
C’est l’utilisation d’un adénovirus recombinant qui a été choisie pour le vaccin russe (rAd), Gam-COVID-Vac (Spoutnik V). Celui-ci avait déjà montré un bon profil de sécurité et induit de fortes réponses immunitaires humorales et cellulaires chez les participants des essais cliniques de phase 1/2. Voici les résultats préliminaires sur l'efficacité et la sécurité issus de l'analyse intermédiaire de cet essai de phase 3 randomisé, en double aveugle et contrôlé par placebo dans 25 hôpitaux et polycliniques de Moscou (1).
Ont été inclus des participants âgés d'au moins 18 ans, présentant des tests de dépistages négatifs pour le VIH, les hépatites B et C, la syphilis, les SARS-Cov-2 (RT-PCR et sérologie) et sans antécédent de COVID-19 ou de contact avec une personne atteinte de COVID-19 au cours des 14 jours précédents. De plus chez les femmes en âge de procréer une méthode contraceptive efficace et un test de grossesse urinaire négatif étaient indispensables, les tests de dépistage de drogues et d'alcool devaient être négatifs et on ne devait retrouver aucun antécédent de réaction induite par un vaccin et aucune maladie infectieuse ou respiratoire aiguë dans les 14 jours précédant l’enrôlement. Les autres critères d'exclusion étaient les suivants : vaccination ou stéroïdes ou immunoglobulines dans les 30 jours précédents ; immunosuppression dans les 3 mois précédents ; allaitement ; syndrome coronarien aigu ou accident vasculaire cérébral dans l'année précédente ; tuberculose ou infections systémiques chroniques ; allergie ou hypersensibilité au médicament ou à ses composants ; néoplasies ; don de sang dans les 2 mois précédant l'inscription ; splénectomie ; neutropénie, agranulocytose, anémie sévère ou immunodéficience dans les 6 mois précédents ; forme active d'une maladie causée par le VIH, la syphilis ou l'hépatite B ou C ; anorexie ou déficit protéique ; tatouages importants au point d'injection ; antécédents d'alcoolisme ou de toxicomanie ; participation à tout autre essai clinique…
Plus de 20 000 Russes inclus
Les participants ont été répartis au hasard (3 pour 1) pour recevoir le vaccin ou le placebo, avec une stratification par groupe d'âge.Le vaccin a été administré (0,5 mL/dose) par voie intramusculaire selon un schéma "prime-boost" avec un intervalle de 21 jours entre la première dose (rAd26) et la deuxième dose (rAd5), les deux vecteurs étant porteurs du gène de la glycoprotéine S complète du SRAS-CoV-2. L’objectif principal de l’étude qui était la mesure de la proportion de participants présentant une COVID-19 confirmée par PCR à partir du 21ème jour suivant la première dose, n’a été évalué que chez les participants qui avaient reçu deux doses de vaccin ou de placebo.
Les événements indésirables graves ont été évalués chez tous les participants qui avaient reçu au moins une dose au moment de la clôture de la base de données, et les événements indésirables rares ont été évalués chez tous les participants qui avaient reçu deux doses lors de la clôture de la base de données.
Entre le 7 septembre et le 24 novembre 2020, 21 977 adultes ont été assignés au hasard, soit au groupe vaccin (n=16 501), soit au groupe placebo (n=5 476). 19 866 qui ont reçu deux doses de vaccin ou de placebo et ont été inclus dans l'analyse du critère de jugement principal. Des comorbidités avec un risque connu de gravité de la COVID-19, étaient présentes chez environ un quart des participants.
Pas de détection régulière des formes asymptomatiques et sortie de l’essai des participants devenus asymptomatiques
Un test PCR a été effectué le jour de la deuxième dose (jour 21) pour le diagnostic des cas COVID-19 symptomatiques et asymptomatiques et les participants ne présentant pas de signes d'infection respiratoire ont été vaccinés avant la réception des résultats du test PCR. En cas de résultat positif au test PCR, les participants ont été classés comme asymptomatiques et n'ont pas été comptés comme des cas de COVID-19 dans l'analyse d'efficacité. Au cours de l'essai, à part la visite de dépistage et le jour de la deuxième dose, aucun autre test PCR n'a été effectué, sauf lorsque les participants ont signalé des symptômes de COVID-19.Finalement, pas plus d’effets secondaires que les autres vaccins
La plupart des événements indésirables signalés étaient de grade
1 (7 485 [94,0 %] des 7 966 événements totaux). 45 (0,3 %) des 16
427 participants du groupe vaccin et 23 (0,4 %) des 5 435
participants du groupe placebo ont présenté des événements
indésirables graves dont aucun n'a été considéré comme associé à la
vaccination. Quatre décès ont été signalés au cours de l'étude
(trois [<0,1 %] des 16 427 participants du groupe vaccin (à
fortes comorbidités) et un [<0,1 %] des 5 435 participants du
groupe placebo), dont aucun n'a été considéré comme lié au
vaccin.
La charrue avant les bœufs : un vaccin déjà largement utilisé avant cette publication
Denis Y. Logunov et coll. concluent que cette analyse
intermédiaire de phase 3 a donné des résultats prometteurs et que
parallèlement à la mise en œuvre de multiples essais cliniques
(Russie, Belarus, Émirats arabes unis, Inde), le vaccin a déjà été
mis en circulation en Russie principalement dans les populations à
risque, chez les personnels soignants et les enseignants. En date
du 23 janvier 2021, plus de 2 millions de doses avaient déjà été
administrées. Enfin, sont annoncées des recherches pour un régime à
dose unique du vaccin, et cette perspective est vraiment très
intéressante.
Quelques réserves
Pour le rédacteur de cet article du JIM (B-A G), il est incompréhensible que des tests RT-PCR n’aient été effectués (hormis systématiquement à J 21) que lorsque les participants ont développé des symptômes de la Covid, soit bien moins souvent que chez des joueurs de football professionnels ! En conséquence, l'analyse de l'efficacité ne porte que sur les cas symptomatiques et n’a donc pas répertorié systématiquement les cas asymptomatiques. Pire, en cas de résultat positif au test PCR, les participants ont été classés comme asymptomatiques et n'ont pas été comptés comme des cas de COVID-19 dans l'analyse d'efficacité, majorant ainsi artificiellement le taux d’efficacité annoncé de 91 %. Ce point ne semble pas avoir été relevé par les deux signataires enthousiastes de l’éditorial paru dans le Lancet (2). Des recherches complémentaires sur les cas asymptomatiques et la transmission s’avèrent donc nécessaires pour mieux évaluer l’efficacité réelle du vaccin. Néanmoins, l’objectif de protéger contre les formes modérées à sévères semble atteint.Notons que 2 000 personnes de plus de 60 ans ont été incluses dans l’essai Spoutnik qui semble efficace dans cette tranche d’âge, alors que le débat fait rage pour le vaccin d’AstraZeneca qui n’en avait inclus que moins de 500 dans son essai de phase 3, d’où son rejet par l’Allemagne, l’Italie et la France (2/02/2021) pour vacciner les personnes âgées.
Signalons enfin qu’aucune donnée n’est fournie sur l’efficacité de Spoutnik sur les virus variants.
A la suite de cette publication du Lancet, l’Allemagne s’est officiellement proposée pour aider les Russes à préparer le dossier d’homologation auprès de l’Agence Européenne des Médicaments.
Les vaccins à vecteur adénoviral : qu’est-ce ? | |
---|---|
|
Dr Bernard-Alex Gaüzère