Quatrième dose : est-il est urgent d’attendre ?

Paris, le jeudi 27 janvier 2022 – Cette épidémie nous rappelle quotidiennement l’insoutenable volatilité des déclarations politiques. Le 6 janvier, invité de BFMTV/RMC, le Premier ministre Jean Castex affirmait « Nous irons vers la quatrième dose », tout en indiquant attendre le feu vert des autorités scientifiques. Une semaine plus tard, la ministre chargée de l’Autonomie, Brigitte Bourguignon se projetait encore davantage : « Il n’y a pas de blocage chez nous, nous avons les doses nécessaires et on pourrait commencer à partir du mois de mars ».

Des données peu probantes

Pourtant, ce mercredi, le Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale (COSV) a publié l’avis qu’il avait adopté le 19 janvier qui « considère que les données disponibles n’appellent pas actuellement à la mise en place d’un second rappel vaccinal (…). A l’exception des personnes sévèrement immunodéprimées, pour qui le COSV a d’ores et déjà recommandé l’injection systématique d’une seconde dose de rappel vaccinal, une seconde dose de rappel vaccinal n’apporterait en effet pas de bénéfice individuel significatif ».

Un premier rappel déjà plutôt efficace

Pour aboutir à cette conclusion, les experts se reposent en premier lieu sur différentes données « en vie réelle » qui signalent l’efficacité d’une unique dose de rappel face à Omicron en ce qui concerne l’infection et plus encore le risque de forme grave. « Des études en vie réelle ont démontré une relative efficacité du rappel vaccinal face au variant Omicron en ce qui concerne l’infection, bien que cette protection soit inférieure à celle conférée contre le variant Delta. (…) Au Royaume-Uni, une dose de rappel administrée au moins 140 jours après la primovaccination serait efficace à 75 % contre les formes symptomatiques du covid-19, une semaine après l’injection.(…) Une étude britannique suggère également que le rappel permet de maintenir une bonne protection contre les formes sévères: trois doses de vaccination réduit le risque d’hospitalisation de 68 % en comparaison aux non-vaccinés, et offre une protection de 88 % [78 %-93 %] contre l’hospitalisation due à Omicron. En France, les données d’hospitalisation, d’admission en soins critiques et de décès de la DREES suggèrent également que le rappel protégerait efficacement contre les formes sévères, bien que la protection soit inférieure contre le variant Omicron par rapport à celle contre le variant delta » énumère le Conseil d’orientation.

Un vaccin inadapté et discrédité ?  

Les membres de l’instance signalent encore la moindre dangerosité d’Omicron et les incertitudes quant à la pertinence d’une nouvelle dose réalisée avec le vaccin disponible actuellement face au variant aujourd’hui majoritaire (même s’il est certain que ce boost supplémentaire contribue à une augmentation des anticorps).

Évoquant les observations conduites en Israël, le Conseil d’orientation note : « l’hôpital Sheba a constaté que de nombreuses personnes infectées par Omicron ont reçu la quatrième dose. Cela laisse penser que si « le vaccin fonctionne et offre une protection contre les complications graves », il ne serait toutefois « pas assez bon » en ce qui concerne la protection contre l’infection par le variant Omicron, a indiqué le Pr Regev-Yochay, coauteure de l’étude ». D’une manière générale, à propos d’Israël qui a initié une campagne de rappel vaccinal à l’intention de tous les sujets de plus de 60 ans, le Pr Alain Fisher et ses confrères citent Zvika Granot, immunologiste à l'Université hébraïque de Jérusalem qui critique sévèrement « l'initiative de commencer une campagne de quatrième dose n'est basée sur aucun essai clinique. Il n'y a aucune garantie que cela soit sans danger ». Enfin, les membres du conseil mettent en avant un argument psychologique en observant : « que la mise en place d’un second rappel pourrait générer un effet contre-productif quant à la poursuite de la campagne vaccinale en cours. En effet, une telle mesure pourrait être interprétée comme un signal d’inefficacité de la vaccination par l’opinion et ainsi induire un risque de désengagement à l’égard d’une vaccination perçue comme trop fréquente ».

Des nouveaux vaccins obsolètes avant même d’être autorisés ?

Néanmoins, la perspective d’un second rappel est loin d’être totalement écartée. Le COSV invite en effet les pouvoirs publics à surveiller attentivement l’évolution de la situation dans les hôpitaux, afin de déceler des signaux qui pourraient suggérer une perte d’efficacité du premier rappel vaccinal face à Omicron. Il note en effet : « On observe sur la dernière semaine de décembre une légère augmentation des hospitalisations en ce qui concerne les personnes âgées de 80 ans ou plus. Il convient de surveiller si cette tendance se poursuit au cours des prochaines semaines ». Par ailleurs, l’arrivée de nouveaux vaccins ciblant Omicron pourrait changer la donne. Pfizer-BioNTech et Moderna viennent d’ailleurs de débuter des essais dans ce sens et tablent sur une mise à disposition de produits adaptés en mars. Il pourrait cependant être déjà un peu tard si comme le prédisent certains experts la moitié de l’humanité devait à cette date avoir été infectée par Omicron.

Cependant, le sujet pourrait être de nouveau évoqué à l’automne. A cet égard, le Conseil scientifique observait récemment « La question du calendrier se pose. Une stratégie de rappel différé, potentiellement à l’automne prochain, doit être étudiée, en fonction de l’actualisation des données et de la cinétique épidémique au printemps ». Reste à savoir si à la rentrée de septembre, un vaccin adapté à Omicron sera toujours pertinent. Sur ce point, le Pr Antoine Flahault remarquait sur France 24 récemment : « La composition du vaccin contre la grippe est décidée chaque année lors d’une réunion de l’OMS - en février pour l’hémisphère Nord, en septembre pour l’hémisphère Sud - puis recommandée pour tous les fabricants de vaccins de la planète. Peut-être qu’un jour l’organisation onusienne recommandera la composition d’un vaccin contre un coronavirus, mais on n’en est pas encore là ».

Des autorités en eaux troubles

Si face aux déclarations très affirmatives de la plupart des membres du gouvernement, la position du COSV peut sembler surprenante, plusieurs scientifiques avaient déjà fait part de leur doute sur l’efficacité et/ou la pertinence d’une quatrième dose, tels Antoine Flahault ou le Pr Elisabeth Bouvet, de la Haute autorité de Santé (HAS).

Bien sûr, il n’est pas impossible que, comme il a déjà eu l’occasion de le faire avec la HAS ou le Comité consultatif national d’éthique, le gouvernement passe outre.

En tout état de cause, la France est loin d’être le seul pays où la question de cette quatrième dose suscite des tergiversations et des décalages entre autorités politiques et scientifiques. En Israël, cette phase d’incertitudes qui dure depuis la mi-décembre persiste. Ainsi, si hier le conseil supérieur médical du ministère de la santé a préconisé l’administration d’une quatrième dose à l’ensemble des adultes, pour l’heure le directeur du ministère de la Santé Nachaman Ash n’a élargi l’indication actuelle (qui concerne les soignants et les plus de 60 ans) qu’aux personnes à risque. Aujourd’hui, sur les 9,4 millions d’habitants, 614 953 ont reçu un second rappel. 

Aurélie Haroche

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