Chlordécone : dépistage gratuit pour les Antillais

Paris, le vendredi 20 décembre 2019 – L’Assemblée Nationale a voté ce mardi un amendement au projet de loi de finances qui garantit aux Guadeloupéens et aux Martiniquais un dosage gratuit du taux de chlordécone, un insecticide utilisé massivement dans les îles entre 1972 et 1993.

25 ans après la fin de l’utilisation du chlordécone, un insecticide pulvérisé dans les bananeraies antillaises entre 1972 et 1993, les habitants de Guadeloupe et de Martinique continuent de subir les conséquences de cette catastrophe sanitaire. Selon Santé Publique France, 95 % des Guadeloupéens et 92% des Martiniquais seraient aujourd’hui contaminés par le produit. Au vu de ces données alarmantes, les députés ont adopté ce mardi un amendement au projet de loi de finances 2020 pour financer le dosage gratuit du taux de chlordécone pour tous les Antillais. Actuellement, ce dépistage coute entre 80 et 140 euros.

La mise en place de ce dépistage se fera en concordance avec une campagne de sensibilisation dans les Antilles, afin qu’un maximum de personnes se fasse tester. L’amendement a été porté par deux députés de la Guadeloupe, Olivier Serva (LREM) et Justine Bénin (Modem). Le Sénat avait déjà adopté un amendement similaire il y a quelques semaines.

Perturbateur endocrinien et cancérogène

Classé comme cancérogène possible par l’OMS depuis 1979, le chlordécone est considéré comme un perturbateur endocrinien neurotoxique et reprotoxique qui peut notamment augmenter le risque de prématurité et altérer le développement cognitif de l’enfant. Selon certains chercheurs, il serait également responsable d’une augmentation du risque de cancer de la prostate. Avec 227 nouveaux cas pour 100 000 habitants par an, la Martinique détient le « record du monde » du cancer de la prostate.

Catastrophe sanitaire, l’utilisation du chlordécone est également une catastrophe environnementale et économique. Les eaux, les terres, les légumes et la viande sont contaminés, conduisant à l’interdiction de cultiver certains produits et à la fermeture de zones de pêche. Les sols pourraient être contaminés pendant encore 700 ans selon les experts.

Victime du colonialisme ?

Le 26 novembre dernier, la commission d’enquête parlementaire sur l’utilisation du chlordécone avait conclu que l’État était le principal responsable de cette catastrophe sanitaire. Alors que la toxicité du produit était déjà connue (il a été interdit aux États-Unis dès 1976 !), les autorités ont autorisé son utilisation jusqu’en 1990 en France et même jusqu’en 1993 aux Antilles grâce à des dérogations obtenus par les industriels de la banane.

Même si les choses commencent à bouger au sommet de l’État et alors que le Président Emmanuel Macron a lui-même reconnu la responsabilité de la France en 2018, les Antillais restent amers. Aucun fonds d’indemnisation spécifique n’a encore été créé (certains espèrent pouvoir bénéficier du Fonds d’indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques qui sera créé en 2020) et toutes les actions judiciaires sont au point mort. Beaucoup voient dans cette affaire des relents de colonialisme. « Si c’était arrivé à des Blancs, en métropole, ce serait différent » dénonce une victime du chlordécone.

Les habitants s’insurgent également de la très lente réaction des autorités sanitaires, qui ont longtemps ignoré l’ampleur de la catastrophe, dénoncée par des experts depuis une quinzaine d’années. En 2013, par exemple, l’Institut National du cancer avait refusé de financer une étude sur les liens entre exposition au chlordécone et cancer de la prostate en Martinique. Sa présidente de l’époque, Agnès Buzyn, est depuis devenue ministre de la Santé.

Quentin Haroche

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