fois différents arguments contre la fermeture des écoles : « En Suède où les crèches et les écoles sont restées ouvertes sans port du masque, on observe que les enseignants d'enfant âgés de 7-16 ans avaient deux fois moins de risque de COVID 19 que les adultes exerçant d'autres métiers (…). Les données du Ministère français de l’Éducation nationale confirment la très faible contamination des enseignants (0,09 à 0,18%) (…). En France, depuis plusieurs mois, différentes équipes ont montré que le taux de positivité des enfants hospitalisés et systématiquement testés était très bas » mettent notamment en avant les pédiatres. Ce type de données est cependant critiqué par ceux qui dénoncent des blocages de l’Éducation nationale pour traquer efficacement les chaînes de contamination. Cependant, les pédiatres concluent : « L’ensemble de la communauté pédiatrique prône la plus grande vigilance à ce stade de la pandémie et se tient prêt à s’impliquer dans une politique de dépistage intensifiée et coordonnée afin de produire en temps réel des données pédiatriques de qualité sur lesquelles les autorités pourraient s’appuyer pour des décisions basées sur les preuves. La balance bénéfice-risque apparait à ce jour très en faveur du maintien de l’ouverture des écoles et des collectivités pour les enfants dont la santé mentale et sociale ne doit pas être sacrifiée en contexte pandémique mais rester une priorité sanitaire au regard des enjeux pour les années à venir. Nous avons le devoir de protéger la santé globale des plus jeunes ».Une défiance généralisée
Aurélie Haroche