
Les rapports qui dressent un tableau positif et encourageant
de la situation à l’hôpital public sont rares ces derniers temps,
surtout depuis que nos établissements de santé ont été touchés de
plein fouet par la Covid-19 il y a deux ans et demi. C’est donc
avec une certaine satisfaction que l’on lit le dernier rapport
rendu public ce lundi de l’observatoire national des violences en
milieu de santé (ONVS), organisme dépendant du ministère de la
Santé, selon lequel les signalements pour violence ont diminué
durant les deux années de crise sanitaire.
Si habituellement l’ONVS établit des rapports annuels, la
situation exceptionnelle de la pandémie de Covid-19 l’a conduit à
analyser ensemble les deux années de crise. On constate qu’alors
que l’ONVS avait recensé en 2019 environ 23 800 signalements
d’atteintes aux personnes et aux biens émis par 451 établissements,
elle n’a reçu que 19 600 signalements en 2020 (émis par 383
établissements) et 19 300 signalements en 2021 (391
établissements).
Des chiffres à prendre cependant avec précaution, les auteurs
du rapport rappelant qu’ils ne sont évidemment pas exhaustifs.
Chaque établissement et même chaque soignant a sa propre politique
de signalements et ce n’est pas parce qu’un établissement signale
plus de faits de violences qu’il en est véritablement plus souvent
le lieu.
Baisse des violences physiques mais hausse des agressions verbales
Pour les agents de l’ONVS, ce recul de la violence est la
conséquence des mesures sanitaires, qui ont diminué le flux de
personnes fréquentant les établissements de santé, avec la
limitation des visites et la baisse d’activité de certains services
habituellement propice à la violence comme la psychiatrie ou les
urgences. Les services psychiatriques restent d’ailleurs ceux où
les faits de violence sont les plus fréquents, cumulant 22,2 % des
signalements d’atteintes aux personnes ou aux biens. Les autres
services « les plus violents » sont les urgences (12,2 % des
signalements) et plus étonnamment les unités de soins de longue
durée (USLD) et les Ehpad (12,5 % des signalements).
Si on s’intéresse aux seules atteintes aux personnes, qui
représentent 81 % des atteintes signalés en 2020-2021, on observe
que c’est la violence physique qui est en recul. 9 440 cas
d’agressions physiques ont ainsi été signalés dans des
établissements de santé en 2020 (dont 480 avec armes) contre 8 811
en 2021 (dont 523 avec arme) soit une baisse de 6,6 %. Quelques
rares cas extrêmement graves sont à signaler avec notamment 27
viols et 4 prises d’otage en 2020. Inversement, les cas
d’agressions verbales sont en augmentations : 8 158 faits d’injures
et de menaces ont été recensés en 2020 contre 8 945 en 2021 (+ 9,6
%).
L’intolérance à la frustration gagne nos contemporains
Les tensions liées à la crise sanitaire (interdiction des
visites, port obligatoire du masque, passe sanitaire…) peuvent
expliquer cette hausse de la violence verbale en 2021. Le rapport
note que des reproches liés à une supposée mauvaise prise en charge
restent la cause principale des violences (50 % des faits de
violences) suivi des refus de soins (21,3 %), d’un temps d’attente
jugé excessif (8,6 %) et de l’alcoolisation (7 %).
Les difficultés liées au principe de laïcité restent une cause
marginale de violence (0,4 %). De manière générale, les auteurs du
rapport notent que c’est l’intolérance des usagers à la frustration
qui est la cause profonde des agressions physiques ou
verbales.
En conclusion, les agents de l’ONVS avancent plusieurs
propositions pour continuer à faire reculer les actes violents à
l’hôpital (formation des soignants, généralisation de la
vidéosurveillance, simplification de la réponse judiciaire…) et
notent que « les formations professionnelles pratiques
dispensées sur la gestion des tensions et de l’agressivité, souvent
conçues par des soignants pour des soignants, se révèlent
extrêmement utiles afin de mieux prévenir et de gérer les moments
de violence ».
Du grain à moudre pour le ministère de la Santé, qui a annoncé
ce mercredi vouloir « concevoir de nouveaux outils de lutte
contre ces violences protéiformes, adaptés aux différents modes
d’exercice des professionnels de santé ». Va notamment être
créé une nouvelle plateforme numérique de signalement des faits de
violences qui sera « plus facilement identifiable et donc plus
accessible », qui sera également ouverte aux médecins libéraux.
Le ministère promet aussi de relancer la coopération entre les
différents ordres professionnels, la police et la justice afin de
renforcer l’application des conventions « santé-sécurité-justice
».
Quentin Haroche