
Paris, le lundi 19 décembre 2022 – Pour le deuxième week-end de travail de la convention citoyenne sur la fin de vie, les citoyens ont pu interroger des soignants exerçant dans des services de soins palliatifs ou de réanimation.
Ce sera sans doute la grande question éthique de 2023. Depuis le 9 décembre dernier, 180 citoyens tirés au sort participent à la convention citoyenne sur la fin de vie et sont chargés de déterminer si la législation actuelle sur la fin de vie doit être modifiée pour éventuellement autoriser l’euthanasie et/ou le suicide assisté, comme le Comité Consultatif national d’éthique (CCNE) l’a suggéré dans un avis datant de septembre dernier. Découleront de ces travaux un rapport qui sera rendu au gouvernement en mars prochain et éventuellement un projet de loi, le Président de la République n’ayant pas caché sa préférence pour le « modèle belge », alors que nos voisins autorisent l’euthanasie assez largement.
Les soignants de soins palliatifs très circonspects sur la légalisation de l’euthanasie
Après un premier week-end consacré à la découverte de la législation en vigueur, les citoyens membres de la commission ont pu ces trois derniers jours rencontrer et interroger quatorze soignants exerçant en soins palliatifs et dans des services de réanimation. Or, si les sondages indiquent que la majorité des Français sont favorables à la légalisation de l’aide à active à mourir, tel n’est pas le cas des médecins qui exercent en soins palliatifs. En septembre dernier, la société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP) a ainsi clairement exprimé son opposition à toute légalisation de l’euthanasie.
Peu étonnant donc que la totalité des médecins et infirmiers qui se sont succédé pendant plus de deux heures devant les citoyens se soient montrés circonspects voire clairement défavorable à toute modification de la loi Claeys-Leonetti. Un manque de diversité peu apprécié par certains participants à la convention. « Le hasard a fait que les 14 personnes que nous avons auditionnées se toutes montrées très défavorable à l’aide active à mourir » souligne un jeune citoyen de 27 ans.
Certains des soignants interrogés ont notamment défendu les acquis de la loi Claeys-Leonetti, tel le Dr Clément Gakuba, PH dans le service de réanimation du CHU de Caen, qui rappelle que la sédation profonde et continue, autorisée par cette loi, ne doit pas être assimile à de l’euthanasie. « Il faut prendre en compte l’intention du geste, la sédation profonde et continue est là pour soulager le patient, on est dans une logique de soin, on peut certes hâter le décès mais la mort n’est pas l’intention première » explique le médecin.
« Je n’ai pas fait ce métier pour aider un patient à mourir »
Chez d’autres, l’opposition à toute forme de légalisation de l’aide active à mourir est franche et directe. Tel est le cas du Dr Diane Friedman, médecin-réanimateur à l’hôpital de Garches, qui dit « avoir du mal à comprendre ce qui fait que cette demande va s’adresser à un soignant ». « Si on a envie de mourir, il suffit d’aller sur Internet pour savoir comment faire ; personnellement je n’ai pas fait ce métier pour aider un patient à mourir, pas du tout, pour moi, faire mourir quelqu’un ce n’est pas une réponse » lance-t-elle sans détour. Seule voie discordante, celle du Dr Jérôme Tosun, qui exerce en soins palliatifs à Combourg et qui reconnait qu’il peut y avoir « des situations de pathologies neurodégénératives qui peuvent être difficiles à vivre pour les patients » sans aller jusqu’à prôner la légalisation de l’euthanasie.
Reprenant l’argumentation habituelle du SFAP, évoquée également dans le dernier avis du CCNE, les soignants interrogés ont surtout voulu faire comprendre aux membres de la convention que plus que d’une légalisation de l’aide active à mourir, c’est d’un renforcement des services de soins palliatifs dont ils ont besoin. Tour à tour, les médecins ont ainsi évoqué les inégalités territoriales dans la répartition des lits de soins palliatifs, la tarification à l’acte qui créé une course à la rentabilité et le manque de temps. « Parmi les choses qui nous manquent le plus aujourd’hui, il y a le temps, dont nous aurions besoin pour être disponibles pour les personnes qui sont à la fin de leur vie » explique le Pr Djilali Annane, chef du service de réanimation de l’hôpital de Garches.
Ces interventions orientées des médecins feront-ils pencher la convention citoyenne sur la fin de vie vers la défense du statu quo ? Peu probable tant pour beaucoup d’observateurs, l’issue des débats semble jouée d’avance.
Grégoire Griffard