
La France fait actuellement face à sa pire épidémie de
bronchiolite depuis plus de dix ans. Les derniers chiffres publiés
par Santé Publique France (SPF) ce mercredi sont particulièrement
alarmants. Au cours de la semaine dernière, près de 6 900 enfants
de moins de 2 ans (dont 92 % de moins de 1 an) ont été vus aux
urgences pour bronchiolite, soit 7 % de plus que la semaine
précédente. La hausse est certes beaucoup moins fulgurante que la
semaine précédente (+ 47 %), mais l’infléchissement est
vraisemblablement plus dû à aux vacances de la Toussaint qu’à un
réel recul de l’épidémie.
Les hôpitaux franciliens submergés
Plus grave encore, plus de 2 300 enfants ont été hospitalisés
à la suite de leur passage aux urgences, soit une hausse de 13 %
sur la semaine. Le nombre de passages aux urgences et
d’hospitalisations de nourrissons atteint des niveaux «
supérieurs à ceux observés aux pics épidémiques depuis plus de 10
ans » indique SPF. 50 % des hospitalisations d’enfants de moins
de 2 ans concernent des cas de bronchiolite, alors que ce taux
atteignait 40 % lors des pics des épidémies précédentes.
Les observateurs sont partagés sur le point de savoir si le
pic de l’épidémie est proche. Pour Sophie Vaux, épidémiologiste à
SPF, il est possible que « cela continue de monter » et que
« le rythme hebdomadaire remonte une fois estompé l’effet des
vacances ». La Covid-19 semble avoir perturbé le cycle normal
des épidémies de bronchiolite : alors que le pic survient
habituellement mi-décembre, c’est la deuxième année consécutive que
l’épidémie survient dès octobre.
Cette épidémie de grande ampleur survient dans un contexte de
crise profonde de l’hôpital public, qui touche particulièrement la
pédiatrie. De nombreux services hospitaliers, notamment en
Ile-de-France, ne parviennent plus à faire face à l’afflux de
petits patients. A l’hôpital Robert Debré à Paris, 38 enfants ont
dû être hospitalisés dans la nuit du 27 au 28 octobre, alors même
que le service ne compte que 21 places. Au total, 38 enfants
nécessitants des soins de réanimation pédiatrique ont dû être
transférés d’Ile-de-France vers d’autres régions depuis la
mi-septembre, éloignant ainsi parents et enfants parfois de
plusieurs centaines de kilomètres.
400 millions d’euros débloqués pour la pédiatrie hospitalière
Face à la gravité de la situation, le ministre de la Santé
François Braun a annoncé ce mercredi le déclenchement dans toute la
France du plan ORSAN (organisation de la réponse du système de
santé en situations sanitaires exceptionnelles), équivalent
national du plan blanc. Ce dispositif permet à tous les hôpitaux,
sous l’égide des agences régionales de santé (ARS) « d’adapter
finement les capacités d’hospitalisation » selon les termes du
ministre et de « veiller à la pleine mobilisation de tous les
acteurs de santé, publics et privés ».
En pratique, le déclenchement du plan ORSAN peut notamment
conduire au « rappel du personnel hospitalier », au «
renforcement de la permanence de soins ambulatoire » voir, «
si les moyens locaux ne suffisent plus », à la mobilisation de
la réserve sanitaire.
La décision du gouvernement de déclencher le plan ORSAN
s’ajoute à l’annonce le 2 novembre dernier d’une enveloppe de 400
millions d’euros à destination des services de pédiatrie. Une
rallonge budgétaire qui permettra notamment de doubler la
rémunération des heures de nuit en pédiatrie jusqu’au 31 mars
prochain et d’étendre la « prime soins critiques » (118
euros brut par mois) aux puéricultrices.
Des annonces accueillies assez tièdement par le milieu de la
pédiatrie hospitalière qui souhaite désormais que des mesures au
long cours soient prises pour renforcer les capacités d’accueil de
l’hôpital public. « Que ce soit la Covid, la canicule ou la
bronchiolite, on n’arrive plus à absorber un pic d’activité, la
priorité c’est d’enfin avoir un plan de renforcement pérenne de
l’hôpital » explique ce jeudi matin au micro de Franceinfo le
Pr Jean-Luc Jouve, président de la commission médicale
d’établissement de l’AP-HM.
Nicolas Barbet