
Presque tous les enfants nés en Suède entre le 11 mars 2020 et le 31 janvier 2021
Pour cette raison, une étude prospective de cohorte,
d’envergure nationale, a été conduite en Suède. Le recueil des
données provient de divers registres : le Swedish Pregnancy
Register, le NeoNatal Quality Register et le Register
for Communicable Diseases. Ceux-ci ont couvert 92 % des
naissances vivantes observées en Suède, entre le 11 Mars 2020 et le
31 Janvier 2021 ; le suivi des nouveau-nés allant jusqu’au 8 Mars
2021. Chaque enfant né de mère positive au SARS-CoV-2 a été
apparié, directement ou à l’aide d’un score de propension, à 4
nouveau-nés témoins, de mères non infectées. Ceux présentant des
malformations congénitales étaient exclus de l’enquête, en dehors
de cas de persistance du canal artériel. En Suède, la première
femme enceinte testée positive avait accouché le 11 Mars 2020. Peu
de temps après, une recommandation nationale sur la prise en charge
néo-natale des infections à SARS-CoV-2 était publiée le 17 Mars,
avec mise à jour le 5 Avril 2020. Elle a porté sur :
- le principe de non séparation des mères et des nouveau-nés à la naissance, sauf pathologie grave diagnostiquée chez l’un des deux ;
- sur la pratique d’un test PCR chez tous les enfants, dans les 12 à 24 heures suivant leur naissance, par prélèvement nasopharyngé, avec nouveau test entre la 48e et 96e heure en cas d’hospitalisation en unité néo-natale ;
- sur le maintien de l’allaitement par la mère ;
- sans nécessité de traitement de principe chez le nourrisson ;
- en cas d’hospitalisation en service de soins néonatals, les mères n’étaient pas autorisées à y pénétrer ;
- enfin, les critères de retour à domicile
n’étaient pas modifiés.
Des mères infectées par le SARS-CoV-2 pour 1,8 % des nouveau-nés
La cohorte d’étude comprend 88 159 nouveau-nés, dont 49 % de
filles ; 2 323 d’entre eux (1,8 %) sont nés d’une mère testée
positive au SARS-CoV-2. Le temps moyen entre positivité maternelle
et délivrance est estimé à 36 (5-85) jours. Parmi ces 2 323
enfants, 642 (28 %) avaient des mères testées positives à la
naissance (dans les 2 semaines précédant et les 2 jours suivant la
délivrance). Soixante-huit (2,9 %) sont nés de mères testées
positives dans la semaine suivant l’accouchement. Il n’a été
retrouvé aucune différence entre mères infectées ou non, pour l’âge
maternel, la parité, les comorbidités de base, le niveau
d’éducation, le mode de vie, le tabagisme maternel ou encore le
type d’accouchement. Par contre, une origine non scandinave, un
indice de masse corporelle élevé, une corticothérapie antérieure,
un accouchement dans un centre hospitalier pourvu de soins
intensifs néo-natals ont été significativement associés à une
positivité de la mère au SARS-CoV-2. Chez les nouveau-nés, il n’y
avait pas de différence quant aux scores d’Apgar inférieurs à 7 à
la 4e et 5e minutes
mais l’âge gestationnel et le poids de naissance étaient,
statistiquement, plus bas chez les nourrissons de mères testées
positives.
Légère augmentation de la morbidité néonatale
Après appariement, il est constaté davantage de ventilations
assistées au masques chez les nouveau-nés de mères positives (6,45
vs 5,1 % ; Odds ratio OR : 1,28 ; intervalle de confiance à
95 % IC : 1,05- 1,55), plus d’ intubations à la naissance (0,6
vs 0,3 % ; OR : 1,90 ; IC : 1,002- 3,59), plus d’admissions
en soins intensifs néonatals (11,7 vs 8,4 % ; OR : 1,47 ; IC
: 1,26- 1,70) de syndromes de détresse respiratoire aiguë (1,2
vs 0,5 % ; OR : 2,40 ; IC : 1,50- 3,84), davantage de
recours à une CPAP (4,9 vs 3,8 % ; OR : 1,32 ; IC : 1,06-
1,64). On relève également plus de ventilations au masque, de
détresses respiratoires, toutes étiologies confondues, de
persistances d’une hypertension artérielle pulmonaire, de mises
sous antibiothérapie et enfin plus d’hyperbilirubinémies
persistantes. A contrario, ni la mortalité (0,30 % vs 0,12 %
; OR : 2,55 ; IC : 0,99- 6,57), ni le taux d’allaitement au sein
(94,4 vs 95,1 % ; OR : 0,84 ; IC : 0,67-1,05), ni enfin la
durée d’hospitalisation en soins intensifs néo natals, en moyenne
de 6 jours, ne différèrent significativement. Il en est de même
quant au nombre d’encéphalopathies hypoxémiques-ischémiques, de
tachypnées transitoires ou d’aspiration de méconium. Vingt et un
(0,50 %) des 2 323 enfants de mères positives font eux-mêmes été
testés positifs en période néonatale, sans apparemment aucune
pathologie directement liée à la Covid-19.
De cette cohorte suédoise d’envergure nationale, il ressort
qu’une positivité maternelle au SARS-CoV-2 est associée à un risque
accru de morbidité chez le nouveau-né. Dans la littérature, 77
publications, émanant principalement de Chine, des USA et d’Europe
avaient fait état d’un taux de mortalité de 0,5 % chez les enfants
nés de mère Covid +, sans toutefois de décès liés directement à
cette infection mais avec un lien établi avec un nombre plus élevé
d’admissions en secteur de soins intensifs néonatals. De l’étude de
cette cohorte, comme de celles antérieurement publiées, il apparaît
qu’une naissance avant terme est un facteur important dans
l’association SARS-CoV-2 maternel et morbidité respiratoire du
nouveau-né. Il faut, à l’inverse, bien noter que la grande majorité
des nouveau-nés de mère Covid + sont restés négatifs en post
partum, témoignant donc d’une faible contamination virale durant
cette période et rendant inutiles des mesures telles que séparation
mère-enfant ou non allaitement au sein.
Dr Pierre Margent