
Paris, le jeudi 17 mars 2022 – A compter de ce mercredi, les
hommes homosexuels peuvent donner leur sang sans aucune condition
d’abstinence sexuelle particulière.
Rodolphe a tenu à prendre rendez-vous spécialement ce mercredi
pour donner son sang. Il y a 20 ans, cet homosexuel niçois s’était
vu refuser le don en raison de son orientation sexuelle. Alors que
l’arrêté du 13 janvier 2022 qui met fin à toute règle spéciale
s’appliquant aux hommes homosexuels souhaitant donner leur sang
entre en vigueur ce mercredi, Rodolphe a voulu faire un geste
symbolique. « C’était important pour moi de venir aujourd’hui,
au premier jour de la possibilité de donner mon sang aux mêmes
critères que les autres » explique-t-il.
Les hommes ayant des rapports sexuels avec les hommes (HSH) se
sont vus exclus du don du sang en 1983, au début de l’épidémie de
ce qu’on n’appelait encore de façon stigmatisante le « cancer
gay ». A partir de 2016, le don du sang leur a de nouveau été
ouvert, à condition d’avoir respecté une période d’abstinence
sexuelle de 1 an, ramené à 4 mois en 2019. Désormais, les
formulaires donnés aux personnes souhaitant donner leur sang ne
comportent plus aucune question sur l’orientation sexuelle, mais
seulement sur les pratiques sexuelles. En revanche, les personnes
qui ont suivi un traitement pré ou post exposition au VIH (PrEP ou
PEP) dans les quatre derniers mois ne peuvent donner leur sang. En
effet, ces médicaments peuvent fausser le dépistage du VIH, sans
compter que les sujets qui prennent cette prophylaxie ont
généralement des pratiques sexuelles à risque élevé.
Une avancée ou un danger ?
Lorsque le ministère de la Santé a annoncé le 11 janvier
dernier vouloir prendre cet arrêté alignant les règles applicables
aux homosexuels et hétérosexuels, les militants LGBT mais également
les responsables politiques étaient unanimes pour saluer « une
évolution sociétale majeure » selon le Directeur Général de la
Santé (DGS) Jérôme Salomon ou encore « la fin d’une inégalité
injustifiée » aux dires d’Olivier Véran.
C’était oublié bien vite que l’exclusion des homosexuels
masculins n’avait rien d’homophobe (les lesbiennes n’ont d’ailleurs
jamais été concernées par cette exclusion) mais reposait sur des
données objectives de santé publique. En effet, encore aujourd’hui,
les HSH sont bien plus à risque d’être contaminé par le VIH que le
reste de la population. Selon les dernières études menées sur le
sujet, 14 % des HSH fréquentant des « lieux de convivialité
homosexuel » sont séropositifs, tandis que 41,6 % des nouvelles
contaminations au VIH concernent chaque année des hommes
homosexuels. Olivier Véran lui-même affirmait en juillet dernier
qu’ouvrir le don du sang aux homosexuels sans condition était «
dangereux » car « statistiquement et non moralement, il y
a surrisque chez les HSH ».
Aux rares voix qui s’inquiètent des conséquences de l’arrêté
qui vient d’entrer en vigueur, Jérôme Salomon assure que «
l’extrême vigilance des autorités sanitaires permet une
évolution des conditions d’accès au don du sang » et que le
risque résiduel de transmission du VIH par transfusion sanguine ne
va pas augmenter. Bien qu’il ne l’évoque pas, sans doute le DGS a
également été motivé par le manque criant de sang, l’Etablissement
Français du Sang (EFS) étant dans une situation de tension
permanente.
Nicolas Barbet