L’espion.ne qui m’aimait

Baltimore, le samedi 8 octobre 2022 – Des agents doubles, des réunions clandestines, des documents secrets, de méchants Russes : l’histoire qui a fait la une des journaux américains à la fin de la semaine dernière a tout d’un roman d’espionnage ou d’un opus de James Bond. Mais changement d’époque oblige, elle contient un personnage qu’on croisait assez peu dans les livres de Ian Fleming : un espion transsexuel.

Avant d’être au centre de cette affaire digne de la guerre froide, le major Jamie Lee Henry était devenu(e) un des symboles de la progression des droits des personnes LGBT aux Etats-Unis. Médecin militaire, elle était en effet devenue en 2015 le premier officier ouvertement transgenre de l’armée américaine. Institution éminemment conservatrice, qui n’a toléré des homosexuels dans ses rangs qu’à partir de 1993, l’armée américaine avait pourtant accepté que l’officier change de nom, un an avant que la réglementation interdisant aux personnes atteintes de dysphorie de genre d’intégrer les forces armées ne soit abolie.

Si l’officier transsexuel(le) avait alors été encensé(e) par la presse progressiste pour son courage, ses nouveaux faits d’armes lui ont valu moins d’acclamations. Le 28 septembre dernier, elle et son épouse, le Dr Anna Gabrielian, ont en effet été arrêtées et mises en examen pour avoir tenté de livrer des informations secrètes à la Russie. Les deux présumées traitres encourent 10 ans de prison pour conspiration plus cinq ans pour avoir divulgué des informations médicales secrètes. Elles ont été libérées sous caution et assignées à domicile.

Troubles de l’identité de l’agent sous couverture


Un communiqué du ministère de la Justice nous apprend que, à plusieurs reprises durant le mois d’août, les deux praticiennes ont rencontré dans une chambre d’hôtel de Baltimore un individu qu’elles croyaient être un espion russe, mais qui était en réalité un agent du FBI (le contre-espionnage américain) sous couverture.

En tant que médecin militaire, la major Henry a alors proposé au faux espion russe de lui fournir des informations médicales secrètes sur des membres hauts gradés de l’armée américaine ainsi que sur le fonctionnement du système de santé des armées, « tel que la manière dont l’armée américaine établit un hôpital de campagne sur le front et des informations sur l’aide apportée par les Etats-Unis à l’armée ukrainienne » peut-on lire dans le communiqué. Lors d’un autre rendez-vous avec l’agent sous couverture, Jamie Lee Henry lui a livré le dossier médical de sept membres des forces armées et de leurs proches, indiquant pour l’un d’eux qu’il souffrait d’une maladie que « la Russie pourrait utiliser contre lui ».

Quel est le sexe du capitaine ?


La motivation du couple de médecins-espions semble être avant tout politique. Le major Henry a en effet expliqué au faux agent russe qu’elle considérait que la guerre en Ukraine avait en réalité été déclenchée par les Etats-Unis pour nuire à la Russie.

Elle aurait même tenté de s’engager dans l’armée russe (!) avant d’être déboutée en raison de son manque d’expérience du combat. Sans doute ignorait elle que la Russie est loin de faire preuve de la même ouverture d’esprit envers les transsexuels que l’armée américaine (et c’est un euphémisme). Cette naïveté confondante pourrait d’ailleurs être considérée comme une circonstance atténuante lors d’un éventuel procès…

Une certaine confusion règne encore sur cette affaire qui ne fait que débuter, y compris d’ailleurs sur le genre du major Henry. L’acte de mise en examen de l’accusé se réfère en effet à elle en utilisant le pronom « il » et en le qualifiant de « mari » de son épouse. Le ministère de la Justice a expliqué que c’était le major Henry et sa femme eux-mêmes qui utilisaient des pronoms masculins pour parler de lui (ou d’elle). Le site de la chaine CNBC reconnait avoir dû modifier plusieurs fois son article sur le sujet, ne sachant plus à quel pronom se vouer (comme le signataire de notre texte).

Quentin Haroche

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Vos réactions (2)

  • L'Espion(ne) qui aimait le Roi

    Le 08 octobre 2022

    Rien de nouveau sur la planète ! Une affaire similaire date de Louis XV et de son(sa) espion(ne) le Chevalier d'Eon !

    Dr M Kujas

  • Espion.ne

    Le 09 octobre 2022

    Merci de nous épargner l'écriture inclusive et ces dérivés.
    Cordialement

    Dr Alain Refrais

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