
Comme l’a rapporté récemment le Global Tuberculosis Network, créé en 2018, la pandémie de Covid-19 est responsable du plafonnement de l’incidence mondiale de la tuberculose (TB) et de l’augmentation de sa mortalité pour la première fois depuis 10 ans. Alors que la lutte contre la Covid-19 commençait à s’intégrer aux systèmes de santé, la guerre en Ukraine jette de nouvelles menaces sur la lutte antituberculeuse en Europe.
Les chiffres suivants concernant la TB en 2020 sont publiés par l’OMS pour la Fédération de Russie et l’Ukraine :
Fédération de Russie |
Ukraine |
|
Incidence (100 000 habitants) |
46 |
73 |
Mortalité (100 000 habitants VIH négatifs) |
5 |
9,4 |
Rang mondial des cas de TB multirésistante |
2 |
5 |
Co-infection VIH-TB (%) en 2021 |
24 |
22 |
Budget alloué (millions de $) |
1 384 |
133 |
Variation du budget (%) entre 2020 et 2021 |
-12 |
-11 |
Les défis sont donc maintenant majeurs. Les données épidémiologiques vont certainement s’aggraver avec l’exode massif du peuple ukrainien : plus de 5,2 millions de déplacés ukrainiens au 22 avril 2022.
C’est le flux migratoire le plus important enregistré depuis la 2ème guerre mondiale. Un exode russe est également signalé, non évaluable pour des raisons faciles à deviner. Il a été rapporté que la guerre peut augmenter de 20 % le risque de transmission de la TB. Les pays où se réfugient les migrants ont des difficultés à mener un traitement long, adapté à l’antibiogramme, délicat à surveiller, sans parler des problèmes supplémentaires chez le sujet infecté par le VIH et l’enfant, particulièrement à risque pour lui-même et son entourage.
Comment ne pas être plus pessimiste encore pour les personnes atteintes de TB multirésistante pour lesquelles les besoins de prise en charge n’étaient déjà pas satisfaits dans cette région avant la guerre ? Les conditions de propagation maximale de la maladie, non seulement dans les pays en guerre mais dans tous les pays d’asile seront réunies : mauvaise alimentation, logement précaire, conditions d’hygiène problématiques, promiscuité, organisation des soins chaotique.
Les effets positifs de la lutte antituberculeuse en Europe observés jusqu’en 2020 s’étiolent donc, à la faveur de la pandémie de Covid-19 puis de l’offensive russe en Ukraine.
La Société Européenne de Pneumologie, présidée par
le Pr Marc Humbert (Hôpital Bicêtre, Le Kremlin-Bicêtre) a déclaré
sa solidarité avec l’Ukraine dès le 25 février 2022 et a décidé une
semaine plus tard de mettre en place des mesures de suspension de
sa coopération avec les sociétés savantes russe et
biélorusse.
Dr Bertrand Herer