
Un nouvel indice de la pérennisation du passe sanitaire
Ce succès qui sera probablement rapidement utilisé par les défenseurs du passe pour signaler la persistance de son utilité est loin cependant de répondre à toutes les interrogations.Une discrimination liée à l’âge problématique ?
Le gouvernement a cependant été pour l’heure peu disert sur la
forme juridique de cette nouvelle disposition. La voie
réglementaire semble la plus probable, puisque la nouvelle loi dite
de « vigilance sanitaire » vient juste d’être adoptée, à
moins que l’exécutif choisisse de déposer un amendement au projet
de loi de sécurité sociale (PLFSS). Le point délicat est que les
autorités de contrôle pourraient considérer que ce passe sanitaire
uniquement élargi aux plus de 65 ans revêt une forme de
discrimination liée à l’âge. Si le Conseil d’Etat et le Conseil
constitutionnel ont le plus souvent statué en faveur des mesures
choisies par le gouvernement, comme hier encore en ce qui concerne
la prolongation de la possibilité de recourir au passe jusqu’au 31
juillet 2022, ils continuent cependant de veiller au franchissement
de certaines limites. Le refus d’accepter que les directeurs
d’établissements puissent accéder aux informations vaccinales de
leurs collégiens marque notamment une vigilance certaine en ce qui
concerne le secret médical, qui a probablement conforté l’Élysée
dans son choix de ne pas inclure les personnes souffrant de
comorbidités dans sa mesure. Dans ce contexte de surveillance des
autorités de contrôle et concernant la question de la
discrimination liée à l’âge, il faudra que le gouvernement puisse
s’appuyer solidement sur les recommandations scientifiques et
médicales de la Haute autorité de Santé (HAS), du Conseil
d’orientation de la stratégie vaccinale et du Conseil scientifique
qui ont déjà été priés de se pencher sur le sujet. Ayant déjà
probablement fait part de leurs réflexions au Président de la
République dans le cadre du Conseil de défense hier, ces instances
doivent rendre publiques leurs conclusions très
prochainement.
Circonspection des spécialistes
Cependant, sans attendre le point de vue de ces institutions, des voix se sont élevées pour regretter cette solution et notamment l’Académie de médecine. « La dose de rappel est nécessaire pour le public cible actuel, qui perd vite son immunité post-vaccinale. Mais brandir l’obligation est inacceptable, car on recrée une discrimination en fonction de l’âge », déplore ainsi dans les colonnes du Monde, l’épidémiologiste Yves Buisson, président de la cellule Covid-19 de l’Académie nationale de médecine. Il note encore « La plupart des gens éligibles aujourd’hui au rappel font partie des personnes les plus motivées pour la vaccination, puisqu’elles étaient les premières à être volontaires ». D’autres médecins et scientifique partagent cette position : Philippe Amouyel, épidémiologiste et professeur de santé publique au CHU de Lille cité par Le Parisien, considérait avant d’entendre le discours d’Emmanuel Macron que l’exécutif devrait plutôt s’employer à convaincre les Français concernés de la nécessité de la troisième dose plutôt que de « tordre le bras » à la population. Beaucoup par ailleurs signalent que la priorité devrait bien plus certainement être la vaccination des plus fragiles qui n’ont encore reçu aucune dose. C’est par exemple le point de vue de l’épidémiologiste de l’INSERM Dominique Costagliola, tandis que le président du Comité d’orientation de la stratégie vaccinale, le professeur Alain Fischer a également souvent abondé dans ce sens. Enfin, pour éviter le risque d’une discrimination liée à l’âge, Mircea Sofonea, maître de conférences en épidémiologie et évolution des maladies infectieuses à l’université de Montpellier, juge qu’il serait plus pertinent de « créer une date de péremption pour le passe sanitaire de tout le monde, puisque de toute manière, on passera très probablement à un rappel en population générale ».L’exemple d’Israël
Un tel choix fait encore l’objet de controverses dans la communauté scientifique. C’est cependant celui qui a été fait par Israël et le Maroc, qui ont également décidé d’adapter les conditions de validité du passe sanitaire à cette troisième dose. Ainsi, aujourd’hui, Israël est le champion en la matière (avec une couverture de 43 % de sa population). En France, 3,6 millions de personnes ont reçu un rappel vaccinal sur 7,7 millions de personnes éligibles (soit 5,3 % de population, contre 15,1 % des Britanniques ou encore 7,4 % des Américains).Aurélie Haroche