Nouveau débat : la vaccination des soignants contre la Covid devrait-elle être obligatoire ?
Paris, le mercredi 3 mars 2021 – « Le vaccin AstraZeneca n’est
pas un vaccin de seconde classe » martèle depuis plusieurs
jours le professeur Alain Fischer, coordinateur de la campagne
vaccinale contre la Covid en France. L’affirmation est destinée à
répondre au mouvement de défiance que la restriction initiale des
recommandations d’utilisation (qui a été levée hier par la Haute
autorité de Santé) a entrainé chez les Français… mais aussi chez
les soignants. Beaucoup espèrent d’ailleurs que les résultats sans
appel d’une récente étude écossaise en vie réelle confirmant
l’efficacité du vaccin AstraZeneca dès la première dose pour
réduire les hospitalisations chez les plus âgés auront un impact
non seulement sur les Français pour accepter cette vaccination,
mais aussi sur les professionnels.
Pénurie de candidats
Les chiffres concernant la vaccination des médecins,
infirmiers et aides-soignants sont encore parcellaires.
Cependant, interrogé par le Figaro, Santé Publique
France a communiqué les premières tendances d’une enquête en cours.
Ils sont clairement décevants : dans les Établissements hébergeant
des personnes âgées dépendantes (EHPAD), le taux de vaccination des
soignants ne dépasserait pas 37 % ! Les chiffres de l’Assistance
publique – Hôpitaux de Paris ne sont pas plus réjouissants :
34 % du personnel médical et entre 16 et 17 % des autres personnels
auraient reçu aujourd’hui au moins une dose de vaccin. Sur le
terrain, les observations des responsables de la vaccination
confirment que ces tendances ne sont pas uniquement le fait de
problèmes logistiques : « Sur les 30 000 doses que nous avons
reçues à l’AP-HP, il nous en reste encore 20 000 », détaille
interrogé par Le Figaro Christophe Trivalle, chef du service
gériatrie à l’hôpital Paul-Brousse à Villejuif et référent
vaccination de l’établissement. « Il n’y a personne. On a 100
doses, on a inscrit entre 15 et 20 personnes », relate pour sa
part sur BFM, le Pr Benjamin Davido, référent vaccin à l’hôpital de
Garches.
Finalement, les vaccins ARNm ne font pas peur et sont même
plébiscités
Les différents témoignages convergent pour confirmer que le vaccin
AstraZeneca n’est pas étranger à ce phénomène. Les effets
secondaires peu graves mais parfois invalidants et conduisant à des
arrêts de travail ont notamment échaudé certains professionnels,
considérant impossible qu’en cette période de crise, les effectifs
puissent être limités. La préconisation d’organiser des
vaccinations échelonnées émise par le professeur Fischer n’a sur ce
point pu que conforter ce sentiment. Au-delà, certains praticiens
considèrent que les professionnels de santé qui sont les plus
exposés devraient être vaccinés avec des produits dont l’efficacité
apparaît plus importante. Cette position que partagent différents
responsables (le patron de l’Union française pour une médecine
libre, le Dr Jérôme Marty ou le Dr Benjamin Davido) est renforcée
par la circulation des variants sud-africain et brésilien face
auxquels le vaccin d’AstraZeneca n’aurait aucune performance
garantie. D’ailleurs, quand Alain Fischer a préconisé qu’en Moselle
(marquée par une circulation du variant sud-africain plus élevée
que le reste du territoire français) les soignants soient vaccinés
grâce aux produits de Pfizer/BioNTech et Moderna, l’UFML a estimé
que cette préconisation devrait s’appliquer à toute la France. Il
est remarquable de constater qu’alors que certains auraient pu
redouter que la nouvelle technologie utilisée par les vaccins à
ARNm suscite quelques réserves, c’est au contraire un vaccin
relativement plus classique qui suscite le plus de réticences. Un
sondage réalisé sur notre site avait d’ailleurs révélé mi-janvier
que 71 % des professionnels de santé étaient prêts à se faire
vacciner avec un vaccin à ARNm.
Dans le même esprit que le rejet de la vaccination
anti-grippe
Mais au-delà de la défiance ciblant (probablement à tort) le vaccin
AstraZeneca, les réserves exprimées par certains professionnels de
santé vont au-delà. Elles concernent tout d’abord l’absence de
données encore parfaitement consolidées sur l’efficacité des
vaccins sur la transmission : or il s’agit d’un argument majeur
pour les soignants jeunes, qui perçoivent d’abord la vaccination
comme une façon d’éviter la transmission nosocomiale de la maladie.
On sait également qu’il existe, notamment chez les infirmiers et
les aides-soignants, une réticence historique à la vaccination en
général et plus encore contre la grippe, qui pourrait dans l’esprit
de certains être assimilée à celle contre la Covid. On ignore en
effet si la vaccination contre la Covid ne devra pas être
renouvelée chaque année, tandis que la diminution de l’efficacité
face à certains variants renvoie au fait que le décalage entre la
composition du vaccin contre la grippe et les souches circulant
peut parfois en altérer l’efficacité. Enfin, certains syndicats
signalent qu’il ne faut pas exclure que dans une certaine mesure,
le rejet de la vaccination soit le témoignage d’une rupture avec
les pouvoirs publics. « Globalement, les témoignages traduisent
un manque de confiance important dans le discours officiel. Cette
crise sanitaire, avec ce virus qui est violent, a mis en évidence
la sinistralité de notre secteur. Et aujourd’hui la vaccination, ce
n’est pas pour dire on ne veut pas se protéger ou on ne veut pas
protéger les résidents, c'est qu'il y a une perte totale de
confiance », analyse ainsi Malika Belarbi, de la fédération CGT
Santé Action Sociale, citée par le Midi Libre. De son côté,
dans les mêmes colonnes, Patrick Peretti-Watel, directeur de
recherche à l’INSERM, et membre du comité d'orientation de la
stratégie vaccinale, évoque lui aussi l’influence des conditions de
travail « Si on est confronté au quotidien à des difficultés
dans son travail, parce qu’on manque de force de travail, on manque
de moyens, (...) quand c’est la même autorité à laquelle on
s’adresse à chaque fois sans succès pour avoir davantage de moyens
qui vous fait une injonction vaccinale, forcément, le message est
brouillé ».
