
Pékin, le lundi 26 décembre 2022 – Le gouvernement chinois a décidé de cesser de publier des statistiques officielles sur la Covid-19, rendant le suivi de l’épidémie, semble-t-il d’une ampleur gigantesque, totalement impossible.
Pour lutter contre la pandémie de Covid-19, le gouvernement chinois a choisi une option originale : casser le thermomètre. Ce dimanche, la commission nationale de la Santé a annoncé qu’elle cesserait de publier les chiffres quotidiens de contaminations et de décès dues à la Covid-19 en Chine. Sans donner aucune justification à cette décision, les autorités chinoises se sont contentées de déclarer qu’elles « publieront des informations relatives à l’épidémie à des fins de référence et de recherche » sans plus de précision.
Par cette décision, le gouvernement chinois reconnait qu’avec l’abandon le 7 décembre dernier de sa politique zéro-Covid, qui a corseté la Chine pendant près de 3 ans, il a désormais perdu tout contrôle et visibilité sur l’ampleur de l’épidémie. Avec la fin des tests PCR quasi obligatoires et quotidiens, les Chinois se tournent désormais vers les autotests, dont les résultats ne sont pas enregistrés et dont les chiffres officiels, les derniers faisant état d’environ 4 000 contaminations par jour, ne reflètent désormais plus du tout la réalité.
250 millions de contaminations en 3 semaines !
Pour connaitre l’ampleur de l’épidémie qui touche la Chine, on se retrouve donc désormais à faire des conjectures. Les données qui émanent des régions qui continuent à fournir des statistiques officielles donnent une idée de la gravité sans précédent de la pandémie actuelle.
A Qingdao, ville de 9 millions d’habitants du nord-est du pays, la municipalité estime que 500 000 personnes sont contaminées chaque jour. Dans la province de Zhejiang près de Shanghai, qui compte autant d’habitants que la France, le gouvernement local table sur 1 million d’infections quotidiennes et pense que ce chiffre va doubler la semaine prochaine. Vendredi dernier, les médias ont diffusé un avis de la Commission nationale de la santé, qui estimait à 37 millions le nombre de contaminations quotidiennes dans tout le pays, avant de censurer l’information. Enfin, The Financial Times pense que ce sont 250 millions de Chinois, soit 3 % de la population mondiale, qui ont été infectés par la Covid-19 ces trois dernières semaines. Des chiffres qui peuvent sembler aberrants à première vue, mais qui sont crédibles quand on connait la contagiosité d’Omicron. Lors de la première vague de ce variant en France, ce sont près de 10 millions de contaminations qui avait été recensées lors du seul mois de janvier, pour une population 20 fois moins importante qu’en Chine.
Le mystère ne concerne pas seulement le nombre de contaminations, mais aussi celui des décès. Le gouvernement a ainsi annoncé que seules les personnes qui décéderaient directement d’une insuffisance respiratoire due à la Covid-19 seraient comptabilisées comme des décès officiels de la maladie, excluant ainsi tous les patients souffrant de comorbidités. Une manière de minimiser la gravité de l’épidémie, alors que Pékin a toujours fait de son faible nombre de morts une fierté en comparaison aux millions de décès survenus en Occident. Ainsi, officiellement, seulement huit personnes sont mortes de la Covid-19 depuis la levée des restrictions le 7 décembre dernier.
L’OMS « très préoccupée » par la situation en Chine
Un bilan officiel qui est évidemment loin de refléter la réalité. Depuis plusieurs jours, les funérariums chinois interrogés par les médias locaux, indiquent tourner à plein régime. « Officiellement, il y a eu six morts dans tout Pékin, mais dans la salle des urgences il y avait déjà cinq ou six morts » indique un Pékinois qui a perdu sa mère, emportée par le virus. « Au funérarium, ils m’ont dit que d’habitude ils n’ont jamais plus de quinze corps par jour, mais ma mère était le 36ème corps de la journée et ils en avaient encore une douzaine à brûler ». Là encore, face à l’opacité entretenue par le gouvernement chinois, on en est réduit à des spéculations : au vu de la faible immunité naturelle des Chinois en raison des confinements et de la faible couverture vaccinale, les épidémiologistes estiment qu’entre 1,5 et 2 millions d’habitants pourraient périr dans les trois prochains mois.
La situation épidémique inquiète bien sur les Chinois, terrorisés par trois ans de propagande, qui se terrent chez eux. Les cités de Pékin, Shanghai et Canton ont désormais l’aspect de ville fantôme. Mais l’inquiétude gagne également le reste du monde, car la survenue d’une épidémie de grande ampleur en Chine pourrait favoriser l’émergence de variants potentiellement dangereux. Jeudi dernier, les autorités sanitaires chinoises indiquaient ainsi avoir repéré 130 nouveaux sous-variants d’Omicron en Chine ces dernières semaines. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) s’est dit jeudi dernier « très préoccupée » par la situation en Chine et a appelé Pékin à « concentrer ses efforts sur la vaccination des personnes les plus à risque ». Sans le dire explicitement, l’agence onusienne incite également la Chine à importer des vaccins à ARNm, réputés plus efficaces que les vaccins chinois.
Le revirement des médias officiels chinois est en tout les cas spectaculaire. Alors qu’il y a encore un mois, le Quotidien du Peuple, l’organe de presse officiel du Parti Communiste Chinois, défendait le maintien de la politique zéro-Covid, il reprend désormais allégrement le nouveau slogan officiel des autorités, « chaque personne est individuellement la première responsable de sa santé ». Sur la chaine de télévision nationale CCTV, les informations relatives à ce qu’on appelle désormais le « rhume corona » sont désormais reléguées au troisième plan derrière les déplacements quotidiens du président Xi Jinping et la guerre en Ukraine. « Le personnel médical maintient fermement la ligne, protégeant la santé des masses » assure la télévision. Si le gouvernement a donc abandonné sa politique sanitaire liberticide, il n’a pas perdu l’art du mensonge et de la manipulation.
Nicolas Barbet