Cannabis : un rapport parlementaire inaudible préconise de « reprendre le contrôle » en légalisant
Paris, le jeudi 6 mai 2021 – Difficile de connaître plus mauvais
calendrier. Hier, la mission d’information sur « la
réglementation et l’impact » des usages du cannabis de
l’Assemblée nationale, présidée par Caroline Janvier (LREM) rendait
un rapport consacré au troisième volet de sa réflexion, dédié au
cannabis dit récréatif. Quelques semaines après l’émotion suscitée
par la décision de la Cour de Cassation concernant le meurtre de
Sarah Halimi qui a rappelé les conséquences psychiatriques de la
consommation de cette drogue et alors que la France est confrontée
à de violents affrontements liés aux trafics de drogue qui ont
conduit hier soir à la mort d’un policier, la proposition de
légalisation du cannabis défendue par le rapport de Caroline
Janvier et de ses collègues est plus que jamais inaudible. Elle est
en outre en totale contradiction avec la ligne politique répressive
qu’a choisie d’embrasser Emmanuel Macron à la veille de la campagne
électorale présidentielle renonçant à la « pensée complexe »
et ou au « et en même temps » qu’il défendait pourtant sur
ce sujet avant d’être élu Président de la République.
Hypocrisie
Pourtant, loin des caricatures « de dangereux soixante-huitard
qui fument des pétards », selon l’expression du député LREM
Jean-Baptiste Moreau, les membres de la mission font en majorité le
même diagnostic que le sommaire résumé du ministère de l’Intérieur
Gérard Darmanin qui dans l’hémicycle (où un député venait de sortir
un joint) a lâché : « le cannabis, c’est de la merde! ».
Pourtant, force est de constater que l’arsenal répressif tant vanté
contre ce produit nocif a totalement échoué. « Le tout répressif
est un échec total. On n’a pas arrêté de durcir la loi, de mettre
davantage de forces de l’ordre sur le trafic de drogue et, au
final, nous sommes devenus les plus gros consommateurs de cannabis
en Europe. Donc expliquer encore aujourd’hui qu’on va rester dans
le statu quo et mobiliser davantage de forces de l’ordre, ce n’est
plus possible », résume Jean-Baptiste Moreau. L’inefficacité
complète est constatée tant en termes de santé publique que de
lutte contre les trafics, en dépit des statistiques brandies
fièrement par Gérard Darmanin d’une augmentation des démantèlements
des points de deals. « Les substances ne sont pas contrôlées, le
mode de production et de distribution favorise la criminalité et la
violence » énumère Caroline Janvier qui fustige «
l’hypocrisie » du discours tenu par les pouvoirs publics
depuis des années. Alors que la mission a auditionné de nombreux
policiers désabusés, faisant part de leur sentiment constant
d’impuissance, le député analyse interrogé par 20 minutes :
« la consommation augmente et les réseaux démantelés sont
remplacés dans les heures qui suivent. Ainsi, un abîme s’est créé
entre le discours politique, à tonalité volontariste, et la réalité
sociale des zones urbaines affectées, où dominent violence et
désespoir. Plus encore que le manque de résultats de la
prohibition, c’est la persistance de tels discours réducteurs qui
étonne à une époque où l’évidence d’un changement s’impose
».
Des exemples étrangers contrastés
Pour reprendre le « contrôle », la légalisation est
présentée comme une solution qui permettrait une véritable action
en termes de prévention non seulement des consommations
problématiques mais également des phénomènes de délinquance et de
violence associés au cannabis. « Quand vous avez une offre qui
est tracée, contrôlée et transparente, vous pouvez diminuer les
risques liés à cette consommation » insistait ainsi sur la
chaîne LCP, Caroline Janvier, faisant le parallèle avec l’alcool.
Le rapport cependant ne tranche pas sur le modèle qu’il faudrait
adopter, préconisant une solution à mi-chemin entre la production
très encadrée comme en Uruguay ou au Canada et la tactique plus
libérale du Colorado. A ceux qui par ailleurs, sans être totalement
opposés à l’idée d’une légalisation, notent qu’il est difficile
d’être assuré qu’une ouverture permettra plus efficacement de
contrôler le fléau du cannabis que la répression anarchique (et
hypocrite) actuelle, le rapport répond en citant certains exemples
étrangers. Tous ne sont pas nécessairement parfaitement concluants
(le rapport parle par exemple du « contre-exemple
néerlandais »), mais certains sont néanmoins encourageants.
Ainsi, le Portugal se félicite d’une action policière bien plus
efficace depuis la décriminalisation de l’ensemble des drogues en
2001 et d’une prévention et des actions sanitaires fortement
renforcées. Le docteur João Goulão, qui dirige le Service
d’intervention pour les comportements d’addiction et de dépendance,
qui a été auditionné par la mission, ne cache pas cependant que
l’équilibre est toujours fragile et que la volonté politique
d’accompagnement doit être totale.
Bien que conscients que le climat actuel est très peu propice aux
changements fondamentaux, Caroline Javier et ses collègues ne
désespèrent pas de susciter une véritable réflexion au sein de leur
famille politique et d’imposer ce débat au cœur de la campagne
électorale. On peut en douter.
...on sait malheureusement ce qu'il en résulte ! J'adore l'argument : comme l'Etat est incapable d'appliquer une politique efficace de prévention (et de répression du trafic), on va lui confier l'application d'une mission de contrôle de la consommation ! Ca ressemble à une blague.
Dr Pierre Rimbaud
Oubliée l'étude néozélandaise de 2008
Le 07 mai 2021
Oubliée l'étude néozélandaise de 2008: Eur Respir J. 2008 Feb;31(2):280-6
Etude qui démontre qu'un joint correspond à 20 cigarettes et que le cannabis fumé est 6 fois plus cancérigène que le tabac!
Autoriser un cancérigène prouvé, quelle bonne idée!
Oubliés aussi les 1 000 morts annuels provoqués par cette substance (au moins 20% de l'accidentologie routière et domestique, drames familiaux, terrorisme, Sarah Halimi...), pourquoi au fait ne peut on pas avoir de chiffres officiels sur ce sujet?
Le cannabis thérapeutique, encadré pourquoi pas bien que ce ne soit certainement pas la panacée annoncée, le cannabis récréatif, non.
Menons enfin une vraie politique de répression contre le consommateur récréatif, des amendes carabinées suffiront à ruiner les trafiquants.
Dr Le Foulon
Ajoutons : c'est quoi l'objectif ?
Le 07 mai 2021
1) S'il s'agit de diminuer la consommation de cannabis dans notre pays (champion du monde), sa légalisation a t-elle la moindre chance d'y contribuer ? Ne doit-on pas craindre plutôt qu'elle va augmenter, et ne doit-on vraiment pas s'en inquiéter ? Les conséquences sanitaires ont-elles été scientifiquement évaluées ?
2) S'il s'agit de diminuer le banditisme et le désordre social, a t-on la moindre preuve que la légalisation y parviendra ? Ne doit-on pas craindre plutôt que le marché clandestin restera quasi-identique avec plus de conflits, et s'orientera vers des produits encore plus toxiques ?
A t-on procédé en France à des expérimentations locales ? des enquêtes qualitatives réalistes ? des études de modélisation crédibles ? Ce qui n'est pas scientifique n'est pas éthique - et pour l'instant la légalisation ne l'est pas du tout. Ce n'est qu'une idée, pour ne pas dire une idéologie. Nous aurions bien besoin de plus de science et moins de croyances.
Le malheur est qu'en politique certaines décisions erronées se révèlent souvent irréversibles.