
Paris, le mercredi 20 octobre 2021 – Le coût de l’intérim
médical pour les établissements hospitaliers constitue une
préoccupation pour les pouvoirs publics depuis de longues années.
Déjà en 2013, un certain Olivier Véran, alors député (socialiste),
avait consacré un rapport à ce sujet, et estimait que la dépense
par un an s’élevait à 500 millions d’euros. Pour limiter ce
phénomène, des mesures ont été prises destinées à plafonner les
rémunérations de ces praticiens.
Une loi difficile à appliquer
Ainsi, une loi adoptée sous l’égide de Marisol Touraine en 2016 a limité à 1170,04 euros le salaire brut maximum pour une journée de vingt-quatre heures de travail effectif à partir de 2020 contre 1 404,05 euros (le premier plafond) en 2018. Cependant, cette disposition est dans les faits diversement appliquée. D’abord, faisant fi des remontrances du ministre de la Santé de l’époque, Agnès Buzyn, les associations de médecins intérimaires ont constitué des « listes noires » des établissements appliquant les plafonds. Ensuite, certains hôpitaux n’ont pu qu’aller au-delà des règles, face à la difficulté de maintenir le fonctionnement de leurs services sans avoir recours à l’intérim, même très coûteux. En effet, le taux de vacance des postes de praticiens hospitaliers à temps plein atteignait 29,1 % début 2019.Un contrôle renforcé
Constatant les nombreux manquements, le gouvernement a fait
adopter dans le cadre de la loi Rist une nouvelle disposition qui
prévoit que le comptable public rejette systématiquement le
paiement d'une rémunération dépassant le plafond. Par ailleurs,
toute irrégularité conduit à la transmission d’un avertissement au
directeur de l'agence régionale de santé en raison d’un « acte
juridique irrégulier ». Le signalement entraîne un recours
devant le tribunal administratif. Cette mécanique doit
théoriquement entrer en vigueur le 27 octobre.
La France hospitalière a peur
L’approche de cette date a plongé dans une véritable panique un grand nombre de petits centres hospitaliers et les témoignages de désarroi de directeurs d’hôpitaux et d’élus se multiplient. A Paray-le-Monial, un chef de service de l’hôpital raconte ainsi dans Libération : « On a commencé à respecter le plafond légal de rémunération des médecins intérimaires depuis fin juillet à la demande du directeur du Groupement hospitalier de territoire de Mâcon. On a donc informé nos intervenants qu’on baissait leur rémunération de 30 %. Résultat : les médecins qui avaient signé un contrat sont allés au bout de leur mission, mais tous les autres se sont désistés. En l’espace de deux mois, on a perdu 60 % de nos effectifs en cardiologie, 30 % en pédiatrie, près de la moitié aux urgences. On a reçu un peu d’aide des établissements voisins, et les praticiens statutaires empilent les heures sup. Mais on est sur une corde raide. La situation est d’une extrême gravité ». Paray-le-Monial est très loin d’être un cas isolé. Il y a quelques jours, la présidente du conseil de surveillance du centre hospitalier de Château-Chinon et maire de la ville a lancé un « cri d’alarme » à l’intention d’Olivier Véran. Elle assure que l’activité de l’Unité d’accueil des premiers soins et des services de médecine et de Soins de suite et de réadaptation pourrait être profondément perturbée dès le début du mois de novembre. Nous avons par ailleurs déjà évoqué dans ces colonnes les perturbations chroniques de l’hôpital de Bourges qui seront inévitablement aggravées par la restriction de l’intérim. Partout en France, l’inquiétude monte, qu’il s’agisse de Dax, Pontivy ou encore Falaise et de bien d’autres localités.L’attractivité des carrières en question
La Fédération hospitalière de France s’est fait le relais de cette préoccupation et a prié le gouvernement de reporter l’entrée en vigueur du texte. Avec les suspensions liées à l’obligation vaccinale et les épidémies hivernales (sans oublier la Covid), le moment est en effet considéré comme particulièrement mal choisi. Par ailleurs, beaucoup de syndicats et la FHF considèrent que la lutte contre l’intérim passe également par une amélioration de l’attractivité des carrières : or un décret entérinant de nouvelles revalorisations est attendu dans ce sens en janvier. Le gouvernement a finalement entendu ces multiples alertes. Jean Castex a ainsi demandé au ministre de la Santé, Olivier Véran, de réfléchir à des adaptations, tandis que ce dernier a promis des discussions avec les fédérations hospitalières. Si la prise de conscience de l’urgence est appréciée, beaucoup déplorent cependant les aléas de la méthode.L.C.