Répression pénale de l’usage de drogues : l’effacement progressif de la dimension sanitaire

Paris, le jeudi 29 avril 2021 – L’un des arguments avancés par certains des partisans d’une légalisation de l’usage de cannabis en France insiste sur l’insuffisance de l’accompagnement médico-social par rapport à la répression pénale. Pourtant, comme le rappelle une intéressante mise au point publiée ce mardi par l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) l’une des « singularités » de la loi de 1970 dédiée à la lutte contre les drogues était de  considérer « l’usager à la fois comme un délinquant et comme un malade ». Elle était d’ailleurs intitulée : « loi relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et à la répression du trafic ». Aussi prévoyait-elle, « la possibilité d’une alternative sanitaire aux poursuites judiciaires ».

Des injonctions thérapeutiques en diminution

Cependant, au fil des années et des décennies, les conditions d’application de cette loi ont largement évolué et « les sanctions pénales pour usage de stupéfiants se sont diversifiées. Si elles apparaissent moins tournées vers la privation de liberté (rare pour des faits de simple consommation), elles sont plus fréquentes et surtout centrées sur des sanctions financières, revendiquant parfois une portée « éducative » (stages de sensibilisation) ». Ce mouvement s’est fait au détriment de la prise en charge sanitaire des consommateurs. Ainsi, l’Observatoire relève qu’après une augmentation réelle au cours des années 2000, « les mesures alternatives à caractère sanitaire, sous forme d’injonctions thérapeutiques comme d’orientations vers une structure socio-sanitaire, se sont raréfiées au cours de la décennie 2010. Le déclin des sanctions à caractère sanitaire dans les pratiques pénales, malgré les variations territoriales, s’est fait au profit des rappels à la loi, qui étaient déjà majoritaires mais qui représentent désormais la quasi-totalité des orientations vers une mesure alternative aux poursuites ».

Ainsi, aujourd’hui les injonctions thérapeutiques ne représentent que 4 % des alternatives aux poursuites (le niveau le plus bas jamais enregistré), tandis que les alternatives aux poursuites sont décidées dans deux tiers des contentieux aujourd’hui et dans les trois quart des cas en 2014. Elles ne sont le fait que de quelques juridictions et concernent très majoritairement des usagers de cocaïne ou de crack. On relève  également une stabilisation, voire une baisse des orientations socio-sanitaires au cours de la dernière période. Derrière cette terminologie, sont notamment classées les orientations vers les Consultations jeunes consommateurs (CJC).

Des enseignements importants

Parallèlement, cependant l’OFDT note la progression des « stages stupéfiants », qu’elle qualifie de « réponse pénale hybride ». « L’essor de ce type de mesures, couplé à la baisse des alternatives aux poursuites à dimension sanitaire, semble témoigner d’une nouvelle tendance dans la réponse pénale à l’usage de stupéfiants, abandonnant progressivement la logique dichotomique du soin ou de la peine, au profit de mesures hybrides, couplant sanction et visée pédagogique, avec parfois une ouverture sur le soin, davantage inscrites dans un idéal de responsabilisation des consommateur ». En tout état de cause, cette tendance à la raréfaction des mesures sanitaires individualisées est jugée en « contradiction » avec l’esprit de la loi de 1970 note l’OFDT. De façon plus concrète l’institution estime qu’il faut s’interroger sur la capacité des juridictions à orienter les usagers vers les CJC. Dans le cadre de l’éternel débat sur l’adaptation de notre réponse pénale à l’enjeu majeur qu’est la lutte contre les  drogues, ces différentes observations apportent des éléments de réflexion importants.

Aurélie Haroche

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