Covid : bientôt un nouveau protocole dans les écoles ?

Paris, le mardi 28 septembre 2021 – Parmi les reproches formulés par différents observateurs à la gestion française de la crise épidémique, l’absence d’un cap solidement maintenu a souvent été évoquée. De fait, à de nombreuses reprises, on a pu constater que ce qui était présenté comme une règle intangible un jour était, à peine quelques semaines plus tard, contredit de façon formelle. Il en a été ainsi, pour prendre un exemple récent sans remonter à l’épisode des masques « inutiles », du passe sanitaire qui ne devait jamais être obligatoire avant de le devenir…Et ces revirements ne peuvent pas toujours être expliqués par l’amélioration des connaissances sur le virus ou l’épidémie.

Un avis du Conseil constitutionnel boudé

L’école nous en offre un nouvel exemple. Le 19 septembre, le Parisien signale que dans un avis non encore publié du Conseil scientifique (et qui le fut quelques jours plus tard), l’instance préconisait une évolution du protocole appliqué dans les établissements scolaires. Il recommandait de remplacer la politique de fermeture des classes dès le premier cas d’infection identifié par un isolement des seuls enfants contaminés, repérés grâce à un dépistage hebdomadaire, et ce quel que soit le niveau, c’est-à-dire y compris après l’âge de 12 ans, afin d’éviter le « tri » entre les élèves vaccinés et non vaccinés.

Une telle différence de traitement risque en effet encore d’aggraver la fracture entre les familles hostiles au vaccin et les institutions scolaires et sanitaires. Il y a dix jours, le gouvernement, qui ne s’était d’ailleurs pas empressé de rendre public cet avis, semblait peu enclin à le suivre. Le ministère de l’Éducation nationale signalait en effet qu’une évolution du protocole n’était pas à l’ordre du jour.

Une évolution réservée à l’école primaire… pour l’instant

Mais voilà que moins de deux semaines plus tard, le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer a dessiné ce matin sur France info les contours d’une nouvelle stratégie qui va être expérimentée dans une dizaine de départements. Elle consistera à partir du début de la semaine prochaine à tester toute la classe dès l’identification d’un cas d’infection et à ne « renvoyer à la maison que ceux qui sont positifs » a expliqué le ministre. Il a encore indiqué que le système serait évalué « dans des départements variés pour pouvoir comparer », ajoutant enfin : « La semaine prochaine, certains départements seront sans masque, donc ce sera aussi intéressant de pouvoir comparer d’un département à l’autre l’effet de ce type d’expérimentation ». Différence (de taille) avec les préconisations du Conseil scientifique, le nouveau protocole ne concerne pour l’heure que les écoles primaires : le gouvernement n’a pas (encore) renoncé à sa stratégie d’éviction des seuls enfants cas contact non vaccinés (ce qui est assez complexe à définir dans les classes de collège et de lycée.

Une stratégie gagnante sanitairement et scolairement

Au-delà de la nouvelle constatation du caractère versatile de la politique sanitaire, l’évolution du protocole sanitaire pourrait répondre aux observations du Conseil scientifique, à condition que l’offre de dépistage soit considérablement renforcée dans le milieu scolaire. Les résultats de l’évaluation de différentes stratégies ont en effet permis de conclure que « Dans le primaire, seul le dépistage systématique permet de diminuer de façon appréciable (environ -30 %) le nombre de cas par rapport à la stratégie reposant sur le diagnostic des cas symptomatiques et leur isolement. En nombre de jours de classe en présentiel perdus, les quarantaines sont très pénalisantes comparées aux autres stratégies. Ces résultats qui peuvent paraître surprenants au premier abord s'expliquent par la proportion élevée d'enfants avec des formes asymptomatiques de l'infection (estimée à 50 % dans le primaire), et par la part importante de transmissions qui a lieu en phase présymptomatique chez ceux qui seront amenés à développer des symptômes. Au moment où des cas symptomatiques sont identifiés, la plupart des transmissions secondaires ont déjà eu lieu au sein de la classe, mais également vers les classes voisines. Ces résultats conduisent à proposer la stratégie suivante : surveillance avec un test par enfant scolarisé et par semaine, en maternelle et en élémentaire. La stratégie repose sur le volontariat et implique le recueil d’un consentement des familles. Il est indispensable que l'adhésion au protocole soit de 50 % au minimum pour que la stratégie soit efficiente, ce qui suppose un effort spécifique d’information des familles sur l’intérêt décisif de la démarche pour contenir à la fois la circulation virale en milieu scolaire et les fermetures de classe. Le Conseil scientifique COVID-19 et le Conseil d’Orientation de la Stratégie Vaccinale se rendent bien compte des enjeux opérationnels d’une telle proposition mais considère qu’elle doit être discutée avec attention ».

Impréparation ?

Cette question des moyens est également au cœur des interrogations de l’épidémiologiste Micea Sorfonea dans Le Monde à la veille de la levée du port du masque dans les écoles des départements où l’incidence est inférieure à 50/100 000. « La question qui se pose est de savoir à partir de quels seuils et sur quelles données dira-t-on : « Il était trop tôt pour prendre cette mesure, on va rétablir le port du masque ». Pour cela, une épidémio-surveillance renforcée est nécessaire. Avant d’étendre à tout le territoire une levée de mesure, il aurait été pertinent de déployer différents protocoles à titre expérimental, assortis d’une étroite surveillance épidémiologique, dans les communes ou territoires où la circulation du virus est faible et l’activité hospitalière liée au Covid faible. On se serait ainsi donné les moyens de suivre attentivement l’impact de ces mesures sur l’incidence, à l’aide d’un dépistage massif, aléatoire et fréquent, dans toutes les classes d’âge, et d’enquêtes systématiques en cas de clusters. Les modèles épidémiologiques ne font pas tout, ils doivent aussi être alimentés par des données à jour et non biaisées. L’enjeu est de déterminer la combinaison de mesures que l’on peut lever, pour donner à la société l’impression de respirer tout en maintenant l’épidémie sous contrôle » relève-t-elle. S’il est difficile de savoir ce que l’épidémie nous réserve dans les prochaines semaines, l’impression d’un gouvernement qui souvent navigue à vue risque pour sa part de perdurer.

NB : Vous pouvez donner votre avis sur le protocole à suivre lors de la découverte d’un cas de contamination dans une classe en participant à notre sondage ici

A.H.

Copyright © http://www.jim.fr

Réagir

Vos réactions

Soyez le premier à réagir !

Les réactions aux articles sont réservées aux professionnels de santé inscrits
Elles ne seront publiées sur le site qu’après modération par la rédaction (avec un délai de quelques heures à 48 heures). Sauf exception, les réactions sont publiées avec la signature de leur auteur.

Réagir à cet article