Covid-19 et remdesivir, ne vois-tu rien venir ?

Le remdesivir est un médicament antiviral qui exerce in vitro un effet inhibiteur sur la multiplication et la réplication chez l’animal de divers agents pathogènes, dont les coronavirus comme le SARS-CoV-2 (Severe Acute Respiratory Syndrome Coronavirus 2) et le MERS-CoV (Middle East Respiratory Syndrome Coronavirus). Utilisé sans succès in vivo dans le traitement des infections liées au virus Ebola auquel il était destiné, le remdesivir a néanmoins suscité quelques espoirs face au Covid-19. Or deux essais randomisés menés à double insu contre placebo viennent troubler une situation qui n’était déjà pas limpide en donnant des résultats plutôt divergents.

Un essai chinois trop vite interrompu…

Le premier, publié en ligne dans le Lancet du 29 avril 2020 (1) émane de dix hôpitaux implantés dans la province du Hubei (Chine) et l’on peut considérer qu’il n’est guère concluant. Ont été inclus, entre le 6 février et le 12 mars 2020, 237 patients atteints d’une forme sévère de Covid-19, biologiquement et radiologiquement confirmé, la SaO2 à l’air ambiant étant ≤ 94 % et le rapport PaO2/Fi O2 ≤ 300 mm Hg. Le délai entre le début des symptômes et l’inclusion dans l’essai a été de moins de 12 jours. L’étude a été interrompue avant l’inclusion des 450 patients prérequis car l’épidémie s’essoufflant à Wuhan, les malades ont fini par faire défaut… Dans le groupe traité (n = 158), le remdesivir a été administré par voie intraveineuse à raison de 200 mg/jour le premier jour (J1) et de 100 mg/jour entre J2 et J10. Un traitement comparable pouvant combiner lopinavir–ritonavir, interférons et corticoïdes a été autorisé dans les 2 groupes (remdesivir et placebo) définis par le tirage au sort. Le principal critère de jugement était le délai écoulé avant une amélioration clinique jugée significative : soit le nombre de jours entre le moment du tirage au sort et la sortie de l’hôpital ou à défaut, un changement de niveau d’au moins deux points en moins sur une échelle ordinale à six niveaux (1 = sortie à 6 = décès). L’analyse des données a été réalisée dans l’intention de traiter sur l’ensemble des patients, à l’exception d’un malade du groupe placebo.

Pas vraiment de différence intergroupe

Aucune différence intergroupe statistiquement significative n’a été décelée quant au critère de jugement précédemment défini, le hazard ratio correspondant étant estimé à 1,23 [intervalle de confiance à 95 % IC 95% 0,87–1,75]). Néanmoins, le nombre de jours avant l’amélioration clinique a été un peu plus faible dans le groupe traité, notamment lorsque le traitement est intervenu dans les dix jours après l’apparition des symptômes, soit une valeur médiane de 18,0 jours [écart interquartile 12,0–28,0] versus 23,0 jours [15,0–28,0] ; HR 1,52 [0,95–2,43], le seuil de signification statistique n’étant pas pour autant atteint. Aucun effet significatif n’a été détecté quant à la mortalité ou encore à la ventilation assistée, qu’il s’agisse du nombre de ses indications ou de sa durée. La fréquence des évènements indésirables a été de 66 % dans le groupe traité et de 64 % dans le groupe placebo (qui n’en était pas vraiment un en fait). Le traitement a été interrompu en raison de ces derniers chez 12 % des malades du groupe traité, versus 5 % sous placebo. Cet essai randomisé le premier à avoir évalué le remdesivir dans le traitement du Covid-19 en Chine peut donc être qualifié de plutôt négatif mais son manque de puissance joue indéniablement en sa défaveur.

Un essai international non publié mais commenté par la Maison Blanche

Dans le même temps, aux Etats-Unis, les résultats d’un autre essai randomisé multicentrique de plus grande envergure (1 063 patients, 47 sites aux États-Unis et 21 autres en Europe et en Asie) font l’objet d’un communiqué de presse du laboratoire (2) repris et commenté depuis la Maison Blanche par le Dr Anthony Fauci épidémiologiste… mais aussi conseiller du président Donald Trump : “Les données montrent que le remdesivir a un effet clair, significatif et positif pour diminuer le temps de guérison” des malades du coronavirus… L’étude n’est pas publiée mais elle va l’être sous peu et les commentaires qu’elle suscite de la part du Dr Fauci ne sauraient être ignorés, quelle que soit la tournure des évènements. Au passage, les contradictions entre les études sont monnaie courante en médecine. C’est pourquoi il en faut en général plus de deux concordantes pour que les stratégies thérapeutiques prennent leurs résultats en compte : ce niveau de preuve exigé n’est d’ailleurs pas propre au Covid-19. Les résultats de l’étude DISCOVERY sont impatiemment attendus et dans l’intervalle, on continuera probablement de recourir au remdesivir, déjà administré à de nombreux patients atteints du Covid-19 en l’absence de traitement efficace…

Dr Philippe Tellier

Référence
(1) Wang Y et coll. : Remdesivir in adults with severe COVID-19: a randomised, double-blind, placebo-controlled, multicentre trial. Lancet 2020 (29 avril) : publication en ligne. doi.org/10.1016/ S0140-6736(20)31022-9. (2) Gilead Announces Results From Phase 3 Trial of Investigational Antiviral Remdesivir in Patients With Severe COVID-19.https://t.co/lZFC5Yee8T.

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