Remdesivir ou HCQ pour des patients Covid+ hospitalisés : ça ne marche décidément pas

En Février 2020, un groupe d’experts de l’OMS a retenu 4 drogues, déjà utilisées dans d’autres indications, l’hydroxychloroquine (HCQ), le remdesivir, le lopinavir boosté par le ritonavir et l’interféron β1a afin d’être évaluées lors d’un essai clinique international, ouvert, adaptatif, comparativement aux soins standards (SoC), pour traiter les patients hospitalisés infectés par le SARS-Cov-2. Les études sur l’HCQ et le lopinavir furent interrompues de par l’absence d’effets cliniques décelables lors de l’essai RECOVERY (Randomised Evaluation of Covid-19 Therapy) et lors d’autres analyses intermédiaires. Or, un des avantages majeurs du remdesivir est qu’il pourrait être utile dans les formes légères à modérées de Covid, quand la réplication virale est notable, par opposition aux formes graves où l’inflammation joue un rôle majeur. Le remdesivir est, en effet, un inhibiteur de la polymérase virale qui a démontré in vitro des effets antiviraux certains contre le SARS-Cov-2, en interférant avec la production d’ARN viral.

Essai randomisé non contrôlé: traitement standard (SoC) versus HCQ versus remdesivir

L’essai indépendant NOR-Solidarity a donc été conçu pour évaluer les effets du remdesivir et de l’HCQ, en comparaison avec ceux de SoC, sur la clairance virale, chez des patients hospitalisés pour Covid-19, confirmée par test RT-PCR dans des échantillons oropharyngés. Il fut aussi analysé l’impact de ces 2 molécules sur les biomarqueurs inflammatoires et sur l’intensité de la détresse respiratoire aiguë. Les participants de NOR-Solidarity furent recrutés dans 23 hôpitaux norvégiens. Ils avaient plus de 18 ans, une infection par le SARS-Cov-2 confirmée et étaient hospitalisés. Un consentement, par le malade ou par ses proches, avait été obtenu avant inclusion. Les critères d’exclusion étaient multiples, dont la présence de comorbidités sévères avec espérance de vie inférieure à 3 mois, un taux de transaminases hépatiques supérieur à 5 fois la normale, un intervalle QT corrigé de plus de 470 ms, une grossesse ou un allaitement en cours, la prise concomitante d’autres médicaments pouvant interférer avec les 2 drogues étudiées. L’essai fut randomisé, ouvert mais sans groupe placebo. Trois groupes furent constitués : un avec SoC, un associant SoC et 800 mg d’HCQ per os 2 fois par jour à J1, puis 400 mg 2 fois par jour jusqu’à J9, un dernier comprenant SoC et prise de 200 mg de remdesivir à J1, puis 100 mg journaliers jusqu’à J9. Le recrutement des malades débuta le 28 Mars 2020. Le traitement par HCQ fut arrêté le 8 Juin 2020, de par l’absence de preuves de son efficacité lors de 2 essais intermédiaires avec maintien du bras remdesivir jusqu’au 5 Octobre 2020. Le but essentiel de NOR-Solidarity a été l’analyse de la mortalité hospitalière, toutes causes confondues. De façon subsidiaire fut aussi étudiée la clairance virale par RT PCR, au niveau d’échantillons oropharyngés prélevés initialement du 3ème au 5ème jour, puis de J7 à J9 et, ultérieurement, tous les 3 jours. Parallèlement fut quantifiée la gravité de la détresse respiratoire par le calcul du rapport PaO2-FiO2 et furent mesurés divers marqueurs biologiques d’inflammation (CRP, procalcitonine, LDH, ferritine, lymphocytose et polynucléose).

Pas de différence démographique ni clinique entre les trois groupes

Entre le 28 Mars et le 4 Octobre 2020, 185 patients, originaires de 23 hôpitaux norvégiens, furent enrôlés dans l’essai, représentant 24 % de l’ensemble des patients norvégiens hospitalisés pour Covid-19 durant cette période. Après exclusions diverses, 181 furent randomisés, 87 dans le bras SoC et 97 sous traitement actif (43 par remdesivir et 50 par HCQ). 149 eurent un suivi de 3 mois. On ne notait aucune différence démographique ni clinique entre les 3 sous-groupes, hormis le fait qu’un rapport PaO2-FiO2 à moins de 40KPa a été plus souvent observé dans les bras actifs et que, à l’inverse, il y avait moins de patients traités par inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine. La majorité des participants étaient de sexe masculin (65,7 %) ; l’âge moyen s’établissant à 59,8 ans. Ils avaient été, en règle, hospitalisés dans les 8 jours suivant les premiers symptômes cliniques. 43 % étaient en insuffisance respiratoire aiguë. A l’admission, la présence d’anticorps anti SARS-Cov-2 dirigés contre le domaine du récepteur viral était observée dans 47 % des cas et celle d’anticorps dirigés contre l’antigène nucléocapsidique dans 39,4 %. La durée moyenne de traitement fut de 5 jours (IQR : 3 à 9) avec des posologies moyennes de 700 mg (IQR : 500- 1050) pour le remdesivir et de 5400 mg (IQR : 3500- 8500) pour l’HCQ.

