Ehpad : la Cour des Comptes pointe du doigt des « fragilités structurelles »

Paris, le mercredi 16 janvier 2022 – Dans son rapport annuel, la Cour des Comptes salue les efforts consentis durant la crise sanitaire pour aider les Ehpad, mais dénonce des problèmes systémiques.

Les magistrats de la Cour des Comptes ont-ils été influencés par le scandale des Ehpad, qui touche le secteur privé des maisons de retraite, au moment de rédiger leur rapport ? Difficile à dire mais force est de constater que les Ehpad occupent une place importante dans le rapport annuel de la Cour, publié ce mercredi. Essentiellement consacré, comme l’an dernier, à la gestion financière de la crise sanitaire, le rapport de l’institution présidée par Pierre Moscovici consacre tous ses premiers développements à la situation des établissements pour personnes âgés.

Une aide « exceptionnelle » de 2,2 milliards d’euros

Si la Cour des Comptes est comme généralement en faveur d’une certaine rigueur budgétaire et critique, à travers tout son rapport, les excès du « quoi qu’il en coute », elle salue en revanche « l’effort financier pérenne considérable » consenti au profit des Ehpad depuis le début de la pandémie. Les magistrats chiffrent les aides ponctuelles à destination des Ehpad (compensation des pertes de recettes, couverture des dépenses occasionnés par la pandémie et « prime Covid ») à 1,7 milliards d’euros en 2020.

En parallèle, des dépenses de plus long terme ont été consenties. Ainsi, dès avant la crise, le salaire des aides-soignants d’Ehpad publics a été augmenté de 100 euros par mois (coût total : 134 millions d’euros en 2020). De plus, dans le cadre du Ségur de la santé, le salaire de tous les personnels des Ehpad, médicaux comme non-médiaux, a été augmenté, de 183 euros dans les établissements publics et privé à but non lucratif et de 163 euros dans les Ehpad privés à but lucratif. Une aide « exceptionnelle » chiffrée à 2,2 milliards d’euros. Au total, le budget de l’Etat alloué à la prise en charge des personnes âgées a augmenté de 34 % en quatre ans.

Un manque de médecins et de personnel important

Mais les magistrats estiment que « ces mesures, pour nécessaires qu’elles fussent, ne sauraient suffire à remédier aux faiblesses structurelles des Ehpad ». Le rapport établit alors la longue liste des problèmes systémiques que rencontrent les établissements pour personnes âgés. Ainsi, un tiers des Ehpad ne disposait pas d’un médecin coordonnateur à temps plein en 2015, tandis que le nombre de consultations des résidents par des médecins généralistes est en baisse continue depuis plusieurs années. « La pénurie de médecins traitants se rendant en Ehpad est un phénomène très largement répandu » peut-on lire dans le rapport.

La Cour des Comptes souligne de manière plus globale les « difficultés plus ou moins aigues en matière de ressources humaines » auxquels sont confrontées les Ehpad. Face aux difficultés de recrutement, de nombreux établissements font ainsi appel à des salariés « faisant fonction d’aides-soignants » bien qu’ils n’aient pas la qualification adéquate. Sur ce point, la Cour regrette, comme d’autres observateurs, que le Ségur de la santé ne se soit concentré que sur la question des salaires, là où, selon les magistrats, des efforts doivent être faits sur la formation et l’évolution des carrières.
De manière générale, la Cour dénonce la stratégie à court terme de l’Etat, alors que ces problèmes structurels sont connus et dénoncés depuis plusieurs années. La crise « aurait pu être l’occasion pour l’Etat d’engager des réformes structurelles trop longtemps différée, tel n’a pas été le cas » écrivent les magistrats.

Le rapport ne manquera sans doute pas de faire réagir la commission des affaires sociales de l’Assemblée Nationale qui a entamé, depuis le 2 février dernier, une série d’auditions consacré aux Ehpad. Ce mardi, la présidente de la commission a chargé un groupe de députés de réaliser quatre enquêtes flash de deux semaines sur la gestion humaine et financière des Ehpad.

Nicolas Barbet

Copyright © http://www.jim.fr

Réagir

Vos réactions (1)

  • J'eusse aimé voir des solutions

    Le 16 février 2022

    Ce rapport est l'occasion de parler des EHPAD : tant mieux !
    Mais les problèmes sont connus: manque de personnels (médecins et paramédicaux) et comme dans beaucoup de structures de santé manque de motivation, et en effet le Ségur de la santé n'a fait qu'effleurer un seul problème.

    La Cour a-t-elle fait le bilan global ? Après tout, comment cela se passait il AVANT les EHPAD ?
    La solution de garder les vieux chez soi comme les italiens est tentante, mais est elle vraiment sérieuse ?
    Et que dit elle du financement : l'état qui paye les personnels, la sécurité sociale qui paye des soins, et le département qui paye le reste ...en fonction du GIR !en sachant qu'au delà du forfait GIR il n'y a plus de subventions, et que donc certains départements investissent et d'autres non.
    Au moins je suis d'accord pour le constat du problème (qui ne le serait pas ?), mais j'eusse aimé voir des solutions de ces grands penseurs.

    Dr F Chassaing

Réagir à cet article