
Parce qu’elle constitue une maladie mal connue, mal
diagnostiquée, particulièrement douloureuse et touchant l’intimité
des femmes, l’endométriose constitue un terreau favorable pour le
développement de dérives sectaires et d’approches
pseudo-scientifiques.
Les femmes victimes à double titre
L’ampleur du phénomène était déjà connu, selon une analyse
préliminaire de l’étude ComPaRe sur l’endométriose lancée en 2019
par Marina Kvaskoff, épidémiologiste à l’Inserm à l’hôpital
Paul-Brousse à Villejuif, 80 % des femmes atteintes d’endométriose
ayant répondu à l’enquête ont eu recours au moins une fois à une
pratique alternative comme l’ostéopathie, le yoga, la méditation ou
la sophrologie.
Mais si les pratiques sont généralement réalisées dans le
cadre d’un parcours de soins, la Miviludes s’inquiète grandement du
développement de véritable parcours hors de tout contrôle par le
corps médical. Pour la Miviludes, les femmes sont victimes à double
titre de la maladie. : « médicalement, d’abord, par des
charlatans qui exploitent leur détresse avec des remèdes
’miraculeux’, et surtout très onéreux. Spirituellement, ensuite,
par le ’féminin sacré’ et son dévoiement du féminisme à des fins
mercantiles. »
En novembre dernier, la cellule investigation de Radio France
avait mis en lumière les thérapies « alternatives » en
dehors de tout parcours médical. Sur les réseaux sociaux, et
notamment sur Facebook et Instagram, des naturopathes ou
spécialistes auto-proclamés proposent des services intitulés «
Prendre soin du féminin », « coach bien-être endo » ou
encore « transforme ta vie grâce à l’endométriose ».
Certaines « consultations » font l’objet de facturation
particulièrement onéreuses, allant jusqu’à 870 euros pour huit
séances d’une heure en visioconférence.
De son côté, la Mission interministérielle relève la
multiplication de petites structures dans les domaines de la santé,
du bien-être et de l’alimentation. Les thérapies non
conventionnelles se sont développées dans le cadre de la crise
sanitaire et « portent un risque important en matière de santé
publique ». Les mineures semblent particulièrement ciblées par
les « gourous 2.0. » qui propagent leur doctrine sur les
réseaux sociaux.
Près de 70 % des saisines en 2021 concernant la santé se
rapportaient à des « pratiques de soins non conventionnelles
telles que la naturopathie, le reiki, la nouvelle médecine
germanique, etc. ».
« Féminin sacré » et culpabilisation des femmes
Outre la récupération « médicale » des patientes à des
fins onéreuses, l’institution met également en avant les discours
« spirituels » provoquant une récupération des femmes par
des groupuscules sectaires. La mission appelle à une « vigilance
particulière » face à un phénomène très « lucratif », et
« en pleine expansion », qui « trouve un véritable succès
sous couvert de l'émancipation des femmes ».
Au centre des interrogations, les pratiques autour du «
féminin sacré » proposant une « reconnexion du corps de
l’esprit ». Des stages qui atteignent « bien souvent des
prix exorbitants », jusqu'à 1206 euros pour « un voyage au
bout des sens », de 5 jours.
L’enquête menée par Radio France avait mis en lumière le
rapport extrêmement culpabilisateur introduit par les «
praticiens » prétendant guérir l’endométriose, présentée comme
une maladie « révélatrice d’un dysfonctionnement familial »
ou pouvant être guérie avec la seule volonté.
D’autres techniques inquiètent encore plus d’un point de vue
médical, souligne le rapport. Comme celle de la « bénédiction de
l’utérus », décrite comme une « technique énergétique qui
cherche à harmoniser et synchroniser les énergies des femmes ».
Plus de deux millions de femmes seraient touchées par de
l’endométriose en France, autant de cibles de charlatans bien plus
avides de gains que d’améliorer leur santé.
C.H.