
Un lent rapprochement avec le Président de la République
Le retour du tiers-payant ?
F.H.
F.H.
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Je fais partie d’une génération qui n’a pas connu le «repos compensateur » des lendemains de gardes. Je faisais donc ma journée de douze heures, puis ma nuit de douze heures (avec de petits temps de repos rarement plus de trois heures non consécutives), puis ma journée de douze heures. Deux fois par semaine. Puis le service. Ça m’a valu quelques histoires cocasses. J’ai mis le linge sale au vide ordures, les croquettes du chat dans le lave vaisselle, j’ai fait du café sans eau sans filtre sans café sans allumer la cafetière etc tous les gens de ma génération connaissent ça.
Mais surtout j’ai perdu deux collègues en sortie de garde (plantés sur la route), et aucun de mes enfants n’a souhaité faire médecine. Ils se sont sentis « sacrifiés ». J’ai divorcé deux fois.
Ça valait le coup ?
J’adore mon métier. J’adore soigner. Je pars encore au travail heureuse, et à 62 ans, je fais 50 heures par semaine (une bagatelle). Mais je suis très inquiète pour ma retraite. Je ne peux pas entretenir ma maison, et surtout impossible de m’arrêter tant que le dernier fait des études supérieures (dans le public). Aucune aide.
Franchement je comprends que les jeunes soient méfiants. Ils préfèrent assurer un minimum de qualité de vie à leur famille et ils savent bien qu’en fait ils n’ont aucune garantie de retour sur leurs efforts. Ils nous voient !
Baissez drastiquement les charges et les impôts en libéral, laisser les jeunes choisir le secteur 2 s’ils le veulent, et vous aurez une médecine libérale attractive partout ! Ils sont prêts à travailler, mais pas pour des prunes comme nous !
Dr Sophie Tourtet
Chef de service de psychiatrie retraité, moi non plus, je n'ai pas connu les récupérations après gardes sur place et les cinquante heures, je les faisais largement.
Les dernières années ont été folles.
Ordonnances informatisées avec une informatique déficiente imposée par la direction sans qu'on puisse la tester. Un malade pouvait avoir jusque trois fichiers de traitement différents. Les ordonnances disparaissaient quand on autorisait une permission. Du temps perdu à attendre le démarrage de l'ordinateur.
Multiplication des certificats d'internement. Codification chronophage des actes.
Malaise dans la société, de plus en plus de demandes avec de moins en moins de personnel et de lits ponctionnés par les services de médecine.
Multiplication des hospitalisations d'adolescents sans structure adaptée.
Des dispensaires démentiels : jusque 18 consultations dans l'après-midi pour tenter d'éviter les rechutes.
Des postes de PH non pourvus; pas de réponse des ministères ou des réponses folles des instances : "vous avez des postes non pourvus, nous allons vous créer un poste en plus" et à l'époque, toujours pas de remise en cause du numerus clausus malgré nos multiples alertes.
Des recommandations pour prendre en charge en priorité : les victimes d'agression, les auteurs d'agression, les handicapés, les enfants, les autistes, les vieux, les femmes battues et que sais-je encore...Recommandations dictées par des lobbies à une administration incapable de tenir compte du réel et pratiquant la politique du parapluie.
J'avais envie de tout plaquer mais trois enfants en études (surtout pas de médecine)...
J'ai fait deux cancers et j'ai arrêté il y a treize ans. Depuis, ça va.
Mes collègues qui sont encore en activité me disent que la situation ne cesse d'empirer.
Dr Joël Delannoy
L'arrivée de ce nouveau ministre coïncide avec des annonces radiophoniques étonnantes depuis le 14 juillet "si vous allez mal, n'allez pas aux urgences, faites le 15 : téléphonez au SAMU". Et on annonce avenue de Ségur des contraintes financières telles que le tiers payant obligatoire aux médecins de ville.
Je crois que la ligne 15 va souvent sonner "occupé" et avec ce projet (si c'est un projet et non pas une rumeur), le résultat ne va pas être glorieux. Beaucoup de médecins de ville vont baisser les bras. On en reparle dans un an.
Dr Isabelle Herry