
« Le cadre d’accompagnement de la fin de vie est-il adapté
aux différentes situations rencontrées ou d’éventuels changements
devraient-ils être introduits ? ». Telle est la question à
laquelle devront répondre les 150 citoyens tirés au sort qui
participeront, à compter du 9 décembre prochain, à la convention
citoyenne sur la fin de vie.
La formulation est issue d’une lettre de la Première Ministre
Elisabeth Borne adressée ce dimanche au Conseil économique, social
et environnemental (CESE), qui sera chargé d’alimenter les futurs
débats.
Le diable étant dans les détails, la formulation de cette
question a elle-même donné lieu à de vifs débats. Une première
formulation de la question proposée par le CESE et finalement
abandonnée évoquait des « situations individuelles ». «
Le mot « individuelles » a sauté par souci d’éviter que la
convention se penche sur des cas trop spécifiques » explique
désormais le CESE.
Un débat joué d’avance ?
Mais pour les opposants à la légalisation du suicide assisté
et de l’euthanasie, la formulation de la question est biaisée, en
ce qu’elle insinue qu’un changement est nécessaire. « Demander
si le cadre actuel répond à toutes les situations, c’est induire
que la loi n’y répond pas, c’est conduire à considérer que la
réponse sera d’autoriser à se donner ou à administrer la mort »
estime Erwan Le Morhedec, avocat proche des milieux
conservateurs.
Même les partisans d’un changement de la législation
reconnaissent que la question posée est quelque peu orientée. «
Il faut reconnaitre qu’en demandant si la loi actuelle répond à
toutes les situations, on induit la réponse » admet Jean-Luc
Romero-Michel, président d’honneur de l’Association pour le droit à
mourir dans la dignité (ADMD).
Ce débat sur le débat, qui peut paraitre quelque peu
pointilleux, fait renaitre une crainte, celle que cette future
concertation citoyenne soit jouée d’avance. Le Comité consultatif
national d’éthique (CCNE) s’est en effet récemment dit favorable à
la légalisation du suicide assisté tandis que le Président de la
République lui-même n’a pas caché sa volonté de faire évoluer le
système français vers le « modèle belge » et de faire de la
fin de vie la grande question éthique de son second mandat. De quoi
laissez peu de doute sur l’issue des futurs débats.
La lettre de mission de Matignon précise également les
modalités de cette future convention citoyenne. Les participants
seront tirés au sort avec une pondération en fonction du sexe, de
l’âge, du domicile, de la profession et du niveau d’éducation afin
qu’ils soient représentatifs de la population française. Le comité
devra rendre son avis fin mars. La société française
d’accompagnement et de soins palliatifs (Sfap) a d’ores et déjà
invité les futurs membres du comité à venir visiter un service de
soins palliatifs avant l’ouverture des débats.
Trop de débats tuent le débat
Mais cette convention citoyenne ne sera pas la seule
concertation qui sera menée ces prochains mois sur la question de
la fin de vie, ce qui laisse planer un risque de télescopage et de
trop plein de débats. La ministre des professionnels de santé Agnès
Firmin le Bodo et le porte-parole du gouvernement Olivier Véran
vont ainsi organiser des groupes de travail qui devront transmettre
leurs conclusions à la convention citoyenne « au plus tard au
début de l’année 2023 » selon le CESE.
Un rapport de la Cour des Comptes sur les soins palliatifs est
également attendu d’ici juin prochain tandis que la commission des
affaires sociales de l’Assemblée Nationale va commencer une mission
d’évaluation de la loi Leonneti-Claeys. Sans compter que des débats
auront aussi lieu en régions à travers les « Espaces éthiques
régionaux » et que Matignon précise que le CESE est libre «
de procéder à d’autres formes de consultations citoyennes s’il le
juge utile pour éclairer le débat ».
Enfin, pour éviter de renouveler les critiques formulées à
l’encontre de la convention citoyenne sur le climat, dont les
conclusions n’auraient été qu’insuffisamment prises en compte par
l’exécutif, Elisabeth Borne a précisé que « les ministres
chargés de l’animation de ce débat national reviendront informer
les membres de la convention citoyenne des suites qui seront donnés
de leurs travaux et, dans l’hypothèse d’une évaluation du cadre
légal demandé au législateur, les éclairer sur la prise en
considération de leurs réflexions et recommandations ».
Matignon rappelle donc en filigrane que c’est au Parlement que
reviendra le dernier mot, ce qui laisse songeur sur l’utilité de
cette future consultation.
Nicolas Barbet