Les Fossoyeurs s’invitent dans la campagne

Paris, le jeudi 27 janvier 2022 – Le livre du journaliste Victor Castanet sur les Ehpad a remis au centre du débat politique la question de la dépendance et de la prise en charge des personnes âgées.

72 heures après la parution dans le journal Le Monde des bonnes feuilles du livre Les Fossoyeurs, les révélations issues de cette enquête continuent de faire grand bruit. Dans cet ouvrage, le journaliste d’investigation Victor Castanet montre comment, selon lui, le groupe Orpea, leader mondial des maisons de retraite, ferait passer la recherche du profit avant l’intérêt des pensionnaires, conduisant à un traitement indigne des résidents des 220 Ehpad détenus par lui en France. Des accusations démenties avec virulence par la direction d’Orpea, mais qui ont provoqué l’effondrement de sa cotation : -16 % ce lundi en bourse et -20 % ce mardi, pendant que son rival Korian, numéro 1 du secteur en France, perdait 14 % lundi et 4,8 % mardi.

Valérie Pécresse veut « radicalement changer le modèle des Ehpad »

Le livre, parue ce mercredi, s’invite désormais dans le débat politique et la question de la dépendance et du sort réservé aux personnes âgées pourrait devenir un enjeu de la campagne présidentielle. Se disant « bouleversée » par les révélations de l’ouvrage, la candidate Les Républicains (LR) à l’élection présidentielle Valérie Pécresse a fait part ce mercredi de sa volonté de « radicalement changer le modèle des Ehpad ». Elle propose la mise en place d’un référentiel précis, que chaque établissement public ou privé devra respecter et qui détaillera chaque élément de la vie en Ehpad (alimentation, temps consacré aux résidents, taille des chambres…). « Les Ehpad qui ne respecteront pas ces indicateurs seront fermés et les exploitants poursuivis » a indiqué la candidate qui veut « donner la priorité au maintien à domicile » via des crédits d’impôt. Elle n’a fait aucun commentaire en revanche sur les accusations portées par le livre contre son ancien rival au congrès LR Xavier Bertand et ses liens supposés avec la direction d’Orpea.

Le gouvernement s’est également emparé de la question. Ce mercredi, le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal a qualifié d’ « absolument révoltantes » les révélations contenues dans le livre de Victor Castanet. Le ministre de la Santé Olivier Véran a indiqué qu’une enquête allait être diligentée tandis que la ministre de l’Autonomie Brigitte Bourguignon a convoqué le directeur général d’Orpea. A gauche, certains députés demandent à ce que les parlementaires soient autorisés à visiter à l’improviste les Ehpad, comme c’est déjà le cas pour les lieux de privation de libertés.

Le secteur privé, plus cher mais indispensable

Interrogée ce mercredi par France info sur la question, la Défenseure des droits Claire Hédon a notamment souligné le manque de personnel dans ces établissements. « Vous ne pourrez pas avoir des personnels bien traitant s’ils ne sont pas suffisamment nombreux » explique l’ancienne journaliste, qui demande qu’un ratio minimal de 8 soignants pour 10 pensionnaires soit imposé aux maisons de retraite. « En Allemagne, c’est 10 pour 10, donc quand on demande 8, ce n’est pas le bout du monde ».

En France, le secteur privé représente 20 % des 590 000 places disponibles en Ehpad. Les tarifs y sont supérieurs au secteur public (2 728 euros par mois en moyenne contre 1 868 euros dans le public) malgré un taux d’encadrement plus faible : 0,57 employé par résident, contre 0,69 dans le public. Mais pour Luc Broussy, directeur du Mensuel des maisons de retraite, cette critique à tout va du secteur privé est injuste. « Sans ces entreprises, il y aurait un déficit de 130 000 lits » explique-t-il, tout en rappelant que les établissements à but lucratif ont permis une montée en gamme des Ehpad.

Le secteur privé sera sans doute indispensable pour faire face au défi démographique du vieillissement de la population : selon l’Insee, la France comptera 1,2 millions de personnes âgées dépendantes en 2040.

Quentin Haroche

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Vos réactions (1)

  • Les belles promesses électorales …

    Le 28 janvier 2022

    « Qu’un ratio minimal de 8 soignants pour 10 pensionnaires soit imposé aux maisons de retraite. »
    J’ai bien lu 8 soignants pour 10 pensionnaires ?c’est quasi un pour un, il y a une erreur je crois ?
    Actuellement dans le secteur handicap lourd nous peinons à maintenir 1/4 alors que l’ARS nous impose 1/5 voire 1/6 bientôt !

    Alors que le Ségur et sa mission LAFORCADE a permis à ces soignants d’avoir cette maigre prime, les personnels éducatifs dans ces mêmes établissements en sont privés. Au vu des difficultés de recrutement actuelles (lié aux conditions de travail et salaire de misère)je ne sais pas comment le gouvernement pourrait imposer un tel ratio !

    Anna Cannavacciulo (IDE)

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