Le droit à l’avortement remis en question aux Etats-Unis

Washington, le mardi 3 mai 2022 – La Cour Suprême des Etats-Unis pourrait prochainement changer sa jurisprudence et autoriser les États à limiter voire à interdire l’avortement.

C’est une situation sans précédent dans l’histoire constitutionnelle américaine. Pour la première fois, une décision de la Cour Suprême, la plus haute juridiction du pays, a fuité dans la presse avant sa publication. Le site d’information Politico a ainsi publié ce lundi le premier jet d’une décision de la Cour attendu pour fin juin et qui pourrait avoir des conséquences majeures, puisqu’elle mettrait fin à la protection constitutionnelle du droit à l’avortement. Cette décision reviendrait en effet sur la célèbre jurisprudence Roe v. Wade de 1973 qui avait fait de l’IVG un droit constitutionnel.

« L’arrêt Roe était fondamentalement faux depuis le début » écrit le juge conservateur Samuel Alito, auteur de cette première version de la décision, qui aurait été validée par une majorité de ses huit collègues. « Il est temps de tenir compte de la Constitution et de laisser la question de l’avortement aux représentants des Etats » ajoute le magistrat. Si la décision de la Cour Suprême était confirmée, les Etats-Unis reviendraient à la situation d’avant 1973, où chaque Etat était libre d’autoriser l’avortement ou non.

La Cour Suprême aux mains des conservateurs

Les activistes pro-avortement estiment qu’environ la moitié des États pourrait en profiter pour restreindre voir totalement interdire l’avortement. Treize États conservateurs ont déjà voté des lois limitant l’avortement qui entreraient en vigueur dès que la Cour Suprême aura rendu sa décision. Actuellement, la jurisprudence de la Cour Suprême garantit le droit à l’avortement jusqu’à 24 semaines de grossesse. La loi actuellement examinée par la Cour Suprême est une loi du Mississippi autorisant l’avortement jusqu’à 15 semaines (soit plus que dans la plupart des pays d’Europe).

Le probable revirement de jurisprudence de la Cour Suprême est tout sauf une surprise et le fruit d’une politique menée par les courants évangélistes du parti républicain qui a conduit à faire nommer à la Cour Suprême des juges conservateurs. Une stratégie qui a porté ses fruits durant le mandat de Donald Trump, qui a réussi à nommer trois juges anti-avortement en trois ans, accordant aux conservateurs une solide majorité de six voix contre trois dans la vénérable institution. La Cour ainsi remodelée avait déjà donné une première indication en refusant de suspendre une loi du Texas interdisant l’avortement au-delà de six semaines (sur une question de procédure). Les « pro-choix » espéraient encore que la Cour puisse adopter une position médiane, consistant à donner plus de liberté aux États sans totalement revenir sur l’arrêt Roe, mais les juges conservateurs semblent bien décider à opérer un revirement de jurisprudence complet.

Une loi pour régler la situation ?

Signe que le sujet est particulièrement sensible aux Etats-Unis, l’article du site Politico a entrainé  de vivres réactions de la part d’une partie de la population et des élus, alors même que la décision finale n’est toujours pas tombée. Quelques centaines d’activistes favorables au droit à l’avortement ont ainsi manifesté devant le bâtiment de la Cour Suprême ce lundi à Washington. Plusieurs élus démocrates ont exprimé leur réprobation, dont la présidente de la chambre des Représentants Nancy Pelosi, qui évoque « une des pires restrictions de droits de ces cinquantaine dernières années, pas seulement pour les femmes mais pour tous les Américains ».

L’un des moyens pour éviter que des États restreignent le droit à l’avortement serait l’adoption d’une loi garantissant cette liberté au niveau fédéral. Des élus démocrates tentent depuis plusieurs années de faire adopter une telle législation au Congrès mais se heurte à la résistance de leurs collègues républicains. Si la décision de la Cour Suprême venait à être confirmée, l’avortement pourrait être un des thèmes clés des élections législatives de novembre prochain.

Quentin Haroche

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