
Numéro de prévention du suicide national : enfin !
La première a cependant déjà été faite : l’ouverture dès la fin de la semaine d’un numéro national de prévention du suicide, dispositif encore inédit en France. Le numéro national, accessible 7 jours sur 7 et 24h sur 24, sera relié à des plateformes d’écoute régionales, chacune dotée d’une équipe de 12 personnes (infirmières et psychologues). Ces plateformes seront placées auprès des services de SAMU afin de pouvoir faciliter les interventions en urgence. « Ce numéro de prévention du suicide sera ouvert à toute la population : des individus en situation d'urgence, d'autres en difficulté et cherchant des soins, mais aussi des proches s'interrogeant sur le comportement d'un enfant ou d'un conjoint, ou même des médecins généralistes ayant besoin de conseils pour l'un de leurs patients », résume dans l’Express le Professeur Philippe Courtet, chef de service de psychiatrie au centre hospitalo-universitaire de Montpellier.Quand la crise tape sur les nerfs
La prévention du suicide est un enjeu majeur de la politique
sanitaire dédiée à la santé mentale, alors que la crise sanitaire a
encore aggravé la prévalence des idées suicidaires dans notre pays.
Elles concernent désormais 9 % des Français (quatre points de plus
qu’avant la crise) selon la dernière vague de l’enquête Coviprev
conduite par Santé Publique France. De la même manière, 13 % des
sujets présentent des signes d’affection dépressive (trois points
de plus) et 19 % un état d’anxiété (six points de plus). « Les
améliorations observées en juillet sur la qualité du sommeil de la
population ne semblent pas avoir tenu au-delà de l’été »,
signale encore l’agence.
Des délais d’attente inacceptables
Cette dégradation de la santé psychique des Français intervient tandis que le monde de la psychiatrie était déjà exsangue avant la crise et difficilement capable de répondre à l’afflux de demandes. Alors que la capacité d’accueil en psychiatrie dans les hôpitaux publics a diminué de 13 % entre 2013 et 2019, on estime que parallèlement le nombre de patients suivis a progressé de 40 %. Conséquence : les délais pour un premier rendez-vous dans les centres médico-psychologiques, peuvent dépasser un an, notamment en pédopsychiatrie !Des moyens et des parcours plus lisibles
Dans un tel contexte, il n’est nullement étonnant que les attentes soient très fortes. Elles ont été dévoilées ce matin par le biais des résultats d’une consultation ouverte à tous. Il apparaît que pour 57 % des professionnels, la première priorité est la valorisation des métiers, quand 54 % citent l’augmentation des moyens humains et financiers. Ils ne sont par contre que 10 % à placer parmi leurs attentes majeures « une meilleure prise en compte des droits des personnes ayant un handicap psychique ». Du côté du grand public, 60 % déplorent le manque de lisibilité des parcours de soins.Renforcer l’existant
Les Assises nationales peuvent-elles offrir une réponse à ce malaise ? Certains optimistes veulent y croire. Le Pr Nicolas Franck (Centre le Vinatier) qui participe à la conférence espère ainsi qu’elles offriront une belle visibilité aux différents enjeux, et notamment à celui mis en avant par le grand public, quant au défaut de lisibilité du système. Le Pr Michel Lejoyeux, président de la Commission nationale de la psychiatrie, lancée en janvier, demeure pour sa part modeste observant dans Le Monde « ces Assises sont importantes mais ne régleront évidemment pas à elles seules la crise majeure ». Attendant « l’annonce de mesures structurantes et une reconnaissance, avec l’inscription de la psychiatrie et de la santé mentale comme “priorité nationale” », il estime que « la priorité n’est pas de mettre toute l’organisation par terre mais de renforcer l’existant ».Déceptions
D’autres se montrent cependant moins enthousiastes et les critiques se multiplient. Beaucoup regrettent tout d’abord que la préparation ait été minimaliste. Sur la forme, par ailleurs, d’aucuns s’insurgent contre le principe d’une rencontre de cette importance réalisée en visioconférence. Concernant les intervenants présents, les représentants des patients et des familles déplorent que leur représentation ait été réduite au strict minimum et redoutent une vision hospitalo-centrée et qui se concentre également quasiment exclusivement sur la psychiatrie.Rien sur la contention ?
Sur le fond des sujets abordés, nombreux craignent que les réponses concrètes restent rares. Notamment, certains ont regretté que les questions de la contention et de l’isolement des patients soient absentes des sujets abordés. Pourtant, pour les signataires d’une tribune publiée ce week-end dans Le Parisien (dont 90 psychiatres), il s’agit d’un enjeu majeur. « Les assises de la santé mentale et de la psychiatrie se tiendront les 27 et 28 septembre sans que certains thèmes majeurs n’y soient abordés. La honte en psychiatrie, c’est l’inflation des contentions physiques (l’équivalent des camisoles de jadis) et des isolements psychiatriques. Cette honte est celle des professionnels qui attachent et qui enferment, faute de mieux. Cette honte est celle des usagers et de leurs familles qui vivent des situations indignes et traumatisantes. Attacher et isoler redouble et aggrave les isolements psychiques et sociaux des personnes déjà fragilisées par leurs troubles psychiques » écrivent les auteurs qui attendent un véritable débat national sur le sujet.Manifestation
L’idée sera-t-elle retenue lors de ses annonces demain par Emmanuel Macron ? Ces dernières sont très attendues, mais dans certains rangs on se prépare déjà à être plus que déçu. Ainsi, les psychologues craignent notamment l’annonce d’un tarif de remboursement notoirement insuffisant de leurs consultations et s’inquiètent également que la prise en charge soit conditionnée à une prescription médicale. Pour dénoncer un système qu’ils vivent comme une marque de mépris pour leur profession, ils organisent une manifestation demain sous les fenêtres du ministère de la Santé, à quelques heures de la clôture des Assises nationales.Aurélie Haroche