
Paris, le lundi 8 mars 2021 - Comme nous l’évoquons aujourd’hui
dans ces colonnes, un (léger) vent de liberté flotte sur l’Europe
où plusieurs pays lèvent prudemment les restrictions imposées pour
limiter la circulation de SARS-CoV-2. Parmi les outils utilisés par
nos voisins pour contrôler cette réouverture, les autotests ont un
rôle sinon central tout du moins notable. Ainsi, depuis le 1er
mars, un programme a été déployé en Autriche permettant aux
Autrichiens de pouvoir se procurer gratuitement cinq autotests par
semaine. En Grande-Bretagne où la semaine prochaine, huit jours
après leurs cadets, les collégiens et les lycéens pourront eux
aussi retrouver le chemin des cours, la répétition d’autotests est
au programme. Outre des dépistages réalisés sur place, chaque élève
recevra un kit pour réaliser un test à domicile, avec pour objectif
final qu’eux-mêmes et tout leur entourage réalisent ainsi un
autodépistage deux fois par semaine. Enfin, ce week-end, en
Allemagne, les chaines de supermarché Aldi et Lidl qui proposaient
soit en boutique soit sur internet des boîtes d’autotests ont vu
leurs stocks s’épuiser en quelques jours. Il est probable que les
drugstores Dm et Rossmann au sein desquels la commercialisation de
ces autotests doit débuter demain connaissent le même
sort.
Offre de tests : la France n’a pas à rougir
Et en France ? Le stade de la réflexion n’a pas encore été dépassé. Un arrêté ministériel a interdit leur commercialisation en juillet, alors que le marquage CE de certains dispositifs aurait pu être une porte d’entrée sur le marché même en l’absence de validation des autorités sanitaires (comme ce fut le cas par exemple pour les premiers tests sérologiques). Jusqu’à peu, il semblait que la doctrine officielle demeure plutôt hostile aux autotests.Pour des raisons scientifiques tout d’abord : la sensibilité et la spécificité des différents dispositifs existant sont en effet extrêmement variable et aucun en tout cas n’atteint les performances des tests PCR. Par ailleurs, en termes d’offre de soins, la France se distingue par une gratuité totale des tests qui sont accessibles sans prescription. C’est une situation très différente chez la plupart de nos voisins, où il n’est pas possible de se rendre dans une pharmacie, dans un laboratoire de biologie ou dans un centre sans aucune justification et de pouvoir espérer un résultat immédiat (pour un test antigénique) ou en 36 heures (pour un test PCR). Par ailleurs, à cette offre déjà pléthorique s’ajoute aujourd’hui le déploiement d’une importante campagne de dépistage par tests salivaires dans le milieu scolaire.
Revue de la littérature
Cependant, l’exemple des pays voisins exclut que la France puisse encore longtemps faire l’économie d’un réexamen du rôle des autotests ; même si on mesure bien que ce qui en jeu comme toujours est un refus de reconnaître une possible autonomie des Français en ce qui concerne leur santé en général et la gestion du risque d’infection par SARS-Cov-2 en particulier. Aussi, une réunion est-elle prévue cette semaine au sein de la Haute autorité de Santé (HAS) avec au programme un passage en revue de l’ensemble de la littérature pour mieux apprécier la qualité des tests aujourd’hui commercialisés dans plusieurs pays occidentaux et asiatiques.Et si la France était plus audacieuse qu’elle ne le croit
Pourtant, la France a peut-être été l’un des premiers pays d’Europe à avoir l’audace de croire aux autotests : début septembre à Tahiti, un programme était mis en place distribuant systématiquement aux voyageurs arrivant en Polynésie un kit d'auto-prélèvement : ces derniers se doivent de le renvoyer quatre jours après. Ici, les questions sur la faisabilité ont vite été écartées. Et dans plus de 95 % des cas, les kits sont bien renvoyés à l'Institut chargé de procéder à l'analyse par RT-PCR.
Aurélie Haroche