Chlordécone : les Antilles françaises en colère contre le « mépris » des autorités métropolitaines
Fort-de-France, le lundi 1er mars 2021 – Deux
événements récents concernant ce qui est parfois appelée "l’affaire
de la chlordécone" ont ravivé la colère des Antilles
Françaises.
Rappelons en préambule que ce pesticide toxique et persistant
a été utilisé pendant plus de vingt ans dans les plantations de
bananes afin de lutter contre le charançon. Interdite aux
États-Unis dès 1975, classée cancérogène possible par
l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 1979, la chlordécone
n’a été interdite en France métropolitaine qu’en 1990 et aux
Antilles en 1993. Ce n’est finalement qu’en 2008 que les autorités
ont pris la mesure de la crise environnementale et sanitaire et
qu’un premier « plan chlordécone » a été mis en œuvre afin
de réduire l’exposition des populations à l’insecticide.
En effet, 95 % des Guadeloupéens et 92 % des Martiniquais
présentent une imprégnation à la chlordécone, selon des données de
Santé publique France. Or, l’exposition à la chlordécone
augmenterait la fréquence des naissances prématurées, des troubles
du développement et du cancer de la prostate. D’ailleurs, avec 227
nouveaux cas pour 100 000 hommes chaque année, la Martinique
détient le triste record de l’incidence de cette pathologie en
France.
Un dossier prescrit ?
La crainte d’un non-lieu dans le dossier porté devant la
justice après le dépôt, en 2006, d’une plainte pour empoisonnement
est la première raison de la colère.
Plusieurs associations de Martinique et de Guadeloupe ont été
auditionnées les 20 et 21 janvier par les juges d'instruction
parisiens en charge de l'affaire. Dès 2006, elles avaient déposé
plainte contre l'empoisonnement de leurs îles au chlordécone. Mais
lors de cette dernière audition, les juges d'instruction chargés de
l'affaire depuis 2008 ont expliqué aux plaignants qu'il pourrait y
avoir prescription des faits et que le dossier pourrait déboucher
sur un non-lieu.
« Quinze ans après le dépôt de notre plainte, le tribunal
auditionne les parties civiles pour la première fois, et on nous
dit qu’il y aura prescription. Mais c’est du mépris » s’insurge
Jean-Marie Nomertin, secrétaire général du syndicat guadeloupéen
CGTG, qui figure parmi les plaignants. « La justice ne nous
laisse pas le choix, il va falloir multiplier les actions »,
avertit le syndicaliste.
Mais il reste un espoir : « Nous avons de nouvelles informations
qui nous permettent de contester cette prescription, En droit, elle
ne court qu’à partir du moment où la partie civile a connaissance
du préjudice, et non de 1994, date de la dernière utilisation du
chlordécone, comme la justice veut le retenir » explique le
maire de Pointe-à-Pitre et avocat, Harry Durimel, dans une
interview accordée à l’Humanité.
Un plan insuffisant ?
Autre motif de colère, le quatrième plan chlordécone, dévoilé
le 24 février, qui est jugé insuffisant par de nombreux
observateurs.
Selon un communiqué interministériel, ce nouveau plan, assorti
d’un budget de 92 millions d’€ doit permettre de poursuivre «
les mesures déjà engagées pour réduire l'exposition des
populations à la pollution par le chlordécone en Guadeloupe et en
Martinique, ainsi qu'à déployer des mesures d'accompagnement
».
En pratique, le plan totalise 47 mesures et comporte « six
stratégies permettant de couvrir l'ensemble des enjeux et priorités
pour la population » : la communication « pour mieux
informer et sensibiliser tous les publics en vue de protéger la
population » ; la recherche « pour renforcer les
connaissances et les appliquer sur le terrain »; la formation
et l’éducation « pour former les citoyens dès le plus jeune
âge » à cette problématique ; l’environnement et l’alimentation
« pour protéger la santé et l’environnement et pour promouvoir
une alimentation locale saine et durable vers le zéro
chlordécone », la santé au travail et une stratégie
socio-économique « pour accompagner les professionnels
impactés ».
Aussi, pour « s’assurer de la bonne mise en œuvre des
stratégies », le gouvernement a nommé, le 5 février dernier,
Edwige Duclay, directrice de projet chargé de la coordination
interministérielle du plan.
Mais les moyens alloués au plan sont jugés insuffisants,
appréciation qui a poussé les Antillais à se mobiliser ce samedi,
en particulier en Martinique, où une dizaine de milliers de
manifestants étaient présents à Fort de France, soit la plus grande
manifestation depuis 2009.
Des drapeaux rouge, vert et noir, symboles des indépendantistes
martiniquais et des slogans scandés en créole ont marqué ce
mouvement. « Pa pou ni preskripsyon ! Jijé yo ! Kondané yo! (Il
ne doit pas y avoir prescription ! Jugez-les ! Condamnez-les) »
clamaient ainsi les martiniquais.
Ne pas mélanger les causes et les prédispositions : Singh SK, Lillard JW Jr, Singh R. Molecular basis for prostate cancer racial disparities. Front Biosci (Landmark Ed). 2017 Jan 1;22:428-450. doi: 10.2741/4493. PMID: 27814623; PMCID: PMC5550772.
Dr Yves-Sébastien Cordoliani
Et en métropole?
Le 02 mars 2021
La chlordécone a été utilisé en métropole contre le doryphore dans les champs de pommes de terre et personne n'en parle : veut on éviter un scandale? Et pourtant ce produit a été interdit en métropole en 1990 ce qui est bien la preuve qu'il était employé. Mais on peut penser aussi qu'il fut employé dans le monde entier car la quantité utilisée aux Antilles ne représente qu'une toute petite partie de ce qui fut fabriqué : où est passé le reste ? Par exemple qu'en est il des champs de bananes dans le monde?
Dr Gilles Formet
Chlordecone et glyphosate sont dans un bateau
Le 02 mars 2021
Je me rappelle très bien l'époque où, déjà "écolo" et soutien de René Dumont (pfouuu ça rajeunit pas ...) je me suis battu contre le chlordécone soit-disant indispensable à la culture de la banane. A l'époque, les agriculteurs antillais étaient les premiers à nous critiquer, nous traitant d'empêcheurs de désinsectiser en rond, et nous accusant de vouloir détruire l’économie locale en inconscients de la réalité que nous étions, avec tous les arguments obscurantistes que connaissent les "écolos" qui en sont victimes. Exactement comme les agriculteurs qui aujourd'hui veulent continuer à utiliser le glyphosate sans essayer d’évoluer dans leurs pratiques. Aujourd'hui les mêmes, qui autrefois exigeaient de continuer à utiliser le chlordécone (raison pour laquelle les autorités administratives n'ont pas bougé) sont ceux qui réclament de l'argent - évidemment - en compensation de LEURS erreurs d'autrefois, et en ajoutant à leurs argumentaires tous les faux prétextes politico-indépendantistes que l'on constate.
Dans une génération d'ici, on verra probablement les agriculteurs, aujourd'hui partisans du glyphosate, venir attaquer l'Etat pour réclamer des dédommagements des conséquence de LEUR OBSTINATION rétrograde et de leur immobilisme. Ainsi vont la France et les français...