Davantage d’AVC pour les anciens footballeurs professionnels ?

Les commotions cérébrales à répétition ont potentiellement des conséquences neurologiques à long terme, notamment chez les sportifs de haut niveau dans les sports à haut risque tels que la boxe mais pas seulement. Les données expérimentales et celles issues de quelques études de cohorte plaident en faveur de cette hypothèse, les lésions traumatiques les plus sévères étant les plus dangereuses avec un retentissement sur la microcirculation et les neurones. Les fonctions cognitives peuvent être mises à rude épreuve au point que le risque de démence s’en trouverait augmenté sans cependant de lien de causalité établi. De même l’on peut se demander si les lésions ischémiques répétées peuvent favoriser la survenue ultérieure d’AVC.

En faveur de cette hypothèse qui a été rarement explorée dans les études de cohorte, plaident les résultats d’une étude étatsunienne transversale dans laquelle ont été inclus 979 footballeurs professionnels relativement âgés (≥50 ans ; âge moyen 65,0±9,0 ans ; extrêmes, 50-99). Tous avaient joué pendant au moins un an au sein de la très officielle National Football League. La prévalence des AVC a été estimée de manière globale et dans chaque tranche d’âge de dix années en tenant compte du nombre de commotions cérébrales suffisamment percutantes pour laisser un souvenir définitif, ce qui a permis de constituer cinq groupes : (1) aucune : n = 119 ; 12,2 % ; (2) 1 à 2 (n = 152 ; 15,5 %) ; (3) 3 à 5 (n = 242; 24,7 %) ; (4) 6 à 9 (n = 201 ; 20,5 %) ; (5) 10+ (n = 265 ; 27,1 %). Le risque d’AVC a été calculé sous la forme d’odds ratios (ORs) ajustés en fonction du nombre de commotions, mais aussi de l’âge, des antécédents de maladie coronarienne ou d’infarctus du myocarde.

Plus de 5 fois plus d’AVC quand il y a eu plus de 10 commotions cérébrales (versus aucune)

Au sein de cette cohorte, la prévalence globale des AVC (n = 33) s’est avérée en fait inférieure à celle observée au sein de la population générale comparable par le sexe et l’âge (> 50 ans), le rapport de prévalence standardisé étant de fait estimé à 0,56, p<0,001). C’est la preuve des bienfaits de l’exercice physique régulier dans la prévention de la maladie cérébrovasculaire. La comparaison intergroupe a par contre révélé une association entre le nombre de commotions cérébrales et le risque d’AVC : ainsi, dans le groupe 10+ versus dans le groupe 0, l’OR ajusté était de 5,51 (IC 95 % [1,61-28,95]). Le risque s’est également avéré majoré en cas de maladie cardiovasculaire (ORa=2,24 [IC 95 % 1,01-4,77]) et avec l’avancée en âge (ORa par année=1,07 [IC 95 % 1,02-1,11]).

Il faudra certainement davantage pour conclure à un risque d’AVC majoré chez les footballeurs professionnels, puisque l’étude est transversale. Certes, le nombre de commotions cérébrales est associé à une prévalence plus élevée d’AVC, notamment quand celui-ci est supérieur à dix : le rapport de prévalence atteint alors 5,5, mais la largeur de l’intervalle de confiance à 95 % incite à une interprétation nuancée de ce chiffre. D’autres études s’imposent pour valider ou non l’hypothèse et, en attendant, l’usage du casque protecteur chez les footballeurs n’est pas recommandé.

Dr Giovanni Alzato

Référence
Brett LB et coll. : Cumulative Concussion and Odds of Stroke in Former National Football League Players. Stroke 2022 ; 53(1):e5-e8. doi: 10.1161/STROKEAHA.121.035607.

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Vos réactions (1)

  • Football américain et non soccer

    Le 28 janvier 2022

    Attention l'illustration associée à cet article prête à confusion sur le sport impliqué.
    Cette étude concerne le football américain (National Football Ligue) et non le Football ou "soccer" aux USA (Major Ligue Soccer)?
    Le lecteur français pourrait à tord conclure que cette étude peut s'appliquer au "Footballeurs" (sport majoritaire en France) bien qu'il existe également un risque accru de commotions cérébrales chez ces sportifs. Au delà des différences entre ces pratiques sportive (le football américain est plus proche du Rugby en termes de sévérité des contacts), il existe également des différences entre les morphologies des pratiquants de ces 2 sports (IMC très élevés à certains poste pour les footballeurs américains) et par vraisemblable relation de causalité, du risque de mortalité prématurée par maladie cardiovasculaire chez les footballeurs américains.

    Par ailleurs dans cette étude il aurait été intéressant de vérifier si la relation statistique entre nombre de commotion cérébrale et AVC était toujours vérifiée en prenant en compte le poste occupé sur le terrain (par ex runner ou blocker) ou le risque de commotion est différent.

    Dr Michel-François Guiot

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