Des voix s’élèvent pour une obligation vaccinale des
soignants
Si elle est essentielle, l’étude de ces différentes raisons de
défiance est pour beaucoup insuffisante. Face à l’urgence de la
situation et alors que la Covid est devenue la première maladie
nosocomiale (dans 34 % des cas groupés de Covid au sein
d’établissements de santé qui ont pu faire l’objet d’une analyse,
c’est un professionnel de santé qui en était probablement à
l’origine), certains préconisent aujourd’hui de rendre la
vaccination des soignants obligatoires. Telle est par exemple la
position du professeur François Chast (pharmacologie, Hôtel Dieu)
qui a même considéré sur France Inter comme « scandaleuse »
la situation actuelle et qui a mis en garde contre un risque de
judiciarisation des affaires de contaminations par des
professionnels de santé qui ne seraient pas vaccinés. Le professeur
Jean-Michel Molina, chef du service des maladies infectieuses et
tropicales de l’hôpital Saint-Louis estime lui aussi que la
question doit être posée et s’en est ouvert hier à Gabriel Attal
porte-parole du gouvernement, qui visitait l’établissement
hier.
L’idée ne fait cependant pas l’unanimité, notamment au sein
des représentants des infirmiers, qui s’inquiètent du risque de
voir encore se creuser la rupture entre ces professionnels et les
pouvoirs publics en cas de mesure contraignante qui renverrait un
message de culpabilisation des soignants. La réflexion classique
sur les effets potentiellement contre-productifs de l’obligation
(qui ne sont pas toujours observés) est ainsi toujours nourrie.
Mais surtout, certains estiment qu’il pourrait suffire d’attendre
(comme cela a été le cas avec les Français). Les dernières données
sur le vaccin AstraZeneca pourraient en effet renverser la
tendance. « On a un petit 50 % de soignants prioritaires
vaccinés. On sent quand même une dynamique, ils sont moins
récalcitrants qu’on ne le pensait », relève ainsi Frédéric
Valletoux, président de la Fédération des Hôpitaux de France (FHF),
cité par Ouest-France. Le comité d'orientation pour la stratégie
vaccinale note de son côté le chiffre de soignants en EHPAD
souhaitant se faire vacciner est passé de 20 % fin décembre à 55 %
aujourd’hui.
Le professeur Jean-Marc Soulat, chef du service de santé au travail
du CHU de Toulouse relève enfin « plus de 5 000 membres du
personnel soignant de plus de 50 ans ou avec des comorbidités, se
sont fait vacciner, et les listes d'attente pour recevoir une dose
sont bien remplie » et analyse « Le personnel soignant
n’était pas totalement contre la vaccination, mais ils avaient
besoin de recul pour voir que les vaccins étaient efficaces.
Maintenant, on a une augmentation des intentions de vaccination
». Le gouvernement choisira-t-il d’attendre la confirmation de
cette dynamique ou s’engagera-t-il dans une attitude plus
volontariste et contraignante (ce qui est peu probable) ? A
suivre.
Enormément d'obligations s'imposent aux médecins, certaines déontologiques et administratives, d'autres techniques et sanitaires. Bien peu de métiers sont encadrés par autant de normes de pratiques, d'injonctions sécuritaires et de réglementations diverses.
Il faudra qu'on m'explique en quoi une obligation vaccinale serait dans ce contexte une quelconque contrainte.
Dr Pierre Rimbaud
L'égalité vaccinale façon Orwell ...
Le 03 mars 2021
... en France, ceux qui refusent de se faire vacciner seront libres de le faire. Sauf le bétail soignant, toujours traité en robots sans âme par nos chers bureaucrates en leurs tours d'ivoire. Au fait, seront-ils vaccinés obligatoires dans les ARS et autres administrations de santé ?
Comme se moquait déjà Georges Orwell dans la "Ferme des Animaux" (dystopie anti-sovietique) "Tous les animaux sont égaux, mais certains sont plus égaux que d'autres". Au fait quid de la vaccination obligatoire pour tous les fonctionnaires et autres privés en permanence aux contacts de personnes fragilisées ? Et pour nos "indispensables" bureaucrates en leurs ministères respectifs, dont l'existence est "essentielle" aux bon fonctionnement du service public ?
Dr Pierre Baque
Libre arbitre éclairé
Le 03 mars 2021
Une fois encore il est question d'obligation. ne peut on pas laisser le personnel soignant qui est bien placé pour comprendre les enjeux, décider ce qu'il choisit pour lui même ? Les précautions les plus strictes sont respectées par les soignants pour eux et pour les autres. Il est normal de les laisser libres quant aux vaccins d'autant qu'ils sont peut-être perplexes sur la rapidité d'élaboration de ces vaccins et sur le peu d'études communiquées. En bientôt 40 ans de carrière de pharmacien je n'ai jamais vu d'autorisation de mise sur le marché aussi rapide et peu transparente! Et je viens de voir un article sur la létalité du covid à 0,15% en Europe qui me fait réfléchir sur l'utilité de l'obligation de ces vaccins...pour les volontaires d'accord, mais "obligatoire" est ce bien proportionné et raisonnable?