Mortalité hospitalière de 6,6 % sans différence entre les groupes actifs et SoC

La mortalité hospitalière globale s’établit à 6,6 %, sans différence entre les groupes actifs et SoC. On ne releva pas non plus d’impact du remdesivir ou de l’HCQ sur le taux d’admission en soins intensifs, sur la nécessité de recourir à une ventilation artificielle, ni à son délai de mise en œuvre. 2 des patients sous HCQ présentèrent un allongement de l’intervalle QT corrigé, nécessitant l’arrêt du traitement. De façon globale fut observée une diminution marquée de la charge virale de SARS-Cov-2 dans l’oropharynx durant la 1ème semaine d’hospitalisation, diminution similaire dans les 3 bras de l’essai. La prise de remdesivir ou d’HCQ ne modifia ni l’intensité de la défaillance respiratoire, ni les différentes variables inflammatoires. L’absence d’effet anti viral n’était pas associé à la durée des symptômes, l’intensité de la charge virale initiale, au degré d’inflammation ou encore à la présence d’anticorps anti SARS-Cov-2 à l’admission.

Points faibles à relever

En accord avec les résultats de travaux antérieurs, il ressort de cet essai que ni le remdesivir, ni l’HCQ n’ont d’impact sur la mortalité en cas de COVID-19 et qu’ils ne modifient pas non plus la nécessité de recourir à la ventilation artificielle ni la durée d’hospitalisation. Le taux de clearance virale au niveau oropharyngé reste inchangé, avec ou sans l’une de ces 2 drogues. Ce travail comporte des points forts mais aussi des réserves. Il a inclus notamment une proportion notable de tous les patients alors hospitalisés en Norvège pour Covid-19. A l’inverse, il n’a pas comporté de véritable groupe placebo, le nombre de patients inclus dans l’essai a été limité et la durée de traitement relativement courte, bien que des analyses statistiques complémentaires n’aient pas permis de retrouver de différences entre 5 versus 10 jours de traitement par remdesivir.

En conclusion, on doit faire état de l’absence global de bénéfices du remdesivir ou de l’HCQ sur l’évolution clinique de patients hospitalisés pour Covid-19, allant de pair avec l’absence d’effet sur la clairance virale oropharyngée. Ces résultats posent donc question sur l’intérêt de ces 2 drogues chez des patients hospitalisés pour Covid-19.

Dr Pierre Margent

Référence
Evaluation of the effects of Remdesivir and Hydroxychloroquine on Viral Clearance in Covid-19. A randomized trial. A. Barratt-Due. Ann Intern Med. July, 13, 2021.

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Vos réactions (9)

  • Protocole

    Le 16 août 2021

    Il eut été intéressant d'évaluer non pas l'hydroxychloroquine chez les patients hospitalisés mais le protocole associant au premiers symptômes: hydroxychloroquine (200 mg x 3 par jour pour 10 jours) + Azithromycine (500 mg le 1er jour puis 250 mg par jour pour 5 jours de plus).
    Personne n'a jamais soutenu l’intérêt de l'hydroxychloroquine en dehors de ce protocole et s'appuyer sur des prescriptions fantaisistes pour prétendre "ça ne marche décidément pas" est malhonnête.

    Dr M.Merlin

  • Mauvais timing

    Le 17 août 2021

    Si on fait une étude concernant l'oseltamivir contre la grippe en attendant le stade hospitalisation c’est à dire au delà des deux premiers jours d’évolution on concluerait et on a déjà conclu à l’absence d’efficacité de cette molécule pourtant largement reconnue sauf en France .
    Il faut traiter le plus précocement possible et même l’utiliser en prophylaxie à demi dose curative sur 10 jours pour les cas contacts

    Il en va peut être de même de l’hcq : le problème étant que personne n’a encore tenté une étude double aveugle contre placebo chez des sujets suffisamment à risque pour que l’étude même d’un effectif modeste ait une certaine chance de conclure.
    Encore faut il que quelqu’un veuille bien le faire mais encore se voit autoriser à la faire.
    On se contentera d’une étude cas témoin qui montre une efficacité de 75% en prophylaxie.
    Et on s’étonne que eu égard à la faible toxicité il n’y ait pas encore eu d’étude dans le grand âge en double aveugle placebo en curatif !
    Il semble que pour l’ivermectine non plus...

    Dr F.Roche

  • HCQ : traitement précoce!

    Le 17 août 2021

    N'a t il pas déjà été répété de multiples fois que l'HCQ a un intérêt en traitement précoce? Une fois le patient à l'hôpital il est trop tard pour ce type de traitement!
    Les études citées utilisent des patients déjà hospitalisés... Il me semble qu'avec un tel postulat de départ, on ne peut arriver qu'à la conclusion que l'on souhaitait sans doute obtenir dès le début de l'étude.
    Pour faire un peu d'humour: on ne ressuscitera aucun patient...avec aucun traitement.
    A. Levry

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