
Les patients présentant une hémopathie maligne ont des taux de
séroconversion faibles après Covid-19 et vaccination. Afin de
déterminer si une 3° vaccination mARN-1273 est associée à une
montée de la concentration en anticorps neutralisants chez des
patients souffrant d’hémopathie maligne avec une immunodépression,
S. Haggenburg et collaborateurs ont comparé les taux obtenus
à ceux atteints chez des sujets sains, après 2 doses de
vaccin.
Les réponses humorales contre la glycoprotéine de pointe (S1)
et la nucléoprotéine (N) du SARS-CoV-2 ont été quantifiées avant et
au 28° jour suivant la vaccination. La séroconversion était définie
par une concentration en IgG-S1 supérieure à 10 unités d’anticorps
liants (BAU)/mL et une réponse satisfaisante par des IgG-S1
dépassant 300 BAU/mL.
Le travail porte sur 723 participants ; 584 d’entre eux ont
reçu une 3° dose de vaccin mARN-1273, 5 mois après avoir complété
le schéma standard de 2 injections. La majorité des patients
restants n’ont pas été revaccinés car suffisamment protégés après 2
injections, leur concentration médiane en IgG-S1 étant alors
mesurée à 2 323 BAU/mL ; 46 (7,9 %) ne l’ont pas non plus été car
infectés, entre temps, par la Covid-19.
Cinq mois après la 2e dose de vaccin, la concentration en
IgG-S1 chez les patients évaluables avait nettement chuté, avec une
médiane vers 300 BAU/mL. Seuls 195 (33,9 %) avaient des taux
supérieurs à 300 BAU/mL. Une troisième injection mARN-1273 a été
associée à une augmentation notable de la concentration en
anticorps, le taux de séroconversion passant de 68,9 % à 78,8 %.
Leur concentration médiane, après la 3° dose de vaccin, n’a pas été
plus faible que celle acquise après 2 injections chez des sujets
sains, respectivement 2 171,3 vs 1 566,5 BAU/mL (p =
0,46).
Cette ascension des anticorps protégeait, non seulement contre
la souche sauvage du SARS-CoV-2 mais aussi contre les variants
Delta et Omicron.
Réponse satisfaisante sauf en cas de lymphome non hodgkinien à cellules B
Une réponse satisfaisante a été observée dans toutes les
situations, en dehors des lymphomes B non hodgkiniens avec
déplétion lymphocytaire liée à un traitement par anti-CD 20 ou
ciblant le récepteur chimérique de l’antigène T cellulaire et des
leucémies lymphoïdes chroniques traitées par ibrutinib. De fait, la
grande majorité des malades (95/112, soit 84,8 %) qui n’avaient pas
eu de séroconversion après la 3e dose de vaccin, avec des IGg-S1
restant inférieures à 10 BAU/mL, présentaient une déplétion en
cellules B lymphocytaires.
La même non réponse était observée dans 6 des 7 cas de greffe
allogénique. A contrario, la plus forte hausse des IgG-S1 a été
observée chez des patients qui avaient retrouvé un système
immunitaire efficient. Il faut cependant noter qu’une amélioration
conséquente a été aussi acquise chez des patients encore en
immunodépression, tels ceux atteints de leucémie myéloïde aiguë ou
de syndrome myélodysplasique sous traitement hypométhylant, traités
par ruxalitinib ou, enfin, des malades présentant un syndrome
greffon contre l’hôte, sous immunosuppresseurs.
Vingt-sept patients ont fait l’objet d’une analyse séparée car
ayant reçu une thérapeutique ciblée entre la 2° et la 3° injection
de vaccin. Parmi eux, des malades porteurs d’un myélome multiple,
traités par auto greffe après la 2e dose, ont eu une augmentation
significative de leur taux d’anticorps après la 3einjection. A
l’inverse, cela n’a pas été le cas chez des patients atteints de
lymphome B non hodgkinien après autogreffe de moelle ou
thérapeutique anti cellule T, ou encore chez ceux ayant reçu une
greffe allogénique.
Au total, cette étude démontre que la 3e dose de vaccin
mARN-1273 chez des patients immunodéprimés souffrant d’hémopathie
maligne pouvait permettre d’atteindre des concentrations en IgG-S1
satisfaisantes, voisines de celles obtenues chez des individus
sains, après un protocole standard de 2 injections. La réponse en
anticorps était d’autant plus nette que la récupération du système
immunitaire était plus avancée.
Elle a même été possible dans des situations où
l’immunosuppression persistait comme, par exemple, dans les
leucémies lymphoïdes non traitées, les patients sous ruxolitinib ou
sous agent hypométhylant. Après transplantation, la réponse a été
variable, fonction de la maladie sous-jacente, du type de greffe de
moelle et du traitement de rémission administré. Plusieurs réserves
sont, toutefois, à signaler.
La cohorte prospective a inclus 723 patients, avec 16 types de
cancers hématologiques variés ; 139 ont été exclus de l’analyse par
suivi insuffisant, décès en cours ou 3evaccination non effectuée.
D’autres ont été étudiés séparément car ayant reçu une
thérapeutique ciblée entre la 2e et la 3e injection. Certains,
enfin, ont contracté la Covid en cours de suivi. L’ensemble fait
que le nombre de patients évaluables a été réduit d’autant.
En conclusion, il ressort de ce travail que la vaccination
contre la Covid-19 chez des patients immunodéprimés du fait d’une
hémopathie maligne doit reposer sur un programme de 3 doses de
vaccin mARN-1273. Les patients porteurs de lymphome non hodgkinien
à cellules B et ceux traités par greffe allogénique sont de mauvais
répondeurs et doivent donc être vaccinés après la fin du traitement
pour transplantation.
Dr Pierre Margent