
Paris, le mercredi 1er septembre 2021
– La journée internationale de sensibilisation aux overdoses, hier,
a été l’occasion pour plusieurs médecins et acteurs engagés dans la
lutte contre les drogues d’épingler certains manques de la
politique française. Quelques jours après le lancement d’une
importante campagne de sensibilisation aux méfaits du cannabis, ils
rappellent en effet dans une tribune publiée par le Monde que 503
overdoses mortelles ont été recensées en 2019, dont 178 liés à la
méthadone, 114 à l’héroïne et 77 à la cocaïne.
Face à ce bilan, ils déplorent : « Nous regrettons que le
gouvernement préfère privilégier des campagnes de « prévention » au
cannabis, le plus souvent aussi incantatoires qu’inefficaces
(rappelons en outre qu’il n’y a pas un seul décès par an par le
cannabis), oubliant trop souvent de développer sérieusement la
seule prévention fonctionnelle en termes de vies et de morts
d’usagers : celle de la réduction des risques et des dommages liée
à la prise de drogues ».
La naloxone en spray nasal inaccessible depuis huit mois
De fait, alors que ces dernières années ont été marquées, notamment à la faveur de l’épidémie de Covid, par une augmentation de la consommation d’opiacés (même si la France ne connaît pas les situations catastrophiques des États-Unis ou de l’Écosse), la volonté politique pour affronter ce problème de santé publique paraît inexistante. L’accès à la naloxone (antidote spécifique des opioïdes) reste par exemple toujours aussi complexe dans notre pays. Quand les experts continuent à insister sur l’importance de sa disponibilité, le bilan établi par l’association Aides n’est guère encourageant. Il faut dire que l’exception française fait de la France l’unique pays d’Europe où une seule forme de naloxone est actuellement disponible (injectée par voie intramusculaire) quand la naloxone en spray nasal est bien plus simple à manipuler. Cette spécificité est liée au retrait du marché français du distributeur en décembre 2020. Si la situation devrait enfin être débloquée en septembre, Aides déplore : « L’absurdité de cette situation révèle un manque de volonté politique : des solutions existent, notamment les importations parallèles qui consistent à faire venir d’autres pays un médicament non distribué en France ».Sensibilisation des médecins
Autre urgence signalée : la nécessité d’une meilleure formation des médecins et notamment des plus jeunes à la prescription d’opiacés, alors que les risques de mésusage s’accroissent également dans notre pays. « Nous en appelons d’ailleurs à la mobilisation du corps médical en général et des généralistes en particulier pour s’associer à l’effort en matière de réduction des risques. Il en va sur ce point aussi de notre responsabilité » écrivent ainsi les auteurs de la tribune dans Le Monde.Crack à Paris : des réponses floues
Concernant l’autre type de drogues parfois à l’origine d’overdoses mortelles, la cocaïne, l’action des pouvoirs publics n’est guère plus lisible. Ainsi, face à la situation des consommateurs de crack à Paris, à l’origine de dommages tant sanitaires que sécuritaires, la maire de Paris, Anne Hidalgo a voulu dévoiler son plan hier. Il suppose la constitution d’un « réseau métropolitain de prise en charge du crack » s’appuyant sur des « lieux disséminés dans l’ensemble du territoire du Grand Paris ». Le programme prévoit également un élargissement des horaires pendant la nuit des centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues dans le 18ème arrondissement. Cependant, ce dispositif dont les contours sont flous élude une question cruciale : les antennes du réseau permettront-ils une consommation « supervisée » ? La mairie de Paris demeure pour l’heure évasive, compte tenu du caractère politiquement extrêmement sensible de la question. A défaut de volonté politique, les autorités n’oublient pas, en ce qui concerne la lutte contre les drogues, le jeu politique.Aurélie Haroche