Exclusif : une majorité de professionnels de santé favorables à l’instauration d’un passeport d’immunité

Paris, le mercredi 10 mars 2021 – On le sait, au plus haut sommet de l’État, les réunions se multiplient pour dessiner les contours d’un futur pass sanitaire, qui pourrait constituer un outil central pour la réouverture des nombreux secteurs qui restent aujourd’hui fermés. Alors que ce dispositif pourrait conduire à reconsidérer un certain nombre de règles majeures (respect de la vie privée, transmission d’informations sensibles, etc), le sujet est tout à la fois aussi technique qu’éthique, même si le gouvernement est convaincu qu’il n’y a rien de fondamentalement incompatible avec nos principes. Mais en tout état de cause, il apparaît quasiment impossible de pouvoir faire l’économie d’une loi sur ce dispositif.

Confiance et pragmatisme

Dans cette entreprise délicate, les pouvoirs publics pourraient devoir compter sur l’adhésion des professionnels de santé. Un sondage réalisé sur le JIM du 23 février au 3 mars indique en effet qu’une majorité de professionnels de santé se déclare favorable à la mise en place d’un passeport « d’immunité » (dont nous avions précisé qu’il reposerait sur la vaccination ou une ancienne infection).

Sondage réalisé sur JIM du 23 février au 2 mars 2021

Ainsi, 49 % des participants indiquent qu’ils approuvent un tel dispositif pour participer à différentes activités collectives (musées, spectacles, restaurants…) et pour voyager, tandis que 8 % préféreraient que le champ du pass soit limité aux seuls voyages transfrontaliers et 3 % aux seules activités collectives. Au total, on relève donc que 60 % des professionnels de santé semblent adhérer à la perspective de proposer un système de pass sanitaire pour faciliter l’accès à certains services. Cette position majoritaire marquée témoigne probablement tout à la fois d’une confiance renouvelée dans la vaccination (même s’il ne s’agit pas du seul critère du pass d’immunité) et de la conviction que de nouveaux outils pragmatiques doivent être déployés pour accélérer la réouverture du pays, tout en conservant un niveau de sécurité élevé.

Des médecins largement favorables face à des infirmières plus que réticentes

Les résultats signalent encore que même si des incertitudes existent sur la durée de l’efficacité des vaccins comme sur celle de l’immunité naturelle, sur la capacité des vaccins à éviter la transmission du virus ou encore sur les menaces que font peser les variants tant sur l’immunité vaccinale que naturelle, l’avis des professionnels apparaît déjà tranché et faire fi de ces zones d’ombre. Ainsi, ils sont bien plus nombreux à s’opposer à ce pass de façon définitive (25 %) qu’à indiquer qu’ils sont aujourd’hui hostiles à cette idée en raison des incertitudes qui persistent (13 %).

La comparaison des résultats en fonction des professions signale par ailleurs un clivage très net entre les médecins et les pharmaciens d’une part et les infirmiers d’autre part, clivage que l’on observe sur de nombreux autres sujets, et notamment sur la question des vaccins. Ainsi, 66 % des médecins et 64,5 % des pharmaciens se disent favorables au passeport d’immunité, contre 41 % des infirmières, majoritairement hostiles à cette idée (qui sont même 41 % à s’y déclarer défavorables dans tous les cas).

Des Français réservés

Cette appréciation des infirmières pourrait davantage refléter celle de la majorité des Français. Si des premiers sondages avaient révélé que concernant les voyages, les Français pourraient être favorables à l’instauration d’un pass sanitaire, vis-à-vis de l’accès à différentes activités collectives, leur réticence s’affiche. Ainsi, un sondage rendu public il y a une semaine par Elabe a signalé que 52 % des sondés sont par exemple contre l’idée de conditionner l’accès à des lieux publics au résultat négatif d’un test récent.

Quelle valeur ?

Or, tant le résultat négatif d’un test récent que la vaccination ou une infection ancienne pourraient être intégrés au pass sanitaire dont les contours exacts restent flous. Ce dispositif pourrait également être couplé à un système de traçage : « On va demander à ce que les gens s’enregistrent pour faciliter le système d’alerte, si quelqu’un vient assister à un événement, qu’il puisse être enregistré avec un code, afin qu’on retrouve beaucoup plus facilement ses cas contact. Ce qu’on commence à faire avec TousAntiCovid, on le fera de manière plus efficace » a par exemple décrit il y a quelques jours le Président de la République.

Autant d’éléments qui interrogent les spécialistes d’éthique médicale, qui remarquent qu’une telle architecture serait sans précédent. Reste en outre à savoir quelle serait la valeur d’un tel pass, en tout cas au regard des ressortissants de pays étrangers quasiment indemnes de virus aujourd’hui. La mise en place d’un tel dispositif sera-t-elle considérée comme un gage de sécurité suffisant ? C’était le sens de l’alerte de l’épidémiologiste Renaud Piarroux et du directeur du centre de crise de l’AP-HP Bruno Riou dans Le Monde il y a quelques jours. Ainsi, on le voit, si l’adhésion d’une partie des professionnels de santé est un élément important, il est loin d’être un sésame pour garantir le déploiement et plus encore la pertinence du pass sanitaire.

Aurélie Haroche

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Vos réactions (10)

  • Amusant

    Le 10 mars 2021

    Le statut potentiellement privilégié des primo-infectés, vaccinés in vivo, placardisés comme tous a donné lieu à bien peu de commentaires depuis mes premières interventions en ce sens l'été dernier défendant un passeport " virologique".

    Le Dr Cécile Grandin faisait enfin remarquer le 24/01/2021 : « Considérer les immunisés post-infection » ( JIM 23/01/2021 : « Faut-il rendre la vaccination contre la Covid obligatoire ? »)

    Silence radio : Cf JIM 24/11/2020 : « RT-PCR Positif Covid 19, que dire aux patients ? »
    Silence radio total jusqu'à une ébauche de reconnaissance du statut par la HAS : 11 Février 2021. En l'abordant sur son versant...vaccinal, devoir de Mémoire oblige : Stratégie de vaccination contre le SARS-CoV-2 : Vaccination des personnes ayant un antécédent de Covid-19 (HAS 11/2/2021).
    L'argumentaire scientifique déployé y est rigoureux mais connu de "longue" date.

    Même constat chronologique quand fut abordé l'incitatif et prématurissime "passeport vaccinal"
    (Mme V Six - UDI- 17/12/2020!)
    Virologique et Vaccinal : Une évolution heureuse : Adopté par Israël et l'Islande.

    Alors bien sur, on peut voter. La signification des réponses et surtout les bases scientifiques des votants peuvent ... poser question.

    Dr JP Bonnet

  • Pas drôle...

    Le 14 mars 2021

    Que pensez-vous des Médecins liberaux qui refusent de participer à la campagne de vaccination, et qui de surcroit, dissuadent fortement des patients pourtant motivés de se faire vacciner ? Ils sont hélas suffisamment nombreux pour avoir une capacité de nuisance !

    A. Bremond. Dr en Pharmacie.

  • Récompenser l'imprudence

    Le 14 mars 2021

    Je suis fondamentalement contre car être vacciné n’est pas être protégé absolument mais à 60 à 90 pour 100 et pour l’instant reste discriminant en raison de la difficulté voire incapacité de se faire vacciner selon l’age ...
    D’autre part avoir été malade ...donc forcément imprudent à un moment va être récompensé...

    Dr Claire Restoueix

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