Chine : vers une Grande Epidémie ?

Pékin, le mercredi 14 décembre 2022 – L’abandon soudain de la politique zéro-Covid laisse craindre une flambée épidémique sans précédent en Chine, qui pourrait avoir de lourdes conséquences dans ce pays et sur le monde entier.

Jusqu’à présent, la Chine était l’un des pays les plus épargnés par la pandémie de Covid-19, trois ans après son apparition à Wuhan. Aucune flambée épidémique semblable à celle des pays européens n’y a été détecté et si l’on en croit les chiffres officiels (à prendre évidemment avec précaution), seulement 5 235 Chinois seraient morts de la Covid-19, sur une population d’1,4 milliard d’habitants, alors que des millions d’Occidentaux ont perdu la vie. Un succès rendu possible par une stratégie zéro-Covid extrêmement contraignante, basée sur des confinements drastiques et des dépistages de masse, qui a réduit à néant la liberté déjà très relative des Chinois.

Mais tout a changé depuis la semaine dernière. Après trois semaines de manifestations d’opposition à la politique sanitaire du gouvernement communiste, d’une ampleur inédite depuis le soulèvement de Tiananmen de 1989, Pékin a décidé d’amender fortement sa stratégie sanitaire. Fin de l’isolement en centre de quarantaine, de l’obligation de présenter un test négatif pour se rendre dans les lieux publics ou pour voyager dans le pays, des confinements de quartier entier et des fermetures d’écoles. Après avoir passé trois années à instiller la peur du virus chez les Chinois, le gouvernement et la presse officielle expliquent désormais aux habitants qu’il n’y a rien à craindre et que le variant Omicron n’est pas plus virulent que la grippe.

Pékin touché par une épidémie d’ampleur inconnue


Mais la joie suscitée par l’abandon des mesures les plus liberticides a rapidement cédé la place à l’inquiétude face aux conséquences sanitaires de ce relâchement soudain. La capitale Pékin semble actuellement touchée par une flambée épidémique à la portée inconnue du fait de l’abandon du dépistage. Le ministère de la Santé a ainsi reconnu que les infections « augmentaient rapidement » dans la capitale mais que « la plupart des gens asymptomatiques ne faisant plus de tests PCR, il est impossible d’avoir une idée précise du véritable nombre de personnes infectées ».

Après avoir contrôlé les moindres faits et gestes des Chinois pendant 3 ans, le gouvernement reconnait donc avoir perdu la main sur le virus mais ne s’en émeut pas plus que ça (du moins en apparence).  Ce mardi, l’agence de presse officielle préférait parler d’une exposition sur « les repas simples du président Xi » qui aurait « captivé les visiteurs » plutôt que de la situation épidémique !

Paradoxalement, Pékin a de nouveau les allures d’une ville fantôme depuis l’abandon des restrictions, les habitants préférant s’auto-isoler chez eux. Certains d’entre eux commencent à constituer des stocks d’autotests et de médicament. Le prix de l’ibuprofène a augmenté de 430 % en une semaine et un marché noir aurait déjà commencé à se constituer.

L’inquiétude gagne également les épidémiologistes, qui soulignent que la Chine présente plusieurs caractéristiques qui la rendent très fragile face à la Covid-19. Sa population vieillissante n’a pas pu développer d’immunité naturelle en raison des confinements et de l’isolement du pays. Moins de 40 % des Chinois de plus de 80 ans auraient reçu trois doses de vaccin et encore, il s’agit de vaccins chinois dont l’efficacité contre Omicron n’a pas été prouvée. Les seniors Chinois ont toujours été très méfiants envers les vaccins, leur préférant la médecine traditionnelle et paradoxalement, la dictature communiste semble avoir plus de scrupules que les démocraties occidentales à rendre la vaccination obligatoire ou à mettre en place un pass vaccinal.

La Chine sera-t-elle bientôt un nid à variants ?


Autre faiblesse, le système de santé chinois ne semble pas prêt à faire face à un afflux important et rapide de malades. Le pays ne compterait que 64 000 lits de réanimations (par comparaison, la France en compte environ 6 000 pour une population 25 fois moins importante) et il existe de grandes disparités territoriales dans la répartition des lits.

Ainsi, selon une étude l’université Fundan de Shanghai, une réouverture trop brutale du pays pourrait conduire à la mort de 1,55 millions de Chinois en quelques mois. Et encore, il s’agit d’une hypothèse optimiste, puisqu’elle repose sur l’idée que 90 % des habitants aient fait leur rappel de vaccin et que les produits chinois soient efficaces contre Omicron. En février dernier, la ville de Hong Kong avait elle aussi brutalement levé ses restrictions sanitaires après deux ans de politique anti-Covid : 9 000 personnes étaient décédées en seulement 2 mois. Rapporté à la population chinoise, cela correspond à 1,8 millions de morts. Notons tout de même, pour relativiser la portée de cette possible hécatombe, que 10 millions de Chinois meurent chaque année toute cause confondue.

Enfin, les épidémiologistes rappellent égoïstement que cette possible grande épidémie chinoise peut représenter un danger pour le reste du monde. En effet, si des centaines de millions de Chinois venaient à être contaminés au même moment, cela augmentera fortement le risque de l’apparition de nouveaux variants. « Il y aura un réservoir de réplication virale qui est très important faisant de facto émerger le risque de nouveaux variants » explique l’épidémiologiste Mahmoud Zuriek.

S’il est donc souhaitable que la Chine lève le garrot, elle ne doit pas le faire trop vite.

Nicolas Barbet

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Vos réactions (1)

  • Oui, oui trois fois oui

    Le 14 décembre 2022

    Avec de nouveaux variants.
    La Chine nous aura donné plus de pire que de bien.

    Pr André Muller

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