Fibrose hépatique et risque CV, le nouveau combat de Framingham

La petite ville de Framingham (Massachusetts) est caractéristique de la population américaine. Elle a, depuis 1948, donné son nom à de célèbres études concernant les facteurs de risque des maladies cardiovasculaires. Le travail réalisé est considéré par la communauté scientifique comme d'un excellent niveau, à la fois par sa qualité, son champ d'investigations et sa durée, puisque que l’étude d’une troisième génération a été initiée à partir de 2002.

La prévalence de la stéatose hépatique non alcoolique (NAFLD [Non Alcoholic Fatty Liver Disease] des anglo-saxons) augmente régulièrement et sera bientôt la maladie hépatique chronique la plus courante. Selon les hépatologues, la rigidité hépatique, évaluée par l'élastographie impulsionnelle, et corrélée avec la fibrose hépatique de la NASH (non-alcoholic steatohepatitis), prédit, de façon importante, la mortalité hépatique et générale (toutes causes confondues). Bien que la graisse hépatique soit classiquement associée à des facteurs de risque cardiovasculaire, l'association entre la fibrose hépatique et les facteurs de risque cardiovasculaire restait moins clairement démontrée à l’échelon populationnel.

Près de 9 % de participants ont une fibrose hépatique

L’appareil Fibroscan a déterminé, à la fois la stéatose par le paramètre d'atténuation contrôlé (CAP) et la mesure de la rigidité hépatique (LSM liver stiffness measurement ) chez 3 276 participants adultes, majoritairement caucasiens (91,6 %) d’une nouvelle étude de Framingham (53,9 % de femmes, âge moyen 54,3 ± 9,1 ans), se présentant pour une visite de routine. Les auteurs bostoniens ont choisi les valeurs seuils d’élastostométrie impulsionnelle ≥ 8,2 kPa et ≥13,6 kPa pour la fibrose et la cirrhose cliniquement significatives, sur la base d’études pécédentes. Les participants avec un CAP ≥ 290 dB/m mais un LSM < 8,2 kPa étaient considérés comme ayant une stéatose hépatique sans fibrose avancée et ceux avec un CAP < 290 dB / m et un LSM < 8,2 kPa ont été classés comme n'ayant ni stéatose hépatique ni fibrose avancée. Plusieurs variables ont été analysées pour déterminer l'association entre la rigidité hépatique et les facteurs de risque cardiovasculaire liés à l'obésité, aux vaisseaux, au glucose et au cholestérol. La prévalence de la stéatose hépatique (CAP ≥ 290 dB/m) était de 28,8 % et 8,8 % avaient une fibrose hépatique (≥ 8,2 kPa) et 1,6 % une cirrhose. La fibrose hépatique était associée à de multiples facteurs de risque cardiovasculaire, y compris une augmentation de l'obésité (Odds ratio OR 1,82), le syndrome métabolique (OR 1,49;), le diabète (OR 2,67), l’hypertension (OR 1,52) et à un cholestérol-HDL bas (OR 1,47), après ajustement pour l'âge, le sexe, le tabagisme, les boissons alcoolisées/semaine, l'indice d'activité physique, les aminotransférases et le CAP.

Ainsi, l’étude de ce vaste échantillon communautaire d'adultes d'âge moyen ou plus, non sélectionnés pour une maladie du foie, a montré que 8,8 % des participants dépassaient le seuil de fibrose hépatique cliniquement significatif, défini par un Fibroscan ≥ 8,2 kPa. Lorsque l'IMC ou le CAP étaient ajoutés au modèle multivarié la fibrose hépatique est restée significativement associée à l'obésité, à l'hypertension, à un faible cholestérol HDL et, plus fortement, au diabète, avec une probabilité 2,5 fois plus élevée. Cette analyse transversale suggère donc une association entre la fibrose hépatique et la maladie cardiométabolique supérieure à celle retrouvée avec la stéatose hépatique.

Interpréter l’association aux facteurs cardiométaboliques

La rareté des études sur la prévalence et les facteurs de risque de la fibrose hépatique dans la population générale expliquent la méconnaissance épidémiologique de la NAFLD et l’histoire naturelle de la fibrose. Ces travaux sont essentiellement basés sur les marqueurs biologiques non invasifs de la fibrose (NAFLD score, Fib-4) eux-mêmes dépendant de cofacteurs à analyser. On retrouve néanmoins une prévalence de la fibrose hépatique et des facteurs de risque similaires dans d’autres pays européens et la grande étude NHANES 2017-18 rapportée par un éditorial souligne le plus large impact du genre et de l’ethnicité aux USA. Des études longitudinales supplémentaires sont cependant nécessaires pour généraliser ces résultats à d’autres populations, analyser la stéatose et l’élastographie en IRM et enfin déterminer si la fibrose hépatique contribue à des événements incidents de la maladie cardiovasculaire.

Il existe plusieurs interprétations possibles liant la fibrose hépatique et les facteurs cardiométaboliques : celles-ci sont complexes, bidirectionnelles impliquent la résistance à l’insuline contemporaine du syndrome métabolique et la libération d’acides gras libres à l’origine d’une inflammation des hépatocytes conduisant aux lésions de fibrose.

Elles expliquent l’importance des facteurs hygiéno-diététiques et la longue attente de médicaments « miracles ».

En somme, la fibrose hépatique est associée à l’obésité, au diabète, à l'hypertension et à un faible taux de cholestérol HDL et survient chez environ 10 % des adultes dans un échantillon communautaire non sélectionné. Ces résultats confortent les futures stratégies de dépistage de la NASH et soulignent également l'importance d’évaluer la maladie cardiométabolique chez les patients atteints de fibrose hépatique.

Dr Sylvain Beorchia

Références
Long MT, Zhang X, Xu H et coll. : Hepatic fibrosis associates with multiple cardiometabolic disease risk factors: the Framingham Heart Study. Hepatology, 2021, 2;78 : 548-559
https://doi.org/10.1002/hep.31608
Pirola CJ and Sookoian S. : NAFLD and cardiometabolic risk factors: The liver fibrosis trajectory through the lens of biological interactions. Hepatology, 2021, 2; 78 : 479-482. doi: 10.1002/HEP.31672

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