
Paris, le mercredi 2 novembre 2022 – Cet après-midi, le
ministre de la Santé, François Braun reçoit une délégation de
pédiatres hospitaliers, alors que ces derniers ont multiplié les
alertes ces derniers jours pour dénoncer comment une épidémie «
habituelle » de bronchiolite suffisait pour mettre à genoux
l’ensemble du secteur.
Mais cette rencontre est en partie boudée par les pédiatres
qui dénoncent notamment le fait qu’aucun représentant du Groupe
francophone de réanimation et urgences pédiatriques n’a été invité
à participer à la rencontre. Or, il s’agit de la « seule société
savante de notre spécialité » rappelle Stéphane Dauger, chef de
service de réanimation pédiatrique de l’hôpital Robert-Debré.
Ce dernier s’irritait encore ce matin de constater que le
ministre n’avait pas élargi l’invitation, alors que « 37 des 37
chefs de service des services français de réanimation pédiatrique »
signent une tribune dans Sud-Ouest, interpellant le Président de la
République.
Quand le gouvernement semble se décharger de sa responsabilité sur les services de pédiatrie
C’est en effet bien plus certainement l’Elysée que l’avenue de
Ségur que les pédiatres visent et ce depuis la publication d’une
première lettre adressée au chef de l’Etat le 21 octobre dans le
Parisien et désormais signée par 7 000 soignants. Ce matin, une
délégation de ces signataires s’est rendue à l’Elysée espérant (en
vain) pouvoir remettre en main propre leur texte à Emmanuel
Macron.
Par cet acte symbolique, les pédiatres veulent notamment
signifier à l’exécutif qu’ils refusent d’endosser la responsabilité
des potentielles conséquences de la crise actuelle. Ainsi, dans le
texte publié par Sud-Ouest, les chefs de service s’expriment très
clairement : « Les mises en danger sont quotidiennes et vous en
êtes responsable Monsieur le Président, par manque d’un courage
politique nécessaire à l’engagement d’une réforme ambitieuse
».
La sentence fait écho à un communiqué publié le 31 octobre par
le Collectif pédiatrie s’insurgeant : « Les soignants regrettent
l’absence totale de reconnaissance par les pouvoirs publics du
caractère très critique de la situation engendrée par une épidémie
habituelle, de la dégradation des soins et des drames qu’elle
engendre, les laissant porter seuls la responsabilité des désastres
en cours (…). Les soignants refusent désormais que cette
responsabilité leur incombe et demandent la reconnaissance par
l’Etat et par le Président de la République de la situation et de
ses conséquences » écrivent-ils.
D’innombrables mises en danger
La colère gronde et plusieurs mouvements de grève ont débuté à
l’appel de syndicats de paramédicaux (comme à la Timone à
Marseille) et d’autres sont envisagés, dont les pédiatres se disent
solidaires. Si les alertes sont si nombreuses et si virulentes
c’est parce que l’heure est très grave, insistent les pédiatres,
loin des simples « tensions » qu’ont bien voulu
évoquer jusqu’à aujourd’hui les pouvoirs publics.
« En Ile-de-France, nuit et jour, les transferts d’enfants
relevant de réanimation dans d’autres régions atteignent la
trentaine, tandis que les transferts d’enfants relevant de services
de pédiatrie ne sont même pas comptabilisés par les agences
régionales de santé » donne comme exemple le Collectif
pédiatrie. Alors que ces transferts représentent un risque pour les
enfants, ils désorganisent également les services et les SMUR qui
sont mobilisés par ces mesures. D’une manière générale, le
collectif estime que les mises en danger sont « innombrables et
quotidiennes ».
Il détaille : « Dans la très grande majorité des services
d’urgences pédiatriques, des enfants sont hospitalisés sur place
dans les box de consultation par manque de chambres
d’hospitalisation, sous la responsabilité d’équipes médicales et
paramédicales chargées d’assurer leur prise en charge en plus de
l’activité soutenue des urgences. Les équipes de SMUR (services
mobiles d’urgence et de réanimation) sont débordées avec des
transferts d’hôpitaux à hôpitaux qui ont été multipliés par 2,
entraînant des retards de plusieurs heures des transferts d’enfants
vers les réanimations, obligeant des équipes de service d’urgence à
mettre en place seules des mesures de ventilation relevant des
services de réanimation. Les pédiatres ambulatoires sont débordés
par des prises en charge d’enfants au domicile qui relèveraient de
l’hospitalisation ».
Des mesures à prendre immédiates
Pour les pédiatres, plusieurs mesures doivent donc être prises de façon très rapide. Ils énumèrent dans le texte paru dans Sud-Ouest : respect des ratios de soignants, versement de la prime de soins critiques à tous les paramédicaux exerçant dans le secteur, revalorisation des salaires des paramédicaux, des cadres de santé exerçant en soins critiques pédiatriques et revalorisation de la permanence des soins et du travail de nuit, création d’un diplôme d’infirmiers en soins critiques pédiatriques, adaptation du nombre de lits dans ces unités au bassin de population, maintien de l’ouverture de ces lits toute l’année et renfort de leur autonomie fonctionnelle et financière.
De nouveaux traitements qui désencombreront les réanimations pédiatriques dans quelques années
La multiplication des mobilisations et des manifestations
devrait sans doute forcer le gouvernement à prendre les mesures à
la hauteur de l’urgence. Il ne peut en effet espérer (comme dans le
cas de la Covid) que de nouveaux traitements et vaccins soulagent
immédiatement la pression des services de réanimation
pédiatrique.
Des pistes existent cependant pour les années à venir. En
effet, après le feu vert donné récemment à la commercialisation
d’un anticorps monoclonal de Sanofi contre les infections à VRS du
nourrisson, les laboratoires Pfizer viennent de présenter les
résultats encourageants d’un vaccin contre ces dernières. Des
essais de phase 3 (dont les conclusions n’ont pas encore été
publiées dans une revue à comité de lecture) montrent ainsi une
réduction de 82 % des cas graves dans le groupe des nourrissons
dont les mères avaient été vaccinées pendant la grossesse et de 69
% dans les six mois suivants.
Le vaccin n’aurait cependant pas d’effet significatif sur les
cas non sévères. Si l’information sera suivie avec intérêt par les
professionnels et les familles, elle n’est sans doute pas une
réponse à l’urgence actuelle.
Aurélie Haroche