La Cour des Comptes très sévère sur les conventions des professionnels de santé
Paris, le mercredi 5 octobre 2022 – Dans son dernier rapport, la
Cour des Comptes étrille l’élaboration et le manque d’efficacité
des conventions professionnelles.
La Cour des Comptes est connue pour pointer du doigt des
vérités qui dérangent et a décidé cette fois ci de s’attaquer aux
conventions entre les professionnels de santé et l’Assurance
maladie. A quelques semaines de l’ouverture des négociations pour
l’élaboration de la nouvelle convention médicale, le rapport publié
ce mardi par les magistrats, qui critique tout à la fois le manque
d’encadrement financier et d’efficacité des conventions et leur
mode d’élaboration, va sans doute donner du grain à moudre à la
Cnam et provoquer l’ire des syndicats de médecins libéraux.
Un manque d’encadrement budgétaire
En premier lieu, les gardiens de la rigueur budgétaire
critiquent l’envol des dépenses de la pratique de ville. « La
croissance des dépenses de soins de ville a systématiquement excédé
les objectifs depuis 2015 » écrivent les auteurs du rapport,
ces dépenses ayant augmenté de 15 milliards d’euros durant cette
période, dont 8 milliards rien que pour les honoraires médicaux et
paramédicaux. Au-delà de l’augmentation du coût de la médecine de
ville en soit, c’est le manque d’encadrement financier des
négociations conventionnelles que critique la Cour.
« Les mesures prises dans le cadre des négociations
conventionnelles ne font pas l’objet d’un suivi spécifique de la
part des pouvoirs publics » notent les magistrats, qui
rappellent que le non-respect du budget fixé par la loi ne figure
pas parmi les motifs de refus d’approbation de la convention par le
ministre de la Santé. La Cour appelle donc à renforcer les pouvoirs
du Parlement et des ministres dans l’élaboration des conventions
professionnelles.
Plaidoyer pour la rémunération au forfait
Le rapport contient également une charge en règle contre le
paiement à l’acte, qui représente 72 % de la rémunération des
médecins généralistes en 2020. Or, pour la Cour, la rémunération à
l’acte comprend de nombreuses limites. « Les professionnels
peuvent piloter leurs revenus en définissant le contenu de leurs
prestations, la durée de leurs consultations, leurs horaires ou le
nombre d’actes réalisés, ce qui peut entrainer une dérive
inflationniste des dépenses » résument les magistrats, ce qui
ne devrait pas manquer de faire réagir les syndicats de médecins
libéraux.
La Cour appelle donc à développer la rémunération au forfait,
qui reste marginale (2,8 % de la rémunération annuelle des
généralistes entre 2015 et 2020, 0,2 % chez les spécialistes) et en
partie inefficace. Elle dénonce notamment la disposition contenue
dans l’avenant n°9 à la convention médicale de 2019 qui a prévu un
abaissement durable des seuils d’éligibilité à la ROSP
(rémunération sur objectifs de santé publique) : par conséquent, au
lieu d’être un vecteur de la prévention, elle n’est devenue qu’un
moyen d’augmenter de manière pérenne la rémunération des
libéraux.
Prenant l’exemple du cancer du côlon, la Cour note que le taux
de participation à ce dépistage a diminué en France ces dernières
années, « sans que la rémunération des médecins en soit affectée
».
La Cour dénonce le trop plein de négociations
Enfin, le rapport dénonce le mode même d’élaboration des
conventions professionnelles. L’élargissement continu de l’objet
des conventions (qui ne concernaient au départ que la nomenclature
des actes et la rémunération) n’a pas été réfléchi et n’a pas
conduit à une modification des règles de négociations. Surtout, les
magistrats critiquent le système des négociations permanentes : 54
avenants ont été conclus entre l’Assurance maladie et les syndicats
entre 2015 et 2021, ce qui ne rend que plus difficile le suivi de
l’exécution des conventions et fait perdre de l’intérêt aux
négociations.
La Cour recommande donc de revoir le système de fond en
comble, via l’élaboration d’une « stratégie pluriannuelle de
négociations » et l’élaboration d’un accord interprofessionnel
qui sera la « clé de voute de la politique conventionnelle
». « Une telle évolution implique un changement culturel
pour les organisations syndicales représentatives comme pour
l’assurance maladie » écrivent les auteurs du rapport.
Difficile de dire si ce « changement culturel »
s’opérera dès les prochaines négociations, ou si elles se mèneront
sans tenir compte des nombreuses critiques de la Cour.
Bref, pour limiter la dépense la Cour veut limiter nos revenus comme elle le ferait avec des salariés et "piloter" notre travail. Au lieu de regarder le résultat elle se préoccupe de la manière. Et elle se garde bien d'être constructive, la sécu et les médecins sont des vilains profiteurs, voilà ce que nous allons retenir de ce genre de rapport.
Dr F Chassaing
La Cour n'a pas tort...
Le 06 octobre 2022
Oui, le système est bancal, et entraîne inéluctablement des dérives. Comme tout système loin (très, très loin) d'être parfait et bien maîtrisé, il expose à des contournements et à d'indiscutables profiteurs (qui, diront certains, auraient bien tort de ne pas en tirer parti). Mais il y a plus grave à mes yeux : obsolète, il est désormais totalement inadapté aux exigences actuelles des usagers de la santé comme à celles des soignants. Parmi les suggestions de la Cour, il manque bien des choses mais son rôle est moins de faire des préconisations politiques que des diagnostics économétriques. Il est en tous cas nécessaire de remettre sur la table les possibilités de rémunération : 1. par capitation (en partie) pour les "médecins traitants" (je préférais "praticiens référents") 2. par salariat (éventuellement partiel) pour les médecins qui assurent des fonctions de continuité des soins à la charge des collectivité locales. On devra, bien entendu, évoquer bien d'autres sérieux problèmes à résoudre.