
Pas très raisonnable
Ce week-end, le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer, malgré plusieurs mois de révision, a révélé de sérieuses lacunes. Interrogé sur le sujet deux jours de suite sur RMC et sur LCI, le ministre a en effet laissé redouter qu’il ne maîtrisait pas la différence entre taux d’incidence et taux de positivité. Ce qu’il a lui-même fini par confirmer en faisant cette démonstration. « Le taux d'incidence, c'est le nombre de personnes positives sur le nombre de personnes testées. Il y en a un pour la population française, il y en a un pour la population scolaire. Il faut être très prudents quand on parle de ces chiffres puisqu'en gros, il s'agit du nombre de gens positifs quand on est testé, donc il faut voir qui est testé », a-t-il doctement expliqué à Amélie Carrouër sur LCI. Doctement, mais, comme tous les Français le savent désormais parfaitement, trompeusement. Dès lors, difficile de prêter foi aux chiffres présentés par Jean-Michel Blanquer indiquant que le taux d’incidence dans les écoles varierait entre 0,35 et 0,5 % chaque semaine « C’est un chiffre que je qualifierais de raisonnable, en-dessous de ce qu’on trouve dans la population générale ». Non seulement, le chiffre n’est pas « raisonnable » (puisque comme le lui avait fait remarquer la veille sur RMC Jean-Jacques Bourdin, « cela fait 500 élèves contaminés pour 100 000, soit au-dessus du taux d’incidence national »), mais il est inexact. Hier, le ministère de l’éducation nationale a bien confirmé, rectifiant la copie du ministre, que ces chiffres de 0,35 à 0,5 % correspondaient bien à un taux de positivité des tests (taux de positivité incomparable avec celui obtenu en population générale, puisque les indications et circonstances des dépistages sont très différentes).Pas une variable d’ajustement
L’affaire ne serait qu’un nouveau témoignage anecdotique des faiblesses de nos ministres si elle ne s’ancrait pas dans un contexte où la fermeture des écoles pour freiner la circulation du virus reste en débat. Sur cette question, la position de Jean-Michel Blanquer est idéologiquement parfaitement défendable. Face aux discours qui semblent banaliser la suspension des activités scolaires, alors même que pour les enfants le risque lié à la Covid est extrêmement faible, il rappelle avec fermeté « Le maintien des écoles ouvertes est un objectif humain fondamental ! L’école n’est pas une variable d’ajustement mais un enjeu vital pour tous les enfants ». Le hic, c’est qu’au-delà de cette position de principe, Jean-Michel Blanquer a pêché à plusieurs reprises pour donner les gages d’une surveillance maîtrisée de l’épidémie en milieu scolaire.Un enfant de CP n’a rien avoir avec un lycéen de terminale
Ainsi, l’exemple que nous venons d’évoquer concernant la confusion apparemment non intentionnelle entre taux d’incidence et taux de positivité des tests cache d’autres approximations qui pour leur part pourraient être moins innocentes. En effet, ce qu’omet le plus souvent de préciser Jean-Michel Blanquer, c’est que ce taux de positivité de 0,35 à 0,5 % ne concerne que les tests salivaires réalisés chez les enfants des écoles primaires. La situation est très différente chez les collégiens et les lycéens, où l’adhésion aux opérations de dépistage (par tests antigéniques nasopharyngés) est bien plus faible (entre 20 à 30 % contre 80 % à l’école élémentaire). Or, si les études semblent de plus en plus converger pour confirmer que les écoles ne sont pas « des amplificateurs de transmission » pour reprendre l’expression du Conseil scientifique (y compris de récents travaux résumés hier dans nos colonnes), la situation est différente dans les collèges et encore plus dans les lycées. Ainsi, l’étude Comcor, dirigée par le professeur Arnaud Fontanet retrouve qu’avoir « un collégien ou un lycéen chez soi accroît de 30 % le risque d'être infecté ».Des expériences étrangères contradictoires
Sur la base d’un tel résultat, Arnaud Fontanet (membre du Conseil scientifique) estime que devrait être repensée la question de la division des effectifs également dans les collèges. Sa position concernant la fermeture des écoles est loin d’être catégorique. Ainsi, s’il estime sur BFMTV que « les écoles sont le dernier endroit à fermer » il note néanmoins que les pays qui aujourd’hui semblent connaître une véritable embellie (Royaume-Uni, Irlande et Portugal) ont fermé leurs établissements. Cependant, le Royaume-Uni et l’Irlande connaissent également des taux élevés de vaccination. Par ailleurs, l’Allemagne et la République Tchèque malgré des fermetures prolongées du système scolaire, sont frappées aujourd’hui par des incidences en hausse.Pas de tests aléatoires en population générale en France
Si on le voit les limites des exemples étrangers et des preuves scientifiques pourraient conforter Jean-Michel Blanquer dans sa position, les failles de son discours concernant la surveillance de l’épidémie dans les écoles en affaiblissent la vigueur. Il faut dire qu’encore une fois la France ne semble pas s’être donné tous les moyens pour réaliser ses ambitions. Ainsi, Jean-Michel Blanquer a voulu comparer sur LCI : « Dans la population scolaire, il y a un peu moins de contaminations qu’en population générale. Les tests aléatoires en population générale, que ce soit en France ou dans d’autres pays comme l’Angleterre révèlent un taux de positivité de 1 % à 2 % ». En réalité, les tests aléatoires, qui sont effectivement hebdomadairement pratiqués en Grande-Bretagne présentent actuellement des taux de positivité de 0,3 %, tandis qu’en France... il n’y a jamais eu d’opérations de ce type systématiquement mises en œuvre pour disposer d’une photographie régulière de l’épidémie en population générale.Talon d’Achille
A.H.