Moderna contre Pfizer, la dernière bataille des anciens combattants

L’efficacité des vaccins à ARN m dans la prévention des formes symptomatiques de la Covid-19, qu’il s’agisse du BNT162b2 (Pfizer–BioNTech) ou du mRNA-1273 (Moderna) a été amplement démontrée par les essais randomisés initiaux qui ont conduit à les proposer pour la vaccination de la population générale. Cette efficacité qui était de 95 % pour l’un et de 94 % pour l’autre, s’est confirmée par la suite dans le monde réel, même si elle y est quelque peu inférieure aux chiffres annoncés, et elle est restée élevée face au variant Delta qui domine désormais la scène.

Ces deux vaccins sont-ils pour autant aussi efficaces l’un que l’autre ? La question se pose encore car, outre qu’ils n’ont jamais été comparés directement l’un à l’autre sur le mode head-to-head, il s’avère que leur composition diffère nettement : le vaccin Moderna contient ainsi 100 μg d’ARN messager versus 30 μg pour l’autre. Le schéma vaccinal est également un peu différent, l’intervalle entre la première et la deuxième dose étant de 4 semaines pour le premier et de 3 semaines pour le second. Enfin, la composition des nanoparticules qui véhiculent l’ARN messager vers sa cible n’est pas non plus la même. La question précédente est donc parfaitement justifiée, d’autant que les taux d’anticorps atteints après administration du vaccin Moderna sont plus élevés.

Légère supériorité du vaccin de Moderna

La vaste base de données du département des Anciens combattants (vétérans) des États-Unis a été mise à contribution pour tenter de lui répondre au mieux. Entre le 4 janvier et le 14 mai 2021, alors que le variant B.1.1.7 (alpha) du SARS-CoV-2 prédominait aux États-Unis, les vétérans ont reçu une première dose de l’un ou l’autre des deux vaccins précédents, deux groupes équivalents de chacun 219 842 participants étant ainsi constitués. Un appariement a été réalisé en fonction des facteurs de risque. Les données ont été traitées selon une analyse du type Kaplan–Meier.

Au terme d’un suivi de 24 semaines après vaccination complète, le risque de contracter une infection par le SARS-CoV-2 documentée, exprimé par le nombre d’évènements pour 1 000 sujets, était globalement estimé à 5,75 (intervalle de confiance à 95 % IC 95%, 5,39 à 6,23) dans le groupe BNT162b2 versus 4,52 (IC 95%, 4,17 à 4,84) dans le groupe mRNA-1273. L’excès de cas dans le premier groupe, comparativement au second, (toujours pour 1 000) se décompose ainsi : (1) infections documentées : 1,23 (IC 95%, 0,72 à 1,81) ; (2) Covid-19 symptomatique : 0,44 (IC 95%, 0,25 à 0,70) ; (3) hospitalisations : 0,55 (IC 95%, 0,36 à 0,83) ; (4) admissions en unité de soins intensifs : 0,10 (IC 95%, 0,00 à 0,26) ; (5) décès liés à la Covid-19 : 0,02 (IC 95%, −0,06 à 0,12).

Le risque de contracter la Covid est très faible quels que soient le variant et le vaccin

Une étude complémentaire ultérieure, réalisée entre le 1er juillet et le 20 septembre 2021, alors que le variant B.1.617.2 (delta) dominait a révélé les mêmes tendances, étant entendu que seules les infections documentées ont été prises en compte au terme d’un suivi de 12 semaines après vaccination complète : dans le groupe BNT162b2, l’excès de cas s’est élevé à 6,54 pour 1000 sujets (IC 95%, −2,58 à 11,82).

Cette étude non randomisée confirme l’efficacité des deux vaccins à ARN m, le risque de contracter la Covid-19 sous toutes ses formes apparaissant très faible chez tous les sujets complètement vaccinés, qu’il s’agisse du variant alpha ou bêta. Le vaccin Moderna serait un peu plus efficace, mais l’avantage est a priori mince, en aucun cas suffisant pour préférer l’un à l’autre, d’autant que, dans cette étude, l’acceptabilité des vaccins n’a pas été prise en compte. La différence est peut-être juste une question de dose, le Moderna contenant trois plus environ d’ARN messager que son jumeau.

Dans tous les cas, le rapport bénéfice/risque de la vaccination par l’un ou l’autre des concurrents reste infiniment supérieur à celui de l’abstention vaccinale dans le contexte pandémique actuel. IL n’en reste pas moins que d’autres études sont les bienvenues pour en savoir plus sur l’efficacité des vaccins en lice, alors que le variant Omicron entre en scène.

Dr Peter Stratford

Référence
Dickerman BA et coll. en de Comparative Effectiveness of BNT162b2 and mRNA-1273 Vaccines in U.S. Veterans. N Engl J Med 2021 ; publication avancée en ligne le 1er décembre. DOI: 10.1056/NEJMoa2115463.

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Vos réactions (2)

  • Étude sans grand intérêt

    Le 13 décembre 2021

    Si 80 % de la population est vaccinée, c'est avant tout pour protéger les plus faibles. La même étude faite uniquement chez des patients fragiles à risque de forme sévère de la COVID-19 aurait un intérêt beaucoup plus important. Je pense notamment aux personnes de plus de 65 ans dont l'immunité baisse avec l'âge. La réponse vaccinale a été étudiée, mais j'attends toujours une réponse fiable (études rigoureuses) sur sa protection réelle en vie réelle sur une telle population.

    Dr J-P Pau Saint-Martin

  • Beau résumé d'un beau papier devenu historique

    Le 14 décembre 2021

    Merci au Dr P Stratford pour son beau résumé d'un beau papier en climat bientôt "historique" : Alpha puis Delta. Plusieurs points méritent d'être surlignés :

    1- La population ciblée de vétérans US : 90% > 50ans - 90% Hommes - régulièrement hypertendus (65%) ou obèses (45% ) ou diabétiques (1/3). Les primo-infectés sont comme de coutume exclus. Cette population biaisée constitue une vie réelle très relative, elle ne saurait être le reflet de la population générale française ni du bénéfice attendu <50ans (Exclus d'EPI-PHARE*) en bonne santé.

    *EPI-PHARE 11/10/2021 : https://www.epi-phare.fr/rapports-detudes-et-publications/impact-vaccination-covid-octobre-2021/

    2-Dans cette population, les deux faux jumeaux ARNm sont quasi équivalents en terme d'efficacité presque au deux bouts du spectre : la contamination SYMPTOMATIQUE - la mortalité. Quasi, avec une petite supériorité pour Moderna, déjà suggérée sérologiquement comme cliniquement. Les contaminations Asymptomatiques ne sont pas évaluées, comme d’habitude.
    La pertinence du RAPPEL en climat Delta, en y incluant les contaminations Asymptomatique est enfin documentée après 40ans en Israel* : pour la première fois, il est noté une diminution importante (86%) du risque de PCR + et donc de transmission 28 à 65j après 3ième dose Pfizer (n = 272 852) vs 2doses (n = 227 380). A nouveau, et malheureusement, les primo-infectés sont exclus. Bien entendu, la pérennité de ce bénéfice épidémiologique restera à préciser.

    *Patalon T et coll . Odds of Testing Positive for SARS-CoV-2 Following Receipt of 3 vs 2 Doses of the BNT162b2 mRNA Vaccine. JAMA Intern Med. 2021 Nov 30:e217382. doi: 10.1001/jamainternmed.2021.7382

    3-Faux jumeaux car composition et délais entre deux injections sont distincts : Moderna plus dosé (X3), plus espacé (4semaines vs 3) avec des nuances de composition lipidique. Ces différences peuvent être l'explication mais aussi la cible quand le sujet est la tolérance (myo-péricardites). Mais la tolérance n’est pas l’objet du travail analysé.

    4- Un déclin d'efficacité conséquence plus du temps qui passe que du variant était une notion bien ancrée ... jusqu'à l'émergence confirmée du variant Omicron qui acutise la pertinence* du RAPPEL ARNm :

    * Andrews N et coll . Effectiveness of COVID-19 vaccines against the Omicron (B.1.1.529) variant of concern (Pré-print)
    https://khub.net/documents/135939561/430986542/Effectiveness+of+COVID-19+vaccines+against+Omicron+variant+of+concern.pdf/f423c9f4-91cb-0274-c8c5-70e8fad50074
    * Barnard RC et coll . Modelling the potential consequences of the Omicron SARS-CoV-2 variant in England (Pré-print 11/12/2021)
    https://cmmid.github.io/topics/covid19/reports/omicron_england/report_11_dec_2021.pdf

    Dr JP Bonnet

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