
Pékin, le mercredi 28 décembre 2022 – La situation épidémique en Chine inquiète la planète entière, que ce soit sur le plan épidémiologique ou s’agissant de l’approvisionnement en médicaments.
De vagues en reflux, l’épidémie de Covid-19 semble être un éternel recommencement. Trois ans exactement après le début de l’épidémie à Wuhan, les yeux du monde entier sont de nouveau tournés vers la Chine et l’on craint que la situation épidémique dans l’Empire du Milieu ne vienne de nouveau perturber l’équilibre du monde entier, comme ce fut le cas en 2020.
Rappelons tout d’abord la situation en Chine. Le 7 décembre dernier, le gouvernement communiste a, presque du jour au lendemain, abandonné sa très sévère politique zéro-Covid, qui corsetait le pays depuis 3 ans : plus de dépistage massif, plus de confinement drastique, plus d’isolement obligatoire. Désormais le virus circule librement et surtout dans le flou le plus total. Le ministère de la Santé chinois a en effet annoncé dimanche dernier qu’il ne publierait plus de statistiques officielles sur le nombre de cas et de décès, reconnaissant que la fin du dépistage massif avait rendu impossible le suivi de la situation. On en est donc réduit à des conjectures et on estime que déjà des dizaines voire des centaines de millions de Chinois ont été contaminés tandis que l’on évoque 200 à 300 morts par jour de la maladie rien qu’à Pékin.
Manque de données génomiques
Les épidémiologistes le rappellent depuis plusieurs jours désormais : la circulation du virus dans une population aussi nombreuse et surtout aussi faiblement immunisée (très peu de Chinois ont été contaminés ces trois dernières années et la couverture vaccinale et faible) crée un risque important de développement de nouveaux variants. Jeudi dernier, Xu Wenbo, président du CDC chinois, faisait état de 130 nouveaux sous-variants d’Omicron détectés ces dernières semaines.
En réalité, là encore, les données manquent en raison du quasi-abandon des tests PCR depuis trois semaines. « Le manque de données génomiques rend de plus en plus difficile pour les responsables de la santé publique de s’assurer qu’ils seront en mesure d’identifier tout nouveau variant potentiel et de prendre des mesures rapides pour réduire la propagation » a déclaré ce mardi le gouvernement américain. On est en donc de nouveau réduit à des conjectures et beaucoup évoquent, sans preuve très tangible, une forte circulation du variant BF7, qui serait deux à trois fois plus contagieux que les précédents sous-variants d’Omicron et qui circule déjà à bas bruit en Europe.
La Chine rouvre ses frontières, ses voisins les referment
La situation est d’autant plus préoccupante que, toujours dans le cadre de l’abandon de sa politique zéro-Covid, la Chine entend s’ouvrir de nouveau sur le monde après trois années d’isolement. Ce mardi, Pékin a ainsi annoncé qu’à compter du 8 janvier, les personnes entrant sur le territoire chinois auront seulement besoin de présenter un test négatif de moins de 48 heures. Une annonce qui a déjà provoqué une explosion des réservations de vol sur les sites chinois. Pékin pourrait également bientôt reprendre la délivrance de visas de tourisme, suspendue depuis trois ans.
La perspective de voir revenir des visiteurs Chinois très probablement porteurs du virus n’enchantent pas les voisins de l’Empire du Milieu. Le Japon, la Malaisie, Taïwan et l’Inde ont ainsi immédiatement annoncé qu’ils exigeraient un test PCR négatif pour les voyageurs en provenance de Chine. Le gouvernement de l’Uttar Pradesh a également annoncé que les touristes étrangers voulant visiter le célèbre Taj Mahal devront présenter un test négatif. Aux Etats-Unis, le gouvernement a fait savoir qu’il « envisageait de prendre des mesures similaires pour protéger le peuple américain ».
Enfin, la situation épidémique en Chine risque de perturber l’approvisionnement de médicaments dans le monde entier. 80 % des principes actifs des médicaments consommés en Europe proviennent de Chine et d’Inde et plus de la moitié du paracétamol utilisé en Europe est produit en Chine. Or, outre le fait que de nombreux ouvriers chinois contaminés ne pourront pas travailler dans les prochaines semaines, le gouvernement chinois a d’ores et déjà réquisitionné plusieurs dizaines d’usines pharmaceutiques à travers le pays, leur interdisant d’exporter des médicaments, pour satisfaire la demande intérieure.
Quand les Chinois dévalisent les pharmacies
Il faut dire que depuis le début de l’abandon des mesures sanitaires, les pharmacies chinoises sont prises d’assaut et il est déjà très difficile de se procurer du paracétamol ou de l’ibuprofène en Chine. Au Japon, à Taïwan, Singapour mais aussi en Australie, les expatriés chinois se ruent dans les officines pour acheter des médicaments et les envoyer à leurs familles restées au pays, aggravant les tensions d’approvisionnement en médicaments antipyrétiques ou antalgiques dans ces pays.
En France, où les pharmacies connaissent déjà des difficultés en approvisionnement en paracétamol et en amoxicilline sous leur forme pédiatrique depuis plusieurs semaines, la crise chinoise est suivie de très près par le gouvernement et les industriels du médicament. Les laboratoires Sanofi et Upsa, les deux fournisseurs de paracétamol en France, vont ainsi augmenter leur production locale et tenter de se tourner vers d’autres fournisseurs, l’Inde et les Etats-Unis notamment.
On se souvient qu’en 2020, lorsque le premier confinement chinois avait fortement perturbé l’approvisionnement en médicament en Europe, Emmanuel Macron avait promis de renforcer l’indépendance sanitaire de la France. Mais l’usine de paracétamol qui devait ouvrir dans l’Isère en 2023 ne commencera finalement sa production qu’en 2025. A la quantième vague de Covid-19 en serons-nous alors ?
Nicolas Barbet