
Clarifier les parcours
Le gouvernement avait temporisé en promettant l’ouverture de
nouvelles discussions en se basant sur les recommandations d’un
rapport commandé à l’Inspection générale des affaires sociales
(IGAS). Attendu en juin, il vient d’être publié. Ce rapport offre
un diagnostic assez peu contestable de la situation difficile des
sages-femmes françaises. Il se montre aussi insistant sur
l’importance d’une « clarification des parcours ». « La
diversité des acteurs du parcours et la médicalisation de la prise
en charge de la grossesse ont conduit progressivement à brouiller
la perception que les femmes avaient, traditionnellement, des
missions des sages-femmes. Les différences de logique entre les
corps professionnels, voire les querelles catégorielles qui ne sont
pas étrangères à cela, doivent être dépassées, notamment en
procédant à la clarification proposée par la mission. [8] Dans ce
cadre, améliorer la visibilité, auprès des femmes, des rôles précis
joués par les sages-femmes constitue un levier déterminant »
écrivent les inspecteurs dans leur synthèse.
L’ouverture du statut de praticien hospitalier jugée inadaptée
Mais parallèlement à cette recommandation, concernant le statut hospitalier, l’IGAS a totalement anéanti les espoirs des organisations représentatives des sages-femmes. « La question du statut, selon la mission, doit faire l’objet d’une grande attention, car elle se situe au cœur de l’attractivité qui semble se dégrader sensiblement pour ce qui est de l’exercice hospitalier. Comme pour beaucoup de soignants, le besoin de reconnaissance est central mais prend pour les sages-femmes une dimension toute particulière puisqu’elles appartiennent aux professions médicales, même si leurs compétences sont « définies » » observe tout d’abord l’IGAS, avant finalement de conclure : « La mission considère que l’ouverture du statut des praticiens hospitaliers aux sages-femmes de l’hôpital public, revendiquée par de nombreuses organisations professionnelles, ne correspond pas à une solution adaptée. Indépendamment du surcoût annuel exorbitant évalué par la mission à près de 1 milliard d’ €, la durée de la formation et la nature des responsabilités ne justifient pas cette ouverture. Le statut de la fonction publique hospitalière (FPH) offre, quant à lui, un cadre trop contraignant pour répondre aux questions devant être traitées. Ainsi, si l’option du maintien du corps des sages-femmes au sein de la FPH devait être retenue, il serait indispensable que des textes législatifs et règlementaires assouplissent certaines dispositions pour qu’elles offrent des modalités de réponses fiables ».Mépris perpétuel
Cette préconisation est fortement regrettée par les syndicats et associations de sage-femmes. Elles y voient le témoignage de la persistance d’une vision de la profession qui doit demeurer « inférieure » ou « sous la coupe » des médecins. D’ailleurs, une petite phrase du rapport a fait bondir Marianne Benoit Truong Canh, vice-présidente du Conseil national de l’ordre des sages-femmes (CNOSF) : « Les gynécologues représentent l’autorité médicale, intellectuelle et morale, construisent les connaissances sur la grossesse et les accouchements et définissent les principes de fonctionnement dans les maternités ». Elle s’indigne dans les colonnes du Monde : « Ça fait dix ans que je me bats, je n’ai jamais lu une chose pareille. Nous ne sommes pas sous la coupe des gynécologues obstétriciens. Encore moins sous leur autorité “intellectuelle” et “morale”. Les sages-femmes font tout dans la salle d’accouchement. Si quelque chose se passe mal, c’est leur responsabilité qui est engagée, pas celle du médecin ». Concernant les conséquences financières qu’aurait un changement de statut, la présidente de l’Organisation nationale syndicale des sages-femmes (ONSSF, syndicat majoritaire) ironise : « La profession n’a pas eu de revalorisation de salaire en vingt ans. Donc, effectivement, en basculant sur un statut de PH, on devrait augmenter notre salaire de 220 % » avant de répéter : « Nos rémunérations ne sont pas à la hauteur de nos responsabilités. Si les maternités tournent à l’heure actuelle, c’est grâce aux sages-femmes ».Animées par cette colère, les sages-femmes doivent être reçues aujourd’hui par Olivier Véran et son secrétaire d’État Adrien Taquet. S’ils veulent suivre les conclusions de la mission de l’IGAS les deux hommes devront pouvoir développer des arguments particulièrement robustes.
L.C.