
Paris, le mercredi 29 juin 2022 – Le tribunal administratif de Paris a reconnu que l’Etat avait commis une faute dans la gestion des stocks de masque et dans sa communication au tout début de la crise sanitaire.
« Les masques sont inutiles si vous n’êtes pas malade » (Olivier Véran) « il ne faut surtout pas avoir de masque pour le grand public, c’est faussement protecteur » (Pr Jérôme Salomon). Différentes déclarations de responsables politiques au tout début de l’épidémie de Covid-19 en février-mars 2020 qui ont suscité de nombreuses critiques, surtout lorsque, à peine deux mois plus tard, le port du masque a été rendu obligatoire dans les transports communs et finalement partout en intérieur.
De là était née une autre polémique, celle sur la gestion du stock de masques. Alors que la France avait constitué des stocks massifs en 2009 après l’épidémie de grippe H1N1, le pays s’était retrouvé avec seulement 100 millions de masques disponibles au début de celle de Covid-19. Pendant plusieurs semaines, médecins et infirmiers avaient dû faire avec les moyens du bord, pendant que les Français se contentaient de masques artisanaux peu efficaces.
Une communication erratique sur les masques
Toutes ces polémiques avaient rapidement été balayés par d’autres vagues épidémiques, amenant avec elles d’autres sujets d’interrogations sur les tests ou les vaccins. Mais le temps judiciaire étant beaucoup plus lent, ce n’est que ce mardi que le tribunal administratif de Paris a rendu sa première décision sur la gestion du début de l’épidémie par l’Etat. Saisi par 34 requérants, contaminés au début de l’épidémie ou proches de personnes emportées par la Covid-19, les juges ont reconnu que « l’Etat avait bien commis une faute en s’abstenant de constituer un stock suffisant de masques permettant de lutter contre une pandémie liée à un agent respiratoire hautement pathogène ».
Le tribunal a également jugé fautives « les déclarations gouvernementales indiquant au début de la crise sanitaire qu’il n’était pas utile pour la population générale de porter un masque ». Le gouvernement s’est toujours défendu d’avoir menti sur l’utilité des masques ou d’avoir fait varier son discours en fonction du nombre de masques disponibles. Pour l’exécutif, c’est le consensus scientifique qui a évolué, la preuve étant que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) avait elle-même attendue juin 2020 avant de recommander le port du masque en population générale. Un argument qui n’a pas convaincu les magistrats parisiens, qui notent que « les recommandations scientifiques disponibles faisaient état de l’utilité du port de masques dans la population générale, dans l’hypothèse de la survenue d’une épidémie causée par un agent respiratoire hautement pathogène ».
L’Etat n’a pas tardé à confiner
Si l’Etat a commis une faute dans sa gestion des stocks de masque et dans sa communication, il n’est pas pour autant jugé responsable de la contamination des plaignants. Le tribunal a en effet considéré qu’il n’était pas possible d’établir un lien direct entre les erreurs commises par l’exécutif et ces contaminations. Pour justifier leur décision, les magistrats rappellent le caractère « aléatoire » de la transmission du virus et le fait que le port du masque ne protège pas à 100 % contre la Covid-19 mais également que l’Etat a pris d’autres mesures pour limiter les contaminations.
D’autres supposés errements du gouvernement dans la gestion du début de la crise avaient été soulevés par les requérants, comme la gestion du stock de gel hydroalcoolique, les débuts difficiles du dépistage ou le caractère supposément tardif du premier confinement. Sur ces points, le tribunal n’a retenu aucune faute de l’Etat. Les requérants devraient probablement faire appel de cette décision.
Deux ans plus tard, les polémiques sur les masques ne sont toujours pas terminées, la question étant désormais de savoir s’il faut rétablir l’obligation d’en porter un dans les transports en commun alors que le nombre de contaminations quotidienne est en augmentation. Le gouvernement préfère pour le moment à s’en tenir à des recommandations, mais comme le tribunal administratif de Paris nous l’a rappelé ce mardi, les positions du gouvernement sont parfois très fluctuantes.
Quentin Haroche