
Des données peu probantes
Pourtant, ce mercredi, le Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale (COSV) a publié l’avis qu’il avait adopté le 19 janvier qui « considère que les données disponibles n’appellent pas actuellement à la mise en place d’un second rappel vaccinal (…). A l’exception des personnes sévèrement immunodéprimées, pour qui le COSV a d’ores et déjà recommandé l’injection systématique d’une seconde dose de rappel vaccinal, une seconde dose de rappel vaccinal n’apporterait en effet pas de bénéfice individuel significatif ».Un premier rappel déjà plutôt efficace
Pour aboutir à cette conclusion, les experts se reposent en premier lieu sur différentes données « en vie réelle » qui signalent l’efficacité d’une unique dose de rappel face à Omicron en ce qui concerne l’infection et plus encore le risque de forme grave. « Des études en vie réelle ont démontré une relative efficacité du rappel vaccinal face au variant Omicron en ce qui concerne l’infection, bien que cette protection soit inférieure à celle conférée contre le variant Delta. (…) Au Royaume-Uni, une dose de rappel administrée au moins 140 jours après la primovaccination serait efficace à 75 % contre les formes symptomatiques du covid-19, une semaine après l’injection.(…) Une étude britannique suggère également que le rappel permet de maintenir une bonne protection contre les formes sévères: trois doses de vaccination réduit le risque d’hospitalisation de 68 % en comparaison aux non-vaccinés, et offre une protection de 88 % [78 %-93 %] contre l’hospitalisation due à Omicron. En France, les données d’hospitalisation, d’admission en soins critiques et de décès de la DREES suggèrent également que le rappel protégerait efficacement contre les formes sévères, bien que la protection soit inférieure contre le variant Omicron par rapport à celle contre le variant delta » énumère le Conseil d’orientation.Un vaccin inadapté et discrédité ?
Les membres de l’instance signalent encore la moindre
dangerosité d’Omicron et les incertitudes quant à la pertinence
d’une nouvelle dose réalisée avec le vaccin disponible actuellement
face au variant aujourd’hui majoritaire (même s’il est certain que
ce boost supplémentaire contribue à une augmentation des
anticorps).
Évoquant les observations conduites en Israël, le Conseil
d’orientation note : « l’hôpital Sheba a constaté que de
nombreuses personnes infectées par Omicron ont reçu la quatrième
dose. Cela laisse penser que si « le vaccin fonctionne et offre une
protection contre les complications graves », il ne serait
toutefois « pas assez bon » en ce qui concerne la protection contre
l’infection par le variant Omicron, a indiqué le Pr Regev-Yochay,
coauteure de l’étude ». D’une manière générale, à propos
d’Israël qui a initié une campagne de rappel vaccinal à l’intention
de tous les sujets de plus de 60 ans, le Pr Alain Fisher et ses
confrères citent Zvika Granot, immunologiste à l'Université
hébraïque de Jérusalem qui critique sévèrement « l'initiative de
commencer une campagne de quatrième dose n'est basée sur aucun
essai clinique. Il n'y a aucune garantie que cela soit sans
danger ». Enfin, les membres du conseil mettent en avant un
argument psychologique en observant : « que la mise en place
d’un second rappel pourrait générer un effet contre-productif quant
à la poursuite de la campagne vaccinale en cours. En effet, une
telle mesure pourrait être interprétée comme un signal
d’inefficacité de la vaccination par l’opinion et ainsi induire un
risque de désengagement à l’égard d’une vaccination perçue comme
trop fréquente ».
Des nouveaux vaccins obsolètes avant même d’être autorisés ?
Néanmoins, la perspective d’un second rappel est loin d’être
totalement écartée. Le COSV invite en effet les pouvoirs publics à
surveiller attentivement l’évolution de la situation dans les
hôpitaux, afin de déceler des signaux qui pourraient suggérer une
perte d’efficacité du premier rappel vaccinal face à Omicron. Il
note en effet : « On observe sur la dernière semaine de décembre
une légère augmentation des hospitalisations en ce qui concerne les
personnes âgées de 80 ans ou plus. Il convient de surveiller si
cette tendance se poursuit au cours des prochaines semaines ».
Par ailleurs, l’arrivée de nouveaux vaccins ciblant Omicron
pourrait changer la donne. Pfizer-BioNTech et Moderna viennent
d’ailleurs de débuter des essais dans ce sens et tablent sur une
mise à disposition de produits adaptés en mars. Il pourrait
cependant être déjà un peu tard si comme le prédisent certains
experts la moitié de l’humanité devait à cette date avoir été
infectée par Omicron.
Des autorités en eaux troubles
Si face aux déclarations très affirmatives de la plupart des
membres du gouvernement, la position du COSV peut sembler
surprenante, plusieurs scientifiques avaient déjà fait part de leur
doute sur l’efficacité et/ou la pertinence d’une quatrième dose,
tels Antoine Flahault ou le Pr Elisabeth Bouvet, de la Haute
autorité de Santé (HAS).
Bien sûr, il n’est pas impossible que, comme il a déjà eu
l’occasion de le faire avec la HAS ou le Comité consultatif
national d’éthique, le gouvernement passe outre.
En tout état de cause, la France est loin d’être le seul pays
où la question de cette quatrième dose suscite des tergiversations
et des décalages entre autorités politiques et scientifiques. En
Israël, cette phase d’incertitudes qui dure depuis la mi-décembre
persiste. Ainsi, si hier le conseil supérieur médical du ministère
de la santé a préconisé l’administration d’une quatrième dose à
l’ensemble des adultes, pour l’heure le directeur du ministère de
la Santé Nachaman Ash n’a élargi l’indication actuelle (qui
concerne les soignants et les plus de 60 ans) qu’aux personnes à
risque. Aujourd’hui, sur les 9,4 millions d’habitants, 614 953 ont
reçu un second rappel.
Aurélie Haroche