
Depuis quelques jours, des déclarations éparses de
responsables politiques chinois avaient entrouvert l’espoir d’un
assouplissement rapide de la politique zéro-Covid, basée sur des
dépistages massifs et des confinements et qui limite fortement la
liberté des Chinois depuis trois ans. Un changement de politique
qui est désormais officiel : ce mercredi, la Commission nationale
de santé (NHC) a annoncé toute une batterie de nouvelles règles
sanitaires bien plus souples.
En premier lieu, les autorités ont annoncé que les cas
asymptomatiques ou souffrant de symptômes légers (soit l’immense
majorité des personnes contaminées) pourraient désormais s’isoler à
domicile. S’en est donc en grande partie fini de ces immenses
centres de quarantaine, construits un peu partout en Chine et où
des millions de Chinois ont été enfermés dans des conditions
souvent indignes.
Fin de la politique de dépistage massif
Le gouvernement communiste a également indiqué vouloir «
réduire davantage la portée des tests et en réduire la fréquence
» alors que des millions de Chinois sont dépistés chaque jour.
Il ne sera donc désormais plus nécessaire de présenter sur son
smartphone un code vert, synonyme de test PCR négatif de moins de
48 heures, pour se rendre dans les lieux publics fermés.
Fin également de l’exigence d’un test négatif pour se déplacer
d’une province chinoise à une autre (rappelons que selon certaines
estimations le coût de ces tests représenterait 2,5 % du PIB
chinois). Enfin, le parti communiste chinois a annoncé que les
confinements prononcés en cas de détection d’un foyer épidémique
seraient désormais limités à des immeubles (et non plus à des
villes entières) et que les écoles de Pékin, fermés depuis un mois,
allaient rouvrir. En revanche, les frontières extérieures de la
Chine restent fermés jusqu’à nouvel ordre.
Ces annonces, précédés par des mesures d’assouplissement
locales dans plusieurs grandes villes chinoises ces dernières
semaines, marquent la victoire de ces dizaines de milliers de
Chinois qui, depuis deux semaines, manifestent dans les rues pour
protester contre les mesures sanitaires. Des manifestations, d’une
ampleur sans précédent depuis la révolte de Tiananmen de 1989, qui
ont pris un tournant politique, certains protestataires critiquant
ouvertement le parti communiste chinois (PCC) et même le président
Xi Jinping (malgré l’omniprésence policière).
Une politique aux lourdes conséquences économiques
La réaction des opposants au régime à cet assouplissement des
mesures sanitaires a d’ailleurs été très contrastée sur les réseaux
sociaux. « Trois ans effacés en un clin d’œil, l’espoir est de
retour ! » se réjouit l’un, « méfions-nous des autorités
locales » réagit un autre, qui explique être actuellement
confiné à l’aéroport de Nankin, « libérez ces jeunes qui ont
lutté pour nos droits » s’insurge un troisième. Des messages
rapidement effacées par l’implacable censure numérique en place
dans l’Empire du Milieu.
C’est sans doute surtout l’impact économique désastreux de la
politique zéro-Covid qui a incité Pékin à revoir sa position. Selon
les derniers chiffres publiés ce mercredi, les exportations ont
baissé de 8,7 % sur un an en novembre et les importations de 10,6
%. Du jamais vu depuis la première vague épidémique de 2020,
lorsque la quasi-totalité de la planète était confinée. « Il
faut se concentrer sur la stabilité de la croissance et favoriser
l’amélioration économique » a déclaré ce mardi Xi Jinping après
une réunion du bureau politique du PCC, durant lequel la stratégie
sanitaire aurait à peine été évoquée (officiellement tout au
moins).
Le défi pour la Chine sera désormais d’accélérer la
vaccination des personnes âgées, afin que la sortie de la politique
zéro-Covid, qui sera sans doute très progressive, se déroule sans
trop de heurts. Actuellement, seulement 40 % des Chinois de plus de
80 ans ont reçu une dose de rappel et les épidémiologistes estiment
qu’en l’état actuel de la couverture vaccinale, une levée trop
brusque des mesures sanitaires pourraient conduire à la mort de 2
millions d’habitants.
Grégoire Griffard