
Paris, le mardi 5 avril 2022 - On estime qu’environ 12 % des Français vivent dans un désert médical. Selon les projections réalisées en exclusivité pour l'Express par Iqvia, une société experte dans les données de santé, ce chiffre pourrait atteindre 40 % en 2027 si les tendances actuelles se poursuivent et que « rien n’est fait ». C’est-à-dire que 40 % des Français vivraient dans un département connaissant une densité de médecins généralistes inférieure à 75 pour 100 000 habitants.
« En croisant les évolutions de la population avec les départs en retraite attendus de généralistes et les effectifs de jeunes en formation, et en prolongeant les tendances en matière d'installation, nous voyons clairement que les zones sous-denses dans l'est et le centre du pays devraient s'étendre. Les écarts territoriaux s'accentuent, et de nouveaux secteurs, relativement épargnés jusqu'ici, sont touchés, à commencer par les banlieues sud et ouest de Paris » observe Jean-Marc Aubert, président d'Iqvia France et ancien directeur de la Drees, auprès de l’Express.
Augmenter le numerus apertus : trop tard ?
Tous les candidats à la magistrature suprême, on le sait, y sont allés de leurs propositions en la matière, mais aucun n’a, semble-t-il, proposé de mesures susceptibles d’enrayer le mouvement rapidement (mais est-ce qu’une telle panacée existe ?...). En premier lieu, la poursuite de l'augmentation des places dans les facultés de médecine est promise par la quasi-totalité de ceux qui se soumettent aux suffrages des Français. Une mesure intéressante mais inefficace pour les cinq ans qui viennent, d’autant qu’elle ne garantit en rien que le surplus de médecins formés exerce en libéral et en zone sous-dense et que ces nouveaux entrants dans la carrière travaillent autant que leurs aînés.
Un aspect de ce type de réforme est également oublié, il est pourtant éprouvé par des données internationales comme le rapportait la DREES en décembre 2021. Des expériences, menées notamment aux États-Unis, ont ainsi conduit plusieurs pays à établir des quotas en faveur d’étudiants venus de communes défavorisées en termes d’accès aux soins. Ainsi, pour la France, aider des étudiants de la Creuse moins bien notés, à passer en deuxième année de médecine, pourrait permettre à terme d’augmenter le nombre de médecins dans ce département sinistré en termes d’accès aux soins…Mais faudrait-il encore que ces étudiants creusois puissent étudier en Creuse…
Le quinquennat du conventionnement sélectif ?
Certains candidats entendent poursuivre sur la voie des incitations financières, à l’instar de Marine Le Pen qui souhaite augmenter le tarif des consultations dans les déserts médicaux. A l’autre bout du spectre d’autres proposent d’entrer dans l’ère du conventionnement sélectif comme Yannick Jadot. Sans aller jusque-là, une mesure, semble faire florès, instaurer une quatrième année d’internat en médecine générale à effectuer dans une zone sous-dense, c’est notamment l’idée de Valérie Pécresse et Anne Hidalgo. D’autres enfin penchent pour le salariat et les maisons de santé, comme le Président de la République qui semble également favorable à des transferts de compétences.
Des maisons de santé avec des médecins salariés qui attirent (parfois) de jeunes médecins mais qui peuvent se révéler des gouffres financiers. La semaine dernière, la FMF rapportait ainsi, à propos d’une maison de santé de Saône et Loire : « le budget de Saône et Loire comprend évidemment une annexe pour son centre de santé. Qui met en exergue des revenus de 3 200 000 € pour des dépenses de 8 800 000 € dont 8 000 000 € pour les seuls frais de personnels ! Soit une nécessité de 5 500 000 € de subventions pour équilibrer le budget ».
Quoi qu’il en soit le dossier sera en haut de la pile du prochain ministre de la santé…
F.